Vailhé, LETTRES, vol.1, p.806

7 apr 1835 Rome, MOLLEVILLE Henry
Informations générales
  • V1-806
  • 0+246|CCXLVI
  • Vailhé, LETTRES, vol.1, p.806
Informations détaillées
  • 1 ADMINISTRATION PUBLIQUE
    1 CARDINAL
    1 CHAPELET
    1 CONGREGATIONS ROMAINES
    1 DEFAUTS
    1 INDULGENCES
    1 JOIE
    1 MONARCHIE
    1 PARENTS
    1 PRESSE
    1 RECONNAISSANCE
    1 REVOLUTION
    1 SACERDOCE
    1 SOLITUDE
    1 TRAVAIL DE L'ETUDE
    1 VIE DE PRIERE
    1 VOL
    1 VOYAGES
    2 ALBERGHINI, GIUSEPPE
    2 CARRERE
    2 CASTRACANE, CASTRUCCIO
    2 DELLA PORTA RODIANI, GIUSEPPE
    2 FIESCHI, ADRIANO
    2 GABRIEL, JEAN-LOUIS
    2 GREGOIRE XVI
    2 LA GOURNERIE, EUGENE DE
    2 LACROIX, DE
    2 PICOT, MICHEL-PIERRE-JOSEPH
    2 TADINI, PLACIDO-MARIA
    3 ALBANO
    3 ALPES
    3 ANCONE
    3 BOLOGNE
    3 BORROMEES, ILES
    3 FAENZA
    3 FLORENCE
    3 FRANCE
    3 FRASCATI
    3 GENEVE
    3 GENZANO
    3 ITALIE
    3 LODI
    3 LORETTE
    3 MARINO
    3 MILAN
    3 MODENE
    3 MONTE CAVO
    3 MONTE PORZIO
    3 PARIS
    3 PARME
    3 PRAGUE
    3 PRENESTE
    3 RAVENNE
    3 ROME
    3 SICILE
    3 SIENNE
    3 SORA
    3 SUBIACO
    3 SUISSE
    3 TIVOLI
    3 TOULOUSE
    3 TUSCULUM
    3 VENISE
  • A MONSIEUR LE COMTE HENRY DE MOLLEVILLE (1).
  • MOLLEVILLE Henry
  • le 7 avril 1835.
  • 7 apr 1835
  • Rome,
La lettre

Je ne puis vous, dire, mon cher Monsieur de Molleville, combien votre lettre m’a agréablement surpris. Je vous avoue que depuis longtemps je l’aurais sollicitée, si j’avais su votre adresse. Mais je l’ignorais; j’ignorais même si vous étiez à Toulouse. Je vous remercie de toute la joie que vous voulez bien me témoigner pour le grand pas que j’ai franchi, il y a plus de trois mois. J’en suis encore à la lune de miel et je sais fort bien qu’elle ne durera pas toujours. Je n’ose même le désirer. Il serait, ce me semble, indigne d’un prêtre, au milieu des angoisses de l’Eglise, de ne vouloir que bonheur et consolation dès ici-bas.

Savez-vous que je pourrais bien vous prendre au mot et faire avec vous une partie du voyage de la Suisse? J’avais le projet de voir Venise avant Milan; mais si je devais vous rencontrer dans cette dernière ville, je ferais passer Milan avant Venise: je me rendrais au rendez-vous en passant par Florence, Bologne, Modène, Parme, Lodi; nous visiterions ensemble les îles Borromées, Venise, et je vous laisserais en Suisse, supposé que votre excursion s’y prolongeât trop longtemps. Car je ne sais si le désir de revoir mes parents ne me fera pas hâter mon retour en France.

Une autre difficulté serait l’époque du voyage. Je serai à Milan, du 7 au 15 juin. Cette époque vous conviendrait-elle? Je ne pourrai l’avancer, parce que, incertain comme je le suis si je reverrai Rome, il est une foule de choses que je veux y étudier avant d’en partir, et je ne sais vraiment pas comment il me sera possible d’entasser dans deux mois tous les projets que j’ai dans la tête. Si cependant l’époque que je vous indique pouvait vous convenir, soyez sûr qu’une fois que je serais avec vous, je saurais retarder de quelques jours le plaisir d’embrasser mes parents pour vous accompagner dans les montagnes de la Suisse, pourvu toutefois que nous fussions de retour en France pour célébrer chez mon père la Saint-Henry. Si un projet ainsi conçu vous est agréable, veuillez m’en faire part. Je saurai, s’il le faut, sacrifier les environs de Florence, que je me proposais de visiter en détail. En un mot, s’il entre dans vos arrangements d’être à Milan du 7 au 15 juin et de venir célébrer chez mon père votre fête et la sienne, je suis des vôtres.

Il me vient à l’idée que peut-être voudriez-vous prier Dieu ce jour-là à Prague; mais comme je présume que l’abbé Gabriel n’aurait pas la même dévotion, nous pourrons nous dire adieu sur les bords du lac de Genève, vous pour aller voir un roi légitime sans royaume, moi pour rentrer dans un royaume sans roi. Ayez la bonté de me répondre le plus tôt possible. Vous comprendrez mon empressement. Veuillez m’indiquer le jour que vous choisissez dans ceux que je vous ai proposés, et soyez sûr que je vous aurai précédé à Milan de vingt-quatre heures. J’écris aujourd’hui même à l’abbé Gabriel. Je lui parle de votre proposition; je désire qu’elle lui soit agréable, autant qu’elle me l’est. Je vous préviens que si nous faisons quelques courses dans les montagnes, j’exigerai des preuves de la force de vos jarrets. Je vais m’exercer pendant huit jours dans les environs de Rome. Je me propose de visiter à pied Tivoli, Subiaco, Sora, Préneste, Monte-Porzio, Tusculum-Frascati, Monte-Cavo, Albano, Genzano et Marino, et de revenir après avoir fait ample moisson d’observations de toute espèce.

J’avais, en effet, le projet de parcourir la Sicile, mais j’y ai renoncé, parce que j’aurais dû y passer trop de temps. J’ai dû me contenter d’un autre circuit. Je suis parti de Rome avec mon ami La Gournerie, dont vous avez peut-être lu quelques articles dans les journaux, et j’ai visité Lorette, Ancône, Ravenne, Faënza, Bologne. Là, je lui dis adieu. Il partait pour Venise; moi, je me dirigeai vers Florence, où je passai neuf jours. Je revins à Rome par Sienne. Il est inutile de vous dire tout ce que j’ai vu, puisque le pays que j’ai parcouru vous le connaissez aussi bien que moi.

J’ai, à très peu de jours près, habité Rome constamment, toujours aussi solitaire, je dirai presque aussi misanthrope que vous me connaissiez. Je me suis mis à ne voir guère que les personnes qui m’étaient rigoureusement nécessaires pour mes études, ce qui sans doute est un défaut. J’espère toutefois en France venir à bout de le corriger, mais je ne pense guère que, tant que je serai sur le sol italien, je puisse abandonner mes vieilles et mauvaises habitudes.

Soyez sûr que vos commissions seront faites aussi bien que j’en serai capable. Seulement je vous ferai une observation, c’est que j’ai appris par expérience combien il était à craindre que les commissions que l’on confiait à des inconnus n’arrivassent pas à leur destination. Si vous le jugez à propos, je me chargerais moi-même de vous porter à Milan tous ces différents objets. Vous les auriez un peu plus tard, mais vous seriez sûr de les avoir, à moins qu’on ne me joue le même tour qu’à La Gournerie, à qui l’on escroqua une malle pleine d’objets précieux, dans le temps que nous nous amusions à dire mille folies sur la route de Ravenne à Faënza. La manière dont la chose se passa, et tous les détails des lenteurs et de l’incurie de la police sont assez intéressants, mais ils sont trop longs pour être écrits. Je me réserve de vous les raconter sur la route de Milan à Venise.

Je n’ai aucune nouvelle intéressante à vous donner, sinon qu’hier a eu lieu un Consistoire, auquel je n’ai pas assisté. On y a proclamé plusieurs évêques et deux cardinaux: les cardinaux sont Monsignore della Porta, Maître du [Sacré-] Palais et Monsignore Alberghini, assesseur du Saint-Office(2).

Vous savez que votre ami Monsignore Fieschi est réservé pour la prochaine élection ou promotion. Vous pouvez assurer à M. Carrère que la nouvelle donnée par Picot au sujet des indulgences et autres permissions que l’on veut demander à Rome n’a pas le moindre fondement. Il est bien vrai que le cardinal Castracane, pour donner un peu d’importance à la secrétairerie des Indulgences, de toutes les secrétaireries la plus petite, a fait pendant un mois une véritable révolution dans les bureaux. Toutes les affaires ont été suspendues, jusqu’à ce que le révérendissime et éminentissime cardinal eût déclaré que les choses iraient pour l’avenir comme par le passé, sauf toutefois que les prêtres qui ne seraient ni chanoines, ni curés, ni vicaires, ni aumôniers, seraient privés du droit de bénir les chapelets. Vous voyez que n’étant encore rien de tout cela, je ne puis, avec la meilleure volonté du monde, donner ce que le Pape pourrait refuser à vos images.

Je ne sais si M. de la Croix se rappellera de moi. Veuillez lui dire combien j’aurais du plaisir à faire avec lui un voyage dans les Alpes, supposé qu’il entre dans vos projets de choisir l’époque que je vous propose. Encore une fois, mon cher ami, soyez assez bon pour me faire connaître vos intentions à cet égard. J’attendrai votre lettre avec impatience. Vous comprenez que j’aurai une foule de petits arrangements à prendre, en conséquence de ce que vous m’écrirez. On m’a promis de Paris d’excellentes lettres de recommandation pour Milan, et je serai bien aise de les avoir à temps.

Adieu, mon cher ami. Croyez à mon sincère et inaltérable dévouement. Tout à vous.

Emmanuel d'Alzon.
Notes et post-scriptum
1. D'après une copie. Voir des extraits dans *Notes et Documents*, t. Ier, p. 362 et 614.2. Ces renseignements étaient exacts, car au Consistoire du 6 avril 1835, en même temps que fut créé le cardinal Tadini, archevêque de Gênes, furent proclamés les cardinaux della Porta-Rodiani et Alberghini, réservés *in petto* au Consistoire du 23 juin 1834.