- V1-797
- 0+244|CCXLIV
- Vailhé, LETTRES, vol.1, p.797
- 1 ADOLESCENTS
1 ADVERSAIRES
1 APOTRES
1 BANQUES
1 CATHOLICISME
1 CHANOINES
1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
1 CHRISTIANISME
1 CLERGE FRANCAIS
1 CORRUPTION
1 DESPOTISME
1 EGLISE
1 EMPLOIS
1 FRANCAIS
1 HAINE
1 INJURES
1 JESUS-CHRIST
1 LIVRES
1 LOISIRS
1 LUTTE CONTRE LE MONDE
1 MAHOMETANISME
1 MALADIES
1 MARIAGE
1 PAGANISME
1 PHILOSOPHIE CHRETIENNE
1 POLITIQUE
1 PRETRE
1 RECONNAISSANCE
1 REPAS
1 REPRESSION DES ABUS
1 REPUBLIQUE
1 SALUT DES AMES
1 SANTE
1 SOCIETE
1 SOUCIS D'ARGENT
1 SOUVERAIN PROFANE
1 SPECTACLES
1 SYMPTOMES
1 TRAVAIL DE L'ETUDE
2 ALZON, AUGUSTINE D'
2 ALZON, MADAME HENRI D'
2 AURIOL, D'
2 BONNARIC
2 BOURMONT, VICTOR DE
2 CHAMBORD, COMTE DE
2 DU LAC, JEAN-MELCHIOR
2 FERET, ANDRE-PROSPER
2 LAMENNAIS, FELICITE DE
2 MICARA, LODOVICO
2 MONTPELLIER, THEODORE-JOSEPH DE
2 PAUL, SAINT
2 PUYSEGUR, MADAME ANATOLE DE
2 THARIN, ABBE
2 THARIN, CLAUDE-M.-PAUL
2 VENTURA, GIOACCHINO
3 AFRIQUE
3 ASIE
3 BORDEAUX
3 EUROPE
3 FRANCE
3 LIMOGES
3 PARIS - A SON PERE (1).
- ALZON_VICOMTE
- le 28 mars 1835.
- 28 mar 1835
- Rome,
- Monsieur
Monsieur le vicomte Henry d'Alzon,
rue de Varennes, n° 4. St-Germain.
Paris.
Mon cher petit père,
Je reçus votre lettre avant-hier, mais beaucoup trop tard pour avoir le temps d’y répondre. Je vous remercie de toute la peine que vous vous êtes donnée pour ma lettre à du Lac. Je suis convaincu que le silence est le meilleur parti. Je ne crois pas que des récriminations soient de saison. Et puis, puisque nous croyons que nos adversaires n’agissent pas chrétiennement envers nous, ne devons-nous pas leur montrer quelle est la conduite la plus conforme à la charité?(2).
Ce que vous a dit M. du Lac sur le dernier opuscule de M. de la M[ennais](3) a, j’en ai bien peur, quelque fondement; mais je vous assure que, tout en partageant encore sur une foule de points les idées de M. de la M[ennais], je m’en sépare positivement pour la politique; non pas que je pense qu’il ait tort en annonçant que la politique de l’Europe tourne à la république -Ceci est un fait, et l’on peut disputer sur des faits; on n’était pas mahométan pour annoncer au VIe (sic) siècle que l’islamisme envahissait l’Asie et l’Afrique. Mais ce sur quoi je lui suis essentiellement opposé, c’est dans son point de départ. Il est persuadé qu’aujourd’hui on ne peut, on ne doit plus parler religion, qu’il faut tout amener sur le terrain de la politique; et moi, au contraire, je crois et je suis convaincu qu’il faut tout amener sur le terrain de la religion, en ôtant aux questions du jour tout ce qu’elles ont d’irritant, de personnel.
Je parle dans ce moment comme prêtre, et non comme simple Français. Il y a, dans cette défiance des forces de l’Eglise, quelque chose d’injurieux à la vérité et à l’essence même du catholicisme qui paraît ne pouvoir plus se défendre par ses propres forces. Or, une pareille supposition ne peut pas étre faite par un prêtre de Jésus-Christ. Je considère donc qu’aujourd’hui il faut montrer la religion tenant à la main la clé de tous les problèmes philosophiques et sociaux qui agitent l’esprit humain.
Le cardinal M[icara] me faisait aujourd’hui même une observation magnifique.
Voyez, me disait-il, si jamais la religion, tout en réformant le monde, a attaqué de front les obstacles irritants. Lorsque les apôtres se répandirent sur la terre, jamais par une permission de Dieu on n’avait vu sur le trône plus de monstres et plus de tyrans. Or, jamais l’Eglise ne parla contre les abus du pouvoir. Saint Paul disait: Quid mihi de his qui foris sunt judicare?(4) Elle ne commença à crier contre les empereurs que lorsque ceux-ci se furent faits catholiques. Sans doute, saint Paul parla contre les païens, mais jamais il ne fit entendre contre eux de parole haineuse; au contraire, il disait: Maledicimur et benedicimus(5). Or, aujourd’hui que l’on paraît se trouver, sur une foule de rapports, dans la même relation avec le pouvoir et la société qu’a l’époque où le christianisme parut au monde, pourquoi ne pas suivre une marche tracée par les apôtres? Pourquoi ne pas laisser la politique de côté, pour ne s’occuper [que] du salut des hommes?
Ces réflexions qui me paraissent de la plus grande justesse, me semblent s’accorder parfaitement avec ce que vous me disiez par rapport au P. V[entura]. J’aurais beaucoup de choses à vous dire sur ce chapitre, mais non pas à vous écrire.
Ma santé est dans ce moment en très bon état. Cependant, je m’attends à une petite indisposition, comme il m’en arrive tous les printemps. J’avais depuis quelques jours une irritation de nerfs qui m’empêchait de travailler, quoique du reste je ne souffrisse pas. Hier, j’ai fait dans la campagne romaine une promenade de quatre ou cinq heures par le plus beau temps du monde. J’ai transpiré et, après avoir dîné, avoir fumé une pipe chez M. d’Auriol avec un chanoine de Limoges, je me suis trouvé dans le meilleur état possible, qui depuis lors n’a pas été troublé.
Permettez-moi, mon cher petit père, de vous conjurer de vous attacher bien moins, dans le mari que vous cherchez à Augustine, à un homme riche qu’à un homme d’un certain caractère. J’ai dans ce moment sous les yeux les plus tristes exemples, des exemples qui font frémir. Dans une affaire si importante, vous n’êtes pas tenu à considérer la charité dans vos jugements; au contraire, la charité oblige à juger sévèrement les gens, et je vois dans les jeunes hommes d’aujourd’hui une si profonde corruption que l’on ne saurait faire trop de sacrifices pour trouver un jeune homme chrétien, dans toute la force du terme. J’ai eu quelquefois le désir d’aller dans le monde, pour voir si je ne serais pas assez heureux pour rencontrer ce qu’il vous faut, mais je me suis ensuite arrêté dans mes idées.
M. de Bourmont a ici quatre fils à marier, mais ils auront à peine huit mille livres de rente. Je n’ai pas voulu me faire présenter chez eux, quoique je fusse enchanté des jeunes gens, avec qui j’ai déjeuné une fois chez l’abbé Tharin, frère de l’ancien précepteur du duc de Bordeaux(6). On m’a aussi beaucoup pressé d’aller, à la banque, à des soirées musicales données par le gouverneur; mais quoique certains ecclésiastiques français y aillent, je n’ai pas cru que ce fût là ma place.
Adieu, mon cher petit père. Il me tarde beaucoup de vous voir et de ne plus vous écrire.
Il faut que je vous fasse une confidence; Le pauvre d’A. est ici avec une place qui ne lui suffit pas. Il espérait n’avoir pas besoin de faire venir ses revenus de France, et il faudra qu’il les fasse venir en partie. Il a eu, il y a quelque temps, besoin d’argent, et je lui ai prêté environ cent cinquante francs. Je suis sûr qu’il me les rendra dans un mois, mais dans ce moment je ne puis pas les lui demander, parce que je sais positivement qu’il ne peut pas me les rendre. J’ai prêté également à un jeune homme, duquel je suis parfaitement sûr: celui-là me rendra certainement aussi avant mon départ. Bref, d’ici à quelque temps, je serai peut-être obligé de tirer sur vous, mais je veux que vous sachiez que je n’ai pas fait de dépenses folles qui m’ont mis dans la nécessité de recourir si promptement à vous. J’aurai l’argent prêté pour quand je partirai. Par conséquent, celui que je vous demanderai dans quelque temps ne sera que de l’argent avancé. Faites-moi savoir si, supposé que vous ne fussiez plus à Paris, vous voulez que je tire sur Bonaric.
Adieu, encore une fois. J’embrasse maman et mes soeurs.
Emmanuel.
Ce que je vous dis de d’A. doit, vous pensez, rester entre nous. C’est un garçon plein d’honneur et qui, je crois, en a plutôt trop que pas assez.
E.D'ALZON3. *Troisièmes Mélanges*.
6. Mgr Tharin, évêque de Strasbourg.4. I Cor. V, 12.
5. I Cor. IV, 12.