Vailhé, LETTRES, vol.1, p.849

6 jul 1835 Lavagnac, près Montagnac (Hérault), MOLLEVILLE Henry
Informations générales
  • V1-849
  • 0+263|CCLXIII
  • Vailhé, LETTRES, vol.1, p.849
Informations détaillées
  • 1 ANIMAUX
    1 COLERE
    1 CONVERSATIONS
    1 MAISONS D'EDUCATION CHRETIENNE
    1 MAISONS DE CAMPAGNE
    1 NUTRITION
    1 PARENTE
    1 PARENTS
    1 PRESSE
    1 RECONNAISSANCE
    1 REPAS
    1 SAINTS
    1 SENTIMENTS
    1 VOYAGES
    2 FOURNAS, ADOLPHE DE
    2 FRANCOIS DE SALES, SAINT
    2 GABRIEL, JEAN-LOUIS
    2 PUYSEGUR, ANATOLE DE
    2 PUYSEGUR, MADAME ANATOLE DE
    2 ROUSSY DE SALES, FELIX DE
    2 ROUSSY DE SALES, MADAME FELIX DE
    3 ALTORF
    3 BEDARIEUX
    3 FRANCE
    3 GRENOBLE
    3 PARIS
    3 SAINT-BERNARD, COL
    3 SUISSE
    3 TURIN
  • A MONSIEUR LE COMTE HENRY DE MOLLEVILLE (1).
  • MOLLEVILLE Henry
  • le 6 juillet 1835.
  • 6 jul 1835
  • Lavagnac, près Montagnac (Hérault),
La lettre

Mon cher ami,

Si vous entriez en ce moment dans mon cabinet, vous m’y verriez dans une colère indicible contre l’abbé Gabriel, qui est dans ce moment à Bédarieux, au lieu d’être sur la grande route d’Altorf, où vous devez l’attendre avec impatience et où vous pouvez l’attendre longtemps, car très certainement il n’y viendra pas, à moins qu’il n’ait changé encore une fois d’idée comme de chemise, ce qui est parfaitement possible, vu le caractère bien connu du personnage. Toutefois, je comprends à merveille combien son manque de parole vous est pénible, puisque vous serez obligé de parcourir la Suisse en solitaire; ce qui aurait un grand mérite si pour votre bonheur vous aviez une demi-douzaine de grains de romantisme de plus dans la tête.

Je désire vivement que l’excellent M. de Fournas ait renoncé à ses projets antérieurs, pour vous servir de compagnon. Je doute que vous perdiez au change. Sa complaisance, sa douceur et son savoir-vivre m’ont paru, pendant le temps que j’ai passé avec lui, un avantage inappréciable et dont je lui témoignerai dans toutes les occasions ma reconnaissance. Je vous prie de lui dire qu je lui aurais écrit de Grenoble, mais que ma lettre n’ayant pu être mise à la poste pour des raisons qu’il serait trop long d’énumérer ici, je l’ai gardée dans mon portefeuille et qu’aujourd’hui je ne sais plus où la lui adresser.

Mon voyage a été on ne peut plus heureux. A Turin, j’ai encore une fois été goûter le chocolat des Jésuites. Je l’avoue bien volontiers, rien de plus parfait que le déjeuner de ces Messieurs: leur beurre est exquis et leurs petits gâteaux admirables. J’ai parcouru leur collège qui est très beau. Si je ne craignais qu’il fût à la campagne, je vous eusse donné une lettre pour un de mes parents, fixé à Turin avec sa famille et dont la connaissance vous eût été, je pense, agréable. C’est l’homme de France à qui son amour pour les Jésuites a coûté le plus de vexations. Ajoutez à cela que c’est un saint comme je les aime; sa femme, dernière nièce de saint François de Sales, est pleine d’esprit. Si vous désirez cependant tenter de les connaître, ils vous introduiront dans la bonne société de Turin(2); mais peut-être ne ferez-vous pas un long séjour dans cette ville, qui peut être vue en fort peu d temps.

Il y a un temps infini que, je n’ai eu de nouvelles de Paris. Je ne puis donc pas vous en donner d’autres que celles que je trouve dans les journaux, et comme vous pouvez les lire aussi bien que moi, je ne crois pas nécessaire de vous les copier.

Mon projet est de passer quelques mois à la campagne. Je serai donc extrêmement heureux de vous y recevoir, et mes parents seront enchantés de faire votre connaissance. Si, à votre retour en France, vous voulez bien vous y arrêter, nous pourrions alors vider pacifiquement une foule de points de discussion, et, dans tous les cas, si M. Gabriel juge à propos de venir troubler notre bonne intelligence, je vous promets de m’unir à vous pour lui reprocher tous ses torts et l’accabler sous le, poids d’un savon mérité.

Adieu donc, mon cher ami. Beaucoup de plaisir, de vives émotions en présence des cascades, un enthousiasme brûlant devant les glaciers éternels que vous allez contempler, beaucoup de mélancolie dans le pays des crétins et des marmottes, de la sensibilité pour les chiens du Saint-Bernard; voilà ce que je vous souhaite, avec quelques souvenirs de moi, qui suis tout à vous.

Emmanuel.
Notes et post-scriptum
1. D'après une copie. Voir *Notes et Documents*, t. Ier, p. 632.2. C'est la famille Félix de Roussy, dont les descendants ont uni à leur nom celui de Sales et occupent aujourd'hui encore le château familial du saint évêque de Genève, à Thorens, dans la Haute-Savoie. La famille des Roussy, unie à celle des d'Alzon, était originaire du Vigan. C'est chez les Roussy qu'en 1844 l'abbé d'Alzon fit, à Turin, un séjour de quelques semaines, lors de la maladie de son beau-frère, Anatole de Puységur, qui, avec sa femme, était venu les visiter.