Vailhé, LETTRES, vol.1, p.835

28 may 1835 Florence, COMBALOT Abbé Théodore
Informations générales
  • V1-835
  • 0+255|CCLV
  • Vailhé, LETTRES, vol.1, p.835
Informations détaillées
  • 1 ADOLESCENTS
    1 CLERGE FRANCAIS
    1 CONGREGATIONS ROMAINES
    1 CORRUPTION
    1 COUVENT
    1 DECADENCE
    1 EGLISE
    1 EXPULSION
    1 FINANCE
    1 GALLICANISME
    1 LAICAT
    1 LIVRES
    1 MAUX PRESENTS
    1 PAPE
    1 PATIENCE
    1 PEUPLES DU MONDE
    1 PROFESSIONS
    1 PROVIDENCE
    1 REPRESSION DES ABUS
    1 SECTE
    1 SEMINAIRES
    1 THEOLOGIENS
    1 VOEUX SIMPLES
    1 VOYAGES
    2 BAUTAIN, LOUIS
    2 DESCARTES, RENE
    2 DI GREGORIO, EMMANUELE
    2 GREGOIRE XVI
    2 LACORDAIRE, HENRI
    2 LAMENNAIS, FELICITE DE
    2 MIGNE, JACQUES-PAUL
    2 PICOT, MICHEL-PIERRE-JOSEPH
    2 ROZAVEN, JEAN-LOUIS DE
    2 VAURES, PERE
    2 VENTURA, GIOACCHINO
    3 ALLEMAGNE
    3 FLORENCE
    3 FRANCE
    3 ITALIE
    3 LAVAGNAC
    3 PARIS
    3 POLOGNE
    3 PRUSSE
    3 ROME
    3 SAINT-CYR-L'ECOLE
  • A MONSIEUR L'ABBE COMBALOT (1).
  • COMBALOT Abbé Théodore
  • le 28 mai 1835.
  • 28 may 1835
  • Florence,
La lettre

Mon cher Monsieur Combalot,

Il y a, en effet, bien longtemps que j’avais répondu, à deux reprises, à la lettre dans laquelle vous me parliez de votre Trappiste. J’ai consulté, à cet égard, et rien n’est plus simple que cette affaire. Il n’a qu’à écrire directement à la Pénitencerie, faire observer que ses voeux étaient simples, ayant été faits avant l’approbation que le Pape a donnée à l’Ordre de la Trappe; qu’il a été chassé de son couvent et que, n’en étant pas sorti de lui-même, il a été forcé de rester deux ans sans avoir la liberté d’y rentrer; qu’il n’est pas prêtre. Ces motifs seront plus que suffisants pour lui faire obtenir ce qu’il désire. J’aurais fait moi-même la demande si j’avais su son nom et si j’eusse été à Rome; mais votre lettre vient de m’être renvoyée à Florence, où je suis depuis quelques jours.

Je puis vous assurer que le Pape connaît aussi bien que vous l’état du clergé français; mais, entre nous soit dit, deux grands motifs s’opposent à ce qu’il y porte remède. Le premier est, qu’à l’exception de quelques petits peuples, l’Eglise de France est peut-être celle du monde qui est le moins infectée des abus dont vous vous plaignez. L’Allemagne, la Prusse, la Pologne sont, sous ce rapport, dans un état affreux. Le second motif est que c’est à Rome même que les maux sont les plus grands. La prélature y est un négoce. De deux jeunes gens dont j’ai entendu parler et qui ont pris les bas violets, l’un a fait son Séminaire à l’école militaire de Saint-Cyr et a continué à vivre dans le désordre; l’autre, après avoir tenté d’une carrière dans les finances et n’y avoir pas réussi, s’est décidé à prendre les bas violets. Vous ne sauriez croire de combien d’horreurs j’ai été le témoin; mais il faut se taire et attendre l’action de la Providence, qui sape sourdement mais fortement ce grand corps pourri qui pèse sur l’Eglise et la corromprait, si Dieu n’y mettait la main.

J’écrirai pour voir si l’on ne pourra pas donner l’ordre de l’Eperon à M. Migne. Il est très facile de l’avoir, si facile que je ne comprends pas qu’on puisse le désirer. Pour un bref, c’est autre chose. Il est des personnes qui le prétendent apocryphe et qui soutiennent que le cardinal di Gregorio l’a eu par adresse. La raison qu’on donne est l’impossibilité que le Pape ait déclaré défenseur des plus excellents principes le champion le plus acharné du gallicanisme. M. Picot pourrait bien se repentir de toutes ses vanteries, si l’on disait tout l’argent que lui a coûté sa décoration(2).

Il va partir pour la France avec une mission secrète, un pénitencier français, le P. Vaures; il sera sous peu à Paris. Il m’avait confié la chose sous le secret, mais comme je l’ai sue d’autre part, je crois pouvoir en parler. Je vous engage à prendre des informations. Sans savoir rien de positif, je soupçonne que M. de la M[ennais] est pour quelque chose dans sa mission.

Rassurez-vous sur le compte de votre livre. Je l’ai fait lire et le P. Ventura l’a répandu; je lui ai laissé l’exemplaire que j’en avais(3). Il est inutile de rien demander au Pape dans ce moment. Il me dit, dans l’audience qu’il m’accorda, qu’il y avait trois nouvelles sectes: celle du sens commun, celle du sens privé et celle qui ne reconnaissait de certitude que dans la foi catholique; que l’une était représentée par Descartes, l’autre par M. de la M[ennais], l’autre par M. Bautain. Tirez-vous de là(4).

Je vous engage à prendre quelque temps patience. Il est très sûr que M. de la M[ennais], s’il a été condamné, ne l’a point été pour son système du sens commun. Il est certain que la réfutation de Lacordaire a fait sourire de pitié tous les théologiens romains, les Jésuites exceptés. Il est très sûr que le P. Rozaven jouit de fort peu d’estime auprès des gens vraiment savants. Toutefois, il faut prendre patience et surtout se taire. L’Eglise est en ce moment dans un état de crise, si je puis m’exprimer ainsi. Plaignons-nous au pied des autels, mais ne rendons pas sa position plus affreuse par des plaintes publiques.

Je voudrais beaucoup vous voir pour concerter avec vous certains projets. Je crois aussi que je pourrais vous donner quelques renseignements précieux. Si vous pouviez venir à Lavagnac, vers la fin de juillet ou du mois d’août, vous seriez bien aimable. Je vais passer un mois et demi encore à visiter l’Italie; cependant, je suis résolu à abréger un peu ma course…(5)

Notes et post-scriptum
1. D'après le brouillon inachevé. Voir des extraits dans *Notes et Documents*, t. Ier, p. 499.
2. Picot obtint de Grégoire XVI le Bref *Laudis atque honoris*, daté du 20 février 1835, par lequel le Pape reconnaissait les mérites de son journal en faveur du Saint-Siège et le nommait lui-même chevalier de l'Eperon d'or. Le Bref fut publié par lui dans l'*Ami de la religion*, le 27 mars 1835, n° 2431, p. 351-353.
4. Le récit de l'audience que l'abbé d'Alzon eut du Pape Grégoire XVI a été perdu, par suite de l'indélicatesse d'un jeune domestique, qui jetait les lettres n'importe où, après s'être approprié l'argent destiné à la commission. Vingt-cinq ans plus tard, évoquant les souvenirs de son premier séjour à Rome, le P. d'Alzon écrivait ces lignes émouvantes dans la *Revue catholique du Languedoc*, Nîmes, 1859-1860, t. Ier, p. 29: "...Et quand je me rappelle que, sur le point de quitter l'Italie, Grégoire XVI daigna m'exposer lui-même, dans une longue audience, les diverses erreurs qu'il avait déjà condamnés et celles qu'il condamnerait bientôt, j'avoue que si j'éprouve une secrète joie d'avoir pu approcher de plus près, et plus longtemps que beaucoup d'autres, le dépositaire sacré de l'infaillibilité divine, c'est surtout parce qu'il me semble avoir contracté là le facile devoir d'aimer Rome et son Pontife d'un amour plus tendre, plus profond et plus filial."1. D'après le brouillon inachevé. Voir des extraits dans *Notes et Documents*, t. Ier, p. 499.
2. Picot obtint de Grégoire XVI le Bref *Laudis atque honoris*, daté du 20 février 1835, par lequel le Pape reconnaissait les mérites de son journal en faveur du Saint-Siège et le nommait lui-même chevalier de l'Eperon d'or. Le Bref fut publié par lui dans l'*Ami de la religion*, le 27 mars 1835, n° 2431, p. 351-353.
3. Il s'agit des *Elements de philosophie catholique*, dans lesquels La Mennais ne vit qu'un plagiat de ses cours manuscrits.
4. Le récit de l'audience que l'abbé d'Alzon eut du Pape Grégoire XVI a été perdu, par suite de l'indélicatesse d'un jeune domestique, qui jetait les lettres n'importe où, après s'être approprié l'argent destiné à la commission. Vingt-cinq ans plus tard, évoquant les souvenirs de son premier séjour à Rome, le P. d'Alzon écrivait ces lignes émouvantes dans la *Revue catholique du Languedoc*, Nîmes, 1859-1860, t. Ier, p. 29: "...Et quand je me rappelle que, sur le point de quitter l'Italie, Grégoire XVI daigna m'exposer lui-même, dans une longue audience, les diverses erreurs qu'il avait déjà condamnés et celles qu'il condamnerait bientôt, j'avoue que si j'éprouve une secrète joie d'avoir pu approcher de plus près, et plus longtemps que beaucoup d'autres, le dépositaire sacré de l'infaillibilité divine, c'est surtout parce qu'il me semble avoir contracté là le facile devoir d'aimer Rome et son Pontife d'un amour plus tendre, plus profond et plus filial."
5. La fin manque.