Vailhé, LETTRES, vol.2, p.61

• V2-061
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• Vailhé, LETTRES, vol.2, p.61

• 1 ABANDON A LA MISERICORDE DE DIEU
  1 ACTION DE DIEU DANS L'AME
  1 CHAIR
  1 CREATURES
  1 DEGOUTS
  1 DILIGENCE
  1 EPREUVES
  1 GLOIRE DE DIEU
  1 ORAISON
  1 PECHE
  1 PERFECTIONS DE DIEU
  1 PURGATOIRE
  1 REFUGE LE
  1 RENONCEMENT
  1 SALUT DES AMES
  1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
  2 FERET, ANDRE-PROSPER
  2 PAUL, SAINT
• A LA R. MERE MARIE DE JESUS (1).
• BROCHET Mère Marie de Jésus
• le 19 avril 1841.
• 19 apr 1841
• Lavagnac,

Je vais répondre sur-le-champ à votre lettre que j’attendais depuis plusieurs jours. Je tiens à vous prouver que, lorsque j’ai un moment à moi je ne demande pas mieux que de vous le consacrer.

Nous n’avons point ici de demeure permanente, disait saint Paul, mais nous cherchons la cité future(2); n’oublions pas cette pensée. Il n’est plus étonnant que nous nous livrions, dès lors, à des sentiments pénibles, puisque nous ne sommes pas dans le lieu de notre repos. Ces épreuves mêmes sont avantageuses pour bien achever de nous dégoûter des choses de la terre. Et je ne puis vous engager à demander la cessation des peines qui vous aident à faire votre purgatoire en ce monde. Sachez donc faire quelques efforts que Dieu ne peut manquer de récompenser, pourvu que vous veuilliez être toute à lui. L’épreuve de l’oraison vous est on ne peut plus avantageuse, et les peines que vous y endurez ont pour vous des résultats bien plus avantageux que si vous n’y receviez que consolations. Rappelez-vous, en ces moments de peine et d’ennui, les sentiments que vous éprouviez lorsque vous étiez plus calme; et que le souvenir des grâces reçues vous aide à attendre celles qui viendront plus tard.

Oui, Dieu demande un renoncement complet, absolu à tout ce qui n’est pas lui; et c’est pour cela que vous devez lui répéter, mille fois le jour, que vous ne voulez que lui seul. Je ne saurais trop vous engager à être fidèle à cette impulsion qui est toute divine et qui doit vous consoler de vos souffrances; car enfin, si Dieu veut que vous lui apparteniez, si vous voulez être à lui, si vous êtes prête à tout faire pour lui appartenir, qu’est-ce qui pourra vous arrêter? N’ayez donc aucune inquiétude, mais jetez-vous plutôt comme une enfant entre les bras de la miséricorde infinie. Nous sommes à jamais indignes de Dieu, et c’est une très grande grâce qui nous est accordée, lorsque nous pouvons le sentir et le comprendre; mais c’est ce qui nous fait peur, nous ne voulons pas nous voir nous-mêmes. Ayons un peu plus de courage et avançons vers un changement, que Dieu aidera en nous.

Vous avez toute raison de vouloir votre sanctification et de demander à Dieu les moyens de l’accomplir. Je ne saurais trop vous engager à continuer et à vous laisser dévorer du désir de la gloire de Dieu. C’est ce qu’il y a de plus parfait, parce qu’alors la charité se dépouille de ce qu’elle pourrait avoir d’égoïste et se lie à la pensée de Dieu même, pour prendre ses sentiments et ses désirs. Il n’y a là, je crois, aucune présomption, et vous ne sauriez trop vous adresser à Notre-Seigneur pour le conjurer d’être tout à vous et en vous. Continuez donc toujours avec la confiance d’une enfant dans le meilleur des Pères, et ne craignez pas que ce père s’irrite, si vous lui montrez des douleurs et des souffrances un peu vives endurées pour l’amour de lui.

Le sentiment que vous avez au sujet du purgatoire me paraît surnaturel, quoique aussi il y eût un peu d’humilité à consentir à souffrir comme une pécheresse; mais en ceci je ne pense pas qu’il faille contrarier l’attrait du Saint-Esprit. Aussi, je vous laisse entièrement libre à cet égard.

Ne vous étonnez nullement des révoltes que vous éprouvez. Vous n’êtes pas plus parfaite que saint Paul; rappelez-vous cependant que ce grand saint avait aussi ses moments de révolte, où la chair se soulevait contre l’esprit. Ne vous laissez nullement enrayer. Dieu sait ce qu’il fait; il veut vous faire comprendre que vous n’êtes que cendre et poussière. Dieu ne se dérobe pas à nous, parce que nous ne le voyons pas. Il y aurait même danger à le voir selon tout ce qu’il est, en voulant correspondre avec lui d’une manière trop sensible. Il faut se souvenir toujours que Dieu est tellement au-dessus de notre nature que, tant que nous serons ici-bas, il nous sera impossible de le voir selon tout ce qu’il est. Que faut-il faire dans ces moments? Rien du tout; car c’est alors Dieu qui veut agir au fond de votre âme, et c’est pour cela qu’il faut le laisser faire et rester dans un état d’abandon et de passivité complète; c’est Dieu qui, en ces moments, veut vous dépouiller de vous-même, et il en est bien le maître.

Ne vous tracassez pas sur le compte de vos rapports avec M. Féret(3). Sûrement d’autres que vous eussent, au contraire, été plus vite en besogne. Il est difficile de ne pas faire quelquefois des manquements de charité; mais je suis convaincu que la gloire de Dieu résultera de tout ceci.

Je compte toujours m’arranger pour passer la soirée de vendredi au Refuge(4); dans le cas où je ne pourrais pas, j’y passerais tout le dimanche; mais cela dépend un peu des diligences et de leur heure d’arrivée et de départ.

Priez pour moi et veuillez me rappeler au souvenir de toutes vos filles.