Vailhé, LETTRES, vol.2, p.30

6 mar 1839 Nîmes, ALZON_AUGUSTINE

Il la félicite d’aimer les roses blanches et de ne pas vouloir être un multipliant. -Sa nomination de grand vicaire. -Voyage de Reboul à Paris: -Il prêche deux gloses à Saint-Charles et trois sermons à la cathédrale. -Nouvelles diverses. -Marthe Contestin.

Informations générales
  • V2-030
  • 0+281|CCLXXXI
  • Vailhé, LETTRES, vol.2, p.30
Informations détaillées
  • 1 ADMINISTRATION PUBLIQUE
    1 BREVIAIRE
    1 CLERGE NIMOIS
    1 COLERE
    1 EPOUX
    1 FLEURS
    1 LUXURE
    1 MALADIES
    1 MEURTRE
    1 MINISTERE
    1 MORT
    1 PARTI CATHOLIQUE
    1 PEUPLE
    1 PREDICATION
    1 PRODIGALITE
    1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
    1 RECONNAISSANCE
    1 VICAIRE GENERAL
    2 ALZON, MADAME HENRI D'
    2 BOUILLARGUES, FAMILLE DE
    2 BOUILLARGUES, MARQUIS DE
    2 BOUILLARGUES, MARQUISE DE
    2 COMBALOT, THEODORE
    2 CONTESTIN, MARTHE
    2 GRANGENT, MADAME STANISLAS-VICTOR
    2 GRANGENT, STANISLAS-VICTOR
    2 PIEYRE, ADOLPHE
    2 PUYSEGUR, ANATOLE DE
    2 PUYSEGUR, MADAME ANATOLE DE
    2 REBOUL, JEAN
    3 NIMES
    3 NIMES, CATHEDRALE
    3 NIMES, EGLISE SAINT-CHARLES
    3 PARIS
  • A SA SOEUR AUGUSTINE
  • ALZON_AUGUSTINE
  • 6 mars 1839.
  • 6 mar 1839
  • Nîmes,
La lettre

Est-ce du mois de février ou du mois de mars, chère amie? Voilà une idée qui me vient en mettant la date de cette lettre, idée à laquelle il me faut un éclaircissement, pour ne point laisser passer le 19 ou le 21 mars -si c’est le mois de ta naissance- sans en faire mémoire. Ainsi tu me répondras là-dessus.

Après ce préambule, je te dirai que j’ai trouvé ta lettre charmante: tu m’as fait aimer les roses blanches à la folie. Je te prie, puisque tu sais peindre les fleurs, de me peindre sur vélin une rose blanche, que je te promets de mettre dans mon bréviaire, à l’office des vierges en attendant que tu me donnes ton portrait. Mon Dieu! Je n’ose pas te dire que tu as grandement raison, mais c’est pourtant bien vrai. Ne te mets pas dans cette galère, puisque les roses blanches te plaisent et puisque tu en sens le prix. Je t’avoue, chère petite soeur, que si je ne t’ai jamais parlé aussi franchement, c’est que je craignais chez toi encore plus d’horreur d’être un multipliant que de goût pour être une rose blanche; mais puisque je m’aperçois de mon erreur, je suis ravi de te savoir les dispositions que tu me manifestes.

Toute la ville sait enfin que je suis grand vicaire, et l’on me permet de n’en plus faire un mystère, quoique les ordonnances ne soient pas encore arrivées(2). On me fait des compliments de tous côtés. Je crois que les gens comme il faut en sont bien aise, que c’est un triomphe pour eux; le peuple voit aussi bien la chose, en général; les protestants seuls et cinq ou six prêtres sont mécontents. Nous savons positivement que l’ordonnance d’approbation paraîtra incessamment. Le ministère ne demandera certainement pas mieux, à ce que l’on m’a dit, et j’en suis enchanté, parce que, s’il y voit un bon calcul, je suis débarrassé de tout sentiment de reconnaissance.

La pauvre Eudoxie est bien à plaindre. On est obligé de donner un conseil de justice à son mari et de l’interdire comme prodigue. Cet imbécile a mangé presque toute sa fortune en chevaux, qu’il dressait et revendait à moitié prix, et en plaisirs d’un genre si dégoûtant qu’il était la risée même des moins scrupuleux. Heureusement que tout le monde rend bien justice à notre pauvre cousine et qu’on la dédommage bien de ce qu’elle a à souffrir, au moins autant qu’il est possible, par l’estime dont on l’environne. Toute la famille de Bouillargues est dans la désolation(3).

Reboul part après-demain pour Paris. Si j’ai un moment, j’irai le voir pour l’engager à aller chez maman. Je pense que tu seras bien aise de sa visite. Je crois t’avoir écrit que je me suis chargé de faire par semaine deux gloses à Saint-Charles et que je prêcherai trois sermons à la cathédrale. Les gloses ne me coûtent rien, et cependant, hier soir encore, l’église était toute pleine. Je prépare beaucoup mes sermons; je suis sûr qu’ils n’auront pas le sens commun(4).

Le ménage Toto(5) va-t-il toujours bien? N’y a-t-il jamais de nuages? Ce n’est pas du côté de Marie que je redoute de les voir se lever, mais je ne sais pourquoi je tremble à la pensée de certaines vivacités et de certaines exaspérations. Donne-moi des nouvelles du rhumatisme de maman. M. et Mme Grangent me parlent toujours d’elle; prie-la de me charger de quelque chose pour eux. Que devient papa Combalot?

J’irai voir demain une femme condamnée à mort: elle n’a que vingt-trois ans, et déjà elle a tué son mari. Je la vis, il y a huit jours: elle était assez calme, mais ne pouvait cependant s’accoutumer à l’idée de mourir. En effet, quand on n’est pas prêt, ce n’est pas agréable, surtout quand on a envoyé dans l’autre monde un mari préparer les logement(6).

Adieu, chère petite soeur. Je t’embrasse de toute mon âme.

Emmanuel.

Que devient M. de la Mennais?

E.D'ALZON
Notes et post-scriptum
1. Voir des extraits dans *Notes et Documents*, t. II, p. 187, 194 sq., 203. Par erreur l'abbé 'Alzon a daté sa lettre du 6 mars 1836. Le cachet de la poste ne permet pas de se tromper.
6. Marthe Contestin, originaire de Beaucaire, avait assassiné son mari dans la nuit du 29 au 30 août 1838. Condamnée à mort le 24 février 1839, elle se pourvut en cassation; mais son pourvoi et son recours en grâce ayant été rejetés, elle fut exécutée le 7 mai de la même année à Nîmes, sur la place des Arènes. Elle mourut, du reste, très courageusement, accompagnée au supplice par une Soeur de charité. (Voir Pieyre;*Histoire de la ville de Nîmes*, t. Ier, p. 116 sq.)1. Voir des extraits dans *Notes et Documents*, t. II, p. 187, 194 sq., 203. Par erreur l'abbé 'Alzon a daté sa lettre du 6 mars 1836. Le cachet de la poste ne permet pas de se tromper.
2. L'ordonnance de Louis-Philippe, datée du 4 mars, qui agréait la nomination de l'abbé d'Alzon au poste vacant de vicaire général, arriva à Nîmes quelques jours après. L'installation eut lieu le 14 mars.
3. Eudoxie, née d'Assas, cousine germaine d'Emmanuel par sa mère, soeur de la vicomtesse d'Alzon.
4. Deux gloses par semaine, à l'église Saint-Charles, pendant le Carême, et trois sermons en tout à la cathédrale.
5. Sa soeur et son beau-frère, le comte de Puységur.
6. Marthe Contestin, originaire de Beaucaire, avait assassiné son mari dans la nuit du 29 au 30 août 1838. Condamnée à mort le 24 février 1839, elle se pourvut en cassation; mais son pourvoi et son recours en grâce ayant été rejetés, elle fut exécutée le 7 mai de la même année à Nîmes, sur la place des Arènes. Elle mourut, du reste, très courageusement, accompagnée au supplice par une Soeur de charité. (Voir Pieyre;*Histoire de la ville de Nîmes*, t. Ier, p. 116 sq.)