Vailhé, LETTRES, vol.1, p.786

8 feb 1835 Rome, REBOUL Eleuthère
Informations générales
  • V1-786
  • 0+240|CCXL
  • Vailhé, LETTRES, vol.1, p.786
Informations détaillées
  • 1 AUTEL
    1 BONHEUR
    1 CELEBRATION DE LA MESSE PAR LE PRETRE
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 DISTRACTION
    1 GRACES
    1 HAINE
    1 JESUS-CHRIST
    1 JEUDI SAINT
    1 MORT DE JESUS-CHRIST
    1 NEGLIGENCE
    1 SACERDOCE
    1 UNION DES COEURS
    1 VIE DE PRIERE
  • A MONSIEUR ELEUTHERE REBOUL (1).
  • REBOUL Eleuthère
  • le 8 février 1835.
  • 8 feb 1835
  • Rome,
La lettre

Mon cher Eleuthère,

Votre bonne lettre du 25 janvier m’a rappelé que j’étais coupable envers vous. J’aurais dû vous apprendre moi-même mon entrée dans le sacerdoce. Je m’étais bien souvent proposé de vous écrire, pour vous faire part de tout mon bonheur; je ne sais quelle fatale distraction m’en a empêché. Puisque vous êtes sans rancune contre moi, je veux, au moins par mon exactitude à vous répondre, réparer en partie ma longue négligence.

Il est vrai que l’on a quelque sujet d’être préoccupé pendant les premiers mois de prêtrise; mais soyez persuadé que, si j’ai oublié de vous dire que je pensais à vous, je n’en ai pas moins eu votre souvenir présent, lorsque dans le Saint Sacrifice je recommandais à Dieu ceux de mes amis auxquels je suis le plus sincèrement attaché. Sans parler de toutes les jouissances que l’on éprouve dans ces moments admirables, où l’on parle à son Maître, où on lui commande, je ne puis vous dire quel bonheur il y a à recommander ses amis à Notre-Seigneur, au moment où il va descendre sur l’autel. Ce sont les moments les plus importants sans doute, car alors le coeur se forme, se dilate sans fin, se purifie en même temps. C’est alors qu’on apprend à aimer les hommes, comme le prêtre doit les aimer, avec leurs misères, leur dénuement leurs infirmités de toute espèce. C’est alors qu’on veut s’unir à eux, afin de les, unir à Dieu, et que l’on comprend cette parole que prononça Jésus-Christ entre la Cène et le Calvaire, ut sint consummati in unum(2).

Je me lasse de le répéter depuis. un mois: s’il est vrai que l’homme ne puisse avoir dans ce pauvre et misérable monde, qu’une certaine somme de bonheur, je n’ai plus aucun droit à rien demander. Tout ce qui m’était dû m’a été compté et au delà, depuis que je monte à l’autel. A ceux qui disent que la religion ne donne pas le bonheur sur la terre, je puis répondre quelle m’en a donné déjà plus que je n’avais le droit d’en demander(3).

Je vous dis toutes ces choses, mon cher ami, parce que je vous crois digne de les comprendre; Quoique vous ayez renoncé à réaliser les désirs que vous aviez eus d’entrer dans le sacerdoce, vous n’en sentez pas moins ce qu’il a de sublime. C’est pour cela aussi que je vous conjure de prier pour moi, afin que je ne sois pas trop indigne de la place à laquelle je suis monté. Demandez pour moi à Dieu les grâces nécessaires, a fin que je sois un jour un prêtre apostolique…(4).

Notes et post-scriptum
1. Son ancien commensal de Rome. D'après le brouillon inachevé.
3. Cette réflexion revient fréquemment dans les lettres de cette époque.
4. La fin manque. Ce brouillon de lettre fut relu par l'abbé d'Alzon, vers la fin de sa vie, et conservé par lui avec d'autres brouillons datant de son premier séjour à Rome, preuve qu'il ne détruisait pas volontiers ses papiers.2. *Joan*. XVII, 23.