Vailhé, LETTRES, vol.1, p.788

5 mar 1835 Rome, COURAL Abbé
Informations générales
  • V1-788
  • 0+241|CCXLI
  • Vailhé, LETTRES, vol.1, p.788
Informations détaillées
  • 1 AMITIE
    1 ASCESE
    1 CAREME
    1 CELEBRATION DE LA MESSE PAR LE PRETRE
    1 DOUTE
    1 EFFORT
    1 EPREUVES SPIRITUELLES
    1 EUCHARISTIE
    1 HUMILITE
    1 JESUS-CHRIST
    1 JOIE
    1 MORT DE JESUS-CHRIST
    1 NOTRE-SEIGNEUR
    1 PENITENCES
    1 PRETRE
    1 SAINTE COMMUNION
    1 SAINTE TABLE
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 SOUFFRANCES DE JESUS-CHRIST
    1 TENTATION
    1 VIE DE PRIERE
    2 AZAIS, ABBE
    2 COURAL, PIERRE
    2 LONJON, MARIE
    3 JERUSALEM, GOLGOTHA
    3 JERUSALEM, JARDIN DES OLIVIERS
  • A MONSIEUR L'ABBE COURAL (1).
  • COURAL Abbé
  • le 5 mars 1835.
  • 5 mar 1835
  • Rome,
La lettre

Je réponds, mon cher ami, le plus tôt qu’il m’est possible, à votre lettre du 9 février que j’ai reçue avant-hier. Je vous assure que si tout ce que vous m’y dites de vos douleurs m’a touché vivement, le sentiment que j’ai éprouvé a été de la joie plutôt que de la tristesse. Pourquoi vous plaindre, s’il est vrai que vous souffriez? Je ne tiendrais pas un tel langage à une âme faible, mais vous, mon cher ami, qui depuis longtemps avez passé par certaines épreuves, ne comprenez-vous pas bien que, quoi que nous fassions dans ce bas monde, nous aurons toujours des douleurs, toujours des larmes, des craintes, des troubles, mais que le triomphe de la religion est de nous apprendre à les supporter, à les aimer?

Aspice et fac….(2). Qui voyez-vous? Jésus souffrant, tantôt au Calvaire, tantôt au jardin des Olives; Nonne oportuit Christum pati?(3) Et s’il a été nécessaire que le Christ souffrit, le chrétien refusera sa portion de souffrances? Celui qui veut être prêtre de Jésus-Christ refusera d’aller à l’autel comme s’il allait au Golgotha? Pensez-vous que la communion fût appelée le pain des forts, s’il n’était destiné à nous soutenir dans nos combats intérieurs? Vous êtes effrayé d’aller à la Sainte Table. De deux choses l’une: ou vous êtes faible, et vous devez aller à la Sainte Table pour vous fortifier; ou la tentation, par l’exercice continuel auquel elle vous oblige, vous a déjà donné une certaine force, et vous devez [en] approcher encore pour acquérir des forces nouvelles. Je suis persuadé que vos doutes doivent être dissipés, non pas directement, mais indirectement par l’amour: Charitas omnia credit(4).

Du courage donc, mon cher ami. Persuadez-vous encore une fois que notre véritable destinée ne consiste pas dans l’exemption de toute douleur, mais dans la douleur sanctifiée par son union avec celles du Sauveur. Si scires donum Dei?(5) Si vous compreniez quelles grâces Jésus-Christ vous accorde en vous conduisant par la voie qu’il a suivie lui-même le premier; si vous compreniez bien que, dans les moments de désolation, celui qui peut mieux nous consoler, c’est Jésus-Christ lui-même!

De tous les amis auprès desquels j’ai cherché quelques paroles de force, de sympathie, je n’en ai jamais trouvé aucun qui me comprît mieux que Jésus-Christ. Faites comme moi, allez vous plaindre à Notre-Seigneur de ses propres rigueurs. Mettez votre coeur devant lui et demandez-lui pourquoi il vous a mis dans un état aussi douloureux. Demandez-lui ou de faire cesser vos souffrances, ou de vous en faire comprendre le mérite; et, en effet, il y a un mérite immense à souffrir dans cette nuit profonde, où l’âme ne sait plus où se prendre, où elle cherche Dieu et ne le trouve pas, où elle ne voit pas ce qu’elle fait de bien et où ce qu’elle fait de mal lui apparaît dans toute sa laideur.

Si vous compreniez bien le mérite qu’il y a à vivre dans un pareil état, je suis sûr que vous n’en voudriez pas sortir. Seulement vous vous efforceriez de mériter, par un redoublement d’humilité, de prières et de mortifications, de toucher le coeur de Dieu, afin qu’il vous donnât, non l’affranchissement de vos douleurs, mais une grande force pour les supporter avec constance.

Redoublez d’efforts pour vous rendre agréable à Jésus dans l’Eucharistie. Puisque vous voulez de mes prières, je dirai la messe pour vous et pour l’abbé Azaïs, le IIIe dimanche de Carême et le lundi suivant. J’ai écrit assez longuement à votre ami sur ce que j’avais voulu dire à Lonjon en lui parlant de vous. Vous pourrez le prier de vous faire part de ce que je lui dis à cet égard.

Adieu, mon cher ami. Priez beaucoup pour moi, et croyez à mon inaltérable affection.

Emmanuel D'Alzon.
Notes et post-scriptum
1. Cet abbé avait alors quitté momentanément le Séminaire de Montpellier, d'après les renseignements que nous donne sa lettre du 28 mars 1887. Il devint plus tard aumônier des Franciscaines et se retira à Saint-Chinian, dans le même diocèse. Il publia en 1871, à Montpellier, une biographie fort détaillée de son oncle, l'abbé Pierre Coural, un des plus saints prêtres du diocèse de Montpellier au XIXe siècle, qui s'occupa surtout des filles repenties. Notre lettre a été publiée dans les *Notes et Documents*, t. 1er, p. 574-576.1. Cet abbé avait alors quitté momentanément le Séminaire de Montpellier, d'après les renseignements que nous donne sa lettre du 28 mars 1887. Il devint plus tard aumônier des Franciscaines et se retira à Saint-Chinian, dans le même diocèse. Il publia en 1871, à Montpellier, une biographie fort détaillée de son oncle, l'abbé Pierre Coural, un des plus saints prêtres du diocèse de Montpellier au XIXe siècle, qui s'occupa surtout des filles repenties. Notre lettre a été publiée dans les *Notes et Documents*, t. 1er, p. 574-576.2. *Ex*. XXV, 40: "*Inspice et fac secundum exemplar quod tibi in monte monstratum est*."
3. *Luc*. XXIV, 26.
4. I*Cor*. XIII, 7.
5. *Joan*. IV. 10.