- V1-845
- 0+261|CCLXI
- Vailhé, LETTRES, vol.1, p.845
- 1 CELEBRATION DE LA MESSE PAR LE PRETRE
1 DEVOTION
1 EDIFICE DU CULTE
1 OEUVRES DE PIETE
1 SAINTS
1 TOMBEAU
1 TRANSPORTS
1 VOYAGES
2 ABBONDIO
2 ALZON, HENRI D'
2 ALZON, MADAME HENRI D'
2 AMBROISE, SAINT
2 CHAFFOY, CLAUDE-FRANCOIS DE
2 CHARLES BORROMEE, SAINT
2 FOURNAS, ADOLPHE DE
2 FRANCOIS DE SALES, SAINT
2 FRANCOIS REGIS, SAINT
2 LIRON D'AIROLLES, DANIEL-XAVIER
2 MANZONI, ALESSANDRO
2 MOLLEVILLE, HENRY DE
2 MONTBEL, DE JUNIOR
2 PUYSEGUR, MADAME ANATOLE DE
2 RODIER, MADAME JEAN-ANTOINE
2 ROSE DE LIMA, SAINTE
2 ROUSSY DE SALES, FELIX DE
2 ROUSSY DE SALES, MADAME FELIX DE
2 SOMMARIVA DE
2 THORWALDSEN, BERTEL
3 ANNECY
3 CHAMBERY
3 COME, LAC
3 FRANCE
3 GRANDE-CHARTREUSE
3 GRENOBLE
3 LAVAGNAC
3 LECCO
3 LOMBARDIE
3 MAJEUR, LAC
3 MONZA
3 NIMES
3 PAVIE
3 PEROU
3 RESEGONE
3 ROME
3 SUISSE
3 TURIN
3 VENISE - A SA SOEUR AUGUSTINE (1).
- ALZON_AUGUSTINE
- le 18 juin 1835.
- 18 jun 1835
- Milan,
- Par Antibes.
Mademoiselle
Mademoiselle Augustine d'Alzon,
au château de Lavagnac,
par Montagnac. Hérault.
Je sais bien, ma chère amie, que si je fusse allé à Venise dans deux ou trois jours, comme j’en avais eu d’abord le projet, j’y aurais trouvé une lettre de toi, foudroyante, au moins si j’en juge par ce que m’apprend ma mère dans sa dernière lettre. Eh bien! tu en seras pour ton beurre. Si mes conjectures sont vraies, je n’irai pas chercher ta lettre. Te voilà bien attrapée, j’espère. Je ne vais pas à Venise; je vais à Turin et, de là, à Chambéry, et puis à Grenoble, puis à la Grande-Chartreuse, puis à Nîmes, et puis à Lavagnac. Ainsi prends-en ton parti. Ta lettre me devient parfaitement inutile, par la raison toute simple que je n’irai pas pour elle faire un voyage de dix ou douze jours.
Mon projet est de partir demain pour Pavie avec M. de Molleville, M. de Fournas et le fils de M. de Montbel. Je reviendrai le soir. Le lendemain, j’irai à Monza, et mardi je dis adieu à la Lombardie. Le soir du même jour, je serai à Turin. J’y resterai le moins possible; je prendrai cependant le temps d’aller voir M. et Mme Félix de Roussy; puis, je ne m’arrête plus,à moins que je ne change d’idée- jusqu’à ce que je sois à Nîmes. Je m’y arrêterai un jour pour voir mon oncle d’Ayroles et l’évêque. J’espère donc, le 4 ou le 5 juillet, au plus tard, avoir terminé mon voyage.
On m’assure que Turin renferme fort peu de curiosités, et je le crois assez volontiers. Pour voir des églises! J’en ai par-dessus les yeux. J’aurais voulu aller visiter le tombeau de saint François de Sales, mais cela m’éloignerait trop de ma route, parce qu’il me faudrait remonter jusqu’à Annecy.
J’ai fait, ces jours derniers, une bien jolie course. J’ai visité le lac de Côme et le lac Majeur. Le lac Majeur est une petite mer; le lac de Côme est moins large, mais est garni de petites villas charmantes. Quand je dis petites, il y en a de fort grandes. Ainsi celle de M. de Sommariva est un palais rempli de statues et de tableaux: le vestibule est orné de bas-reliefs de Thorwaldsen qui ont coûté un million. J’aperçus le fameux Resegone de Manzoni et le lac de Lecco, quoique je ne pusse pas aller jusqu’au village de Don Abbondio(2). Je pris avec M. de Fournas une voiture pour nous transporter du lac de Côme au lac Majeur. On eut le courage de nous la faire payer vingt-cinq francs, mais nous fûmes bien dédommagés de la brèche faite à notre bourse par le plaisir que nous eûmes à voir le pays qui est peut-être le plus beau que j’aie parcouru. Il est vrai que je n’ai pas vu la Suisse.
Je me réserve les descriptions pour les soirées de Lavagnac, ainsi qu’une foule d’épisodes dont je ne manquerai pas d’embellir mon voyage, me réservant le droit de les inventer, quand ils me manqueront. Je suis convaincu que les trois quarts et demi des voyageurs usent de ce privilège, et je ne vois pas pourquoi je renoncerais à un droit que la prescription accorde à la gent voyageuse.
Le temps est superbe. Quand je dis superbe, ce n’est pas à dire qu’il fasse chaud; au contraire, nous avons de petites pluies qui, tous les deux ou trois jours, rafraîchissent le temps. Tu vois que rien n’est plus agréable. Dieu veuille qu’il en soit toujours ainsi jusqu’à mon arrivée, et alors je pourrai me vanter d’avoir fait un voyage délicieux. Ma tante Rodier m’a proposé d’aller, à mon arrivée en France, au tombeau de saint François Régis. Je l’ai engagée d’aller visiter le tombeau de sainte Rose de Lima, au Pérou.
J’ai dit aujourd’hui la messe devant le tombeau de saint Charles Borromée; je l’ai dite devant celui de saint Ambroise. Quelque respect que j’aie pour les saints, je ne crois pas nécessaire d’aller les visiter tous; sans quoi, la vie ne serait pas assez longue. Je t’avoue que, pour dire la messe, les trop grands changements de lieux me touchent peu. A Rome, j’ai été dire la messe dans fort peu d’églises.
J’espère que les saints ne m’en voudront pas, mais j’ai peu de dévotion pour ce genre d’exercices de piété.
Adieu, chère amie. Je t’écrirai à toi ou à Marie, de Turin, et puis plus [du tout], de peur d’arriver avant ma lettre. J’embrasse papa et maman. Adieu.
Emmanuel.