Vailhé, LETTRES, vol.2, p.79

20 jul 1843 Besançon, CARBONNEL Marie-Vincent ra

Demande de nouvelles de sa famille. -L’évêque de Nîmes va bien. -Il est facile de s’effacer, quand les autres le remarquent et nous en savent gré.

Informations générales
  • V2-079
  • 0+307|CCCVII
  • Vailhé, LETTRES, vol.2, p.79
Informations détaillées
  • 1 AMOUR-PROPRE
    1 ENERGIE
    1 LACHETE
    1 LIBERTE
    1 LUTTE CONTRE SOI-MEME
    1 MALADIES
    1 ORGUEIL DE LA VIE
    1 SANTE
    1 SIMPLICITE
    1 VIE DE SACRIFICE
    1 VIE RELIGIEUSE
    1 VOYAGES
    2 CARBONNEL, ANTOINETTE
    2 CARBONNEL, ISAURE
    2 CART, JEAN-FRANCOIS
    3 BESANCON
  • A MADEMOISELLE ANAIS CARBONNEL
  • CARBONNEL Marie-Vincent ra
  • le 20 juillet 1843.
  • 20 jul 1843
  • Besançon,
La lettre

C’est à vous ma chère enfant que je veux écrire aujourd’hui parce que c’est de vous que j’ai dans mon portefeuille une lettre laissée depuis longtemps sans réponse. Mais, avant de vous en rien dire, laissez-moi vous demander de vos nouvelles et de celles de vos soeurs. Mlle Isaure commence-t-elle enfin à se mieux porter, et la fièvre commence-t-elle à la laisser tranquille? Je n’ose l’espérer, si elle a un temps semblable à celui qui nous attriste, depuis que nous sommes à Besançon(2). A peine avons-nous eu un jour sans pluie. Vous comprenez que cela finit par devenir ennuyeux. Il est vrai que les chaleurs ne nous fatiguent guère. Mais toute chose a son temps. Il me semble qu’un peu de soleil ne ferait de mal à rien.

Mais laissons la pluie et le beau temps. A part les inconvénients qu’ils amènent, nous ne pouvons réellement que nous féliciter de notre voyage. Monseigneur a repris sa santé au milieu des figures qui s’épanouissent à sa vue, et, pour mon compte, je suis très content de tout ce que je vois. Nous allons partir sous peu pour les montagnes. Je ne sais si j’aurai sujet d’y être aussi satisfait.

Maintenant, je voudrais vous parler un peu à toutes trois et, vous prenant collectivement, vous demander où vous en êtes. Il est un point de la vie de communauté, sur lequel nous avons en général trop peu réfléchi: c’est celui qui consiste à s’effacer, sans qu’on s’en aperçoive. Il est facile de sacrifier son premier mouvement, pourvu que les autres le remarquent et aussi pourvu qu’ils nous en sachent gré; mais s’effacer au point de consentir à recevoir quelques sacrifices de la part des autres, en n’y mettant pour sa part que de la reconnaissance, c’est là ce qui coûte beaucoup plus en certaines circonstances. L’orgueil aime beaucoup mieux donner que recevoir et, lorsqu’il reçoit, il aime à prouver qu’il ne reçoit que pour faire plaisir, c’est-à-dire par condescendance. Je voudrais très fort que vous vous étudiassiez sur ces diverses variations de l’amour-propre, parce que ce vilain défaut va se cacher sous de tels replis qu’il faut réellement le bien connaître pour dépister ses ruses. Et cependant, vous remarquerez que rien n’empêche l’esprit d’ouverture et d’abandon, que rien ne détruit l’esprit d’union comme la prétention de montrer toujours la primauté des sacrifices que l’on fait aux autres. Que chacune d’entre vous relève le dévouement de ses soeurs, et s’applique autant à se dévouer elle-même qu’à cacher son dévouement! En tout ceci pourtant je désire une grande simplicité et liberté de coeur. Un esprit mal fait fait encore mal prendre la chose, mais il n’y a point à s’en occuper… [phrase incomplète].

Je termine ma lettre interrompue huit à dix fois, car il faut être sans cesse à courir, de peur d’attendre encore sept à huit jours. Je m’arrête. Adieu, ma chère enfant, ou plutôt adieu, mes filles. Que Dieu vous donne un peu d’énergie pour faire tout le bien, dont vous avez le sentiment au fond du coeur!

E. D'Alzon.
Notes et post-scriptum
1. D'après une copie. Cette lettre est reproduite en partie dans *Notes et Documents*, t. IV, p. 406 sq.1. D'après une copie. Cette lettre est reproduite en partie dans *Notes et Documents*, t. IV, p. 406 sq.
2. L'abbé d'Alzon accompagnait son évêque, Mgr Cart, qui arriva à Besançon le 17 juillet. Il avait quitté Nîmes entre le 1er et le 9 juillet, s'arrêtant sans doute quelques jours à Lyon; à la fin de ce même mois il partit de la Franche-Comté pour la Suisse et Paris.