Vailhé, LETTRES, vol.2, p.18

20 aug 1837 Nîmes, BROCHET Mère Marie de Jésus

Réponses à divers questions de direction intérieure. -Plaise à Dieu qu’en les donnant il n’ait pas rédigé sa propre condamnation!

Informations générales
  • V2-018
  • 0+275|CCLXXV
  • Vailhé, LETTRES, vol.2, p.18
Informations détaillées
  • 1 ABANDON A LA MISERICORDE DE DIEU
    1 ACTION DE GRACES
    1 CHARITE THEOLOGALE
    1 COLERE
    1 COMMUNION FREQUENTE
    1 CONSENTEMENT
    1 CRAINTE
    1 EPREUVES
    1 FRANCHISE
    1 JESUS-CHRIST
    1 JESUS CHRIST VIE DU RELIGIEUX
    1 JOIE SPIRITUELLE
    1 LUTTE CONTRE LA TENTATION
    1 LUTTE CONTRE SATAN
    1 LUTTE CONTRE SOI-MEME
    1 MAUVAISES PENSEES
    1 MORT
    1 PATIENCE
    1 PECHE
    1 PECHE MORTEL
    1 PENITENCES
    1 SUPERIEURE
    1 THEOLOGIE MYSTIQUE
    1 THEOLOGIENS
    1 VIE DE PRIERE
    1 VISION BEATIFIQUE
    1 VOLONTE DE DIEU
    2 FENELON
    2 FERET, ANDRE-PROSPER
    2 FRANCOIS DE SALES, SAINT
    2 JEAN DE LA CROIX, SAINT
    2 PAUL, SAINT
    2 THERESE, SAINTE
  • A LA R. MERE MARIE DE JESUS (1).
  • BROCHET Mère Marie de Jésus
  • le 20 août 1837.
  • 20 aug 1837
  • Nîmes,
La lettre

Madame,

Je vais essayer de répondre de mon mieux aux différentes questions que vous m’adressez. Je ne sais si je pourrai venir à bout de bien me faire comprendre.

1° Que dans les terreurs que vous éprouvez, je pense qu’il est plus parfait de vous abandonner entre les mains de Dieu, vous Ie comprenez vous-même sûrement, lorsque l’orage est passé. Sainte Thérèse ainsi tourmentée demanda du soulagement sur le fait et en fut si honteuse que, depuis, elle n’osa plus revenir à la charge. Dieu ne sait-il pas mieux que nous ce qui nous convient?

2°. Il faut, dans les moments d’espoir, être patiente envers soi-même, selon l’expression de Fénelon. Il est inutile d’examiner si vous avez offensé Dieu, le meilleur est de s’exciter en général à l’horreur du péché. Du moment que l’on n’y veut pas consentir, il est certain qu’on n’y a pas consenti: c’est la réponse des théologiens.

3° Vous devez, malgré vos tentations contre la foi, parler à vos Soeurs comme si vous l’aviez. Dieu, en vous faisant accomplir un acte de charité, veut peut-être vous y faire trouver le remède à votre peine.

4° Vos impatiences ne doivent pas vous faire manquer un seul instant à vos devoirs de supérieure: vous devez être toujours toute à tout.

5° Si les tentations de différents genres vous empêchaient d’agir, le démon aurait ce qu’il désire et vous lui céderiez la place. Votre devoir est de le combattre en agissant, tout comme si vous n’étiez pas tentée.

6° Lorsque, après avoir parlé de Dieu ou en en parlant, vous vous considérez comme une hypocrite, il faut dire au démon, comme ce saint qui fut tenté d’orgueil au milieu d’un sermon: « Ce n’est pas pour toi que je l’ai commencé, ce n’est pas pour toi que je le finirai. »

7° Qu’il en soit de même pour vos lettres. On parle, en général, si peu de Dieu que les personnes qui savent en parler ne sauraient faire trop d’efforts pour ramener toujours vers ce sujet.

8° Quant au pressentiment de votre mort, traitez-le avec indifférence et n’en conservez d’autre impression que la nécessité de mourir tous les jours, comme saint Paul.

9° Le sentiment de confiance est celui que Dieu aime le plus… Dites bien souvent: Mon Dieu, je vous laisse faire; mon Père, je remets ma vie entre vos mains.

10° Les moments de joie que vous éprouvez viennent probablement de Dieu, s’ils ne sont jamais accompagnés d’aucun trouble ou pensée mauvaise. Quoi qu’il puisse arriver, que la tempête la plus forte vienne tout de suite après le calme, le meilleur est de ne pas s’y attacher. Saint François de Sales dit que l’on recherche beaucoup trop les consolations de Dieu, au lieu de chercher le Dieu des consolations.

11° Je suis porté à croire que la vue du Christ était une vision de Dieu. Cependant, il est dangereux de s’y fier… Remerciez le bon Dieu de vous donner la paix et ne vous inquiétez pas de la cause de la vision; c’est le conseil de saint Jean de la Croix.

12° et 13° Jusqu’à nouvel ordre, communiez toujours, à moins que vous n’ayez l’évidence d’avoir commis une faute évidemment mortelle.

Ne vous préoccupez pas trop à cet égard de la crainte de la mort. Du reste, je vous demande la permission de réfléchir là-dessus et demandez pour moi les lumières convenables.

14° Ne vous fiez pas trop à certains signes, par lesquels vous demanderiez à Dieu de vous faire connaître sa volonté; peut-être quelquefois ce serait le tenter. Si pourtant, en ce moment, vous vous sentiez la confiance d’un enfant, je ne voudrais pas absolument l’interdire.

15° La pénitence est nécessaire; reste à savoir comment il convient de la faire. J’ai besoin de quelques explications à cet égard.

16° Vous êtes sans doute une très mauvaise supérieure; conservez le désir de vous retirer, mais attendez que je vous prévienne du moment où il serait opportun de le faire. Puisque vous êtes censée morte à vous-même, vous n’êtes plus supérieure; c’est Jésus-Christ qui vit en vous qui est le véritable supérieur. Consentez à être son vil instrument.

Voilà, Madame, quelques mots que je vous trace avec une sincérité inconcevable. Priez le bon Dieu pour qu’en écrivant ces lignes je n’aie pas rédigé l’acte de ma propre condamnation. J’espère que, peu à peu, à mesure que je vous connaîtrai davantage, je pourrai [traiter] les points que je laisse encore indécis. Soyez persuadée que, tant que je pourrai vous donner une réponse nette et précise, je le ferai avec bonheur; mais pour cela il faut prier. Je vous remets votre lettre, afin que vous puissiez mieux suivre l’ordre des questions que vous m’avez adressées.

Que la paix du Seigneur qui surpasse tout sentiment remplisse votre coeur et votre intelligence(2). Tout à vous en Jésus-Christ.

Notes et post-scriptum
1. D'après une copie. Les points de suspension sont dans la copie. (Signalée dans *Notes et Documents*, t. II, p. 117.) La Mère Marie de Jésus n'est autre que Marie-Sophie Brochet de Larochetière, fondatrice et première Supérieure générale des Dames de Marie-Thérèse qui tiennent des Refuges pour les repenties. Cet Institut fut fondé le 15 octobre 1815, sous le nom de Servantes de Jésus-Christ, et il obtint, en janvier 1835, l'approbation de Rome, grâce aux démarches du chanoine Féret, de Limoges, qui se lia d'amitié à cette occasion avec le jeune abbé d'Alzon. Cet heureux concours de circonstances permit à ce dernier d'entrer en relations avec la Mère Marie de Jésus, qui vint elle-même, en janvier 1837, établir à Nîmes une maison de son Institut et se plaça, dès lors, sous la direction du jeune prêtre.1. D'après une copie. Les points de suspension sont dans la copie. (Signalée dans *Notes et Documents*, t. II, p. 117.) La Mère Marie de Jésus n'est autre que Marie-Sophie Brochet de Larochetière, fondatrice et première Supérieure générale des Dames de Marie-Thérèse qui tiennent des Refuges pour les repenties. Cet Institut fut fondé le 15 octobre 1815, sous le nom de Servantes de Jésus-Christ, et il obtint, en janvier 1835, l'approbation de Rome, grâce aux démarches du chanoine Féret, de Limoges, qui se lia d'amitié à cette occasion avec le jeune abbé d'Alzon. Cet heureux concours de circonstances permit à ce dernier d'entrer en relations avec la Mère Marie de Jésus, qui vint elle-même, en janvier 1837, établir à Nîmes une maison de son Institut et se plaça, dès lors, sous la direction du jeune prêtre.2. *Phil*. IV, 7.