Vailhé, LETTRES, vol.2, p.87

8 sep 1843 Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Inquiétude pour sa santé. -Bien produit par leurs entretiens. -Pourquoi ne pas dire franchement le but de leur Institut? -Grâce que Dieu leur fait en retardant la présentation de leurs Constitutions. -De quelle idée partir pour l’ornement des chapelles. -Se servir de la Sainte Ecriture pour exposer leur but. -Mettre dans un pensionnat assez de religieuses, pour que toutes soient fidèles à leurs exercices. -Divers points de leur règle. -Il offre pour elle une neuvaine de messes et de jeûnes. -Nouvelles diverses. -Y a-t-il à Paris une Ecole préparatoire à Saint-Cyr?

Informations générales
  • V2-087
  • 0+311|CCCXI
  • Vailhé, LETTRES, vol.2, p.87
Informations détaillées
  • 1 ARMEE
    1 ARTS LITURGIQUES
    1 CHAPELLE PRIVEE
    1 COLLEGES
    1 CONSENTEMENT
    1 CONSTITUTIONS DES RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 COUTUMIER
    1 CRECHE DE JESUS-CHRIST
    1 ELEVES
    1 ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE
    1 ENSEIGNEMENT DE L'ECRITURE SAINTE
    1 FATIGUE
    1 FIDELITE A L'ESPRIT DE LA REGLE
    1 FRANCHISE
    1 HABIT RELIGIEUX
    1 INCARNATION DE JESUS-CHRIST
    1 LARGEUR DE VUE APOSTOLIQUE
    1 LIVRES
    1 MAITRESSES
    1 MANQUE DE FOI
    1 MANQUEMENTS A LA REGLE
    1 MOBILIER
    1 NEUVAINES DE PRIERES ET DE PENITENCES
    1 OBJETS DU CULTE
    1 OBJETS PROPRES DU RELIGIEUX
    1 OFFICE ROMAIN
    1 ORDRE SURNATUREL
    1 PAROLE DE DIEU
    1 PENITENCES
    1 PROPRES DES DIOCESES
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 SANTE
    1 SIMPLICITE
    1 SUPERIEUR GENERAL
    1 TABERNACLE
    1 VIE DE SACRIFICE
    1 VIE RELIGIEUSE
    1 VOEU DE PAUVRETE
    1 VOYAGES
    2 BERULLE, PIERRE DE
    2 CHAUVIN, AMEDEE-PROSPER
    2 GAUME, JEAN-ALEXIS
    2 GAUME, JEAN-JOSEPH
    2 GAY, CHARLES-LOUIS
    2 GOURAUD, HENRI
    2 GRATRY, ALPHONSE
    2 GROS, JEAN-NICAISE
    2 IGNACE DE LOYOLA, SAINT
    2 MILLERET, MADAME JACQUES
    2 O'NEILL, THERESE-EMMANUEL
    2 THERESE, SAINTE
    3 AVIGNON
    3 NIMES
    3 PARIS
    3 PARIS, COLLEGE STANISLAS
    3 SAINT-CYR-L'ECOLE
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le 8 septembre 1843.
  • 8 sep 1843
  • Nîmes,
La lettre

Votre lettre, que j’ai reçue il y a quelques jours déjà, ma chère enfant, m’a fait une peine infinie. Je tremble d’être pour quelque chose dans votre fatigue. Soignez-vous pour l’amour de Dieu, je vous en conjure; mais, tout en vous soignant, conservez cet esprit d’immolation qui, considérant le corps comme un instrument, l’oblige à se ménager sur certains points pour être plus facile à être mis en usage sur d’autres. Donnez-moi ou faites-moi donner des nouvelles de votre santé. Je tiens à en avoir et je ne pense pas que ce soit empressement curieux de ma part.

Je remercie tous les jours Notre-Seigneur de m’avoir fait entreprendre le voyage de Paris ou plutôt de m’avoir ménagé l’occasion de le faire. J’y vois, de sa part, une de ces marques de bonté que l’ordre de foi, dans lequel j’aime, quoi que vous disiez, à me placer, me découvre. Le bien que nos entretiens m’ont fait est un incontestable résultat, et si, comme vous le dites, ils vous en ont fait autant qu’à moi, je crois bien que j’y puis voir une preuve que Dieu nous a faits pour nous soutenir mutuellement.

Ce que vous me dites de votre répugnance à dire franchement le but de votre Institut m’étonne. Il me semble que Dieu veut qu’en pareille circonstance on dise ce que l’on est. Que vous tourniez la question, lorsqu’il s’agira de l’Office, romain ou parisien, et d’autres choses de moindre importance, je le conçois; mais, quand il s’agit de ce qu’il y a de fondamental dans votre oeuvre, il me paraît qu’il y a manque de foi à ne pas vous présenter telles que vous êtes. Soumettez cette idée à Soeur Th[érèse]-Em[manuel]; je crois qu’elle sera de mon avis(2).

Il me paraît encore que vous êtes bien heureuse d’avoir un an devant vous pour refaire vos Constitutions, et de penser quelquefois que Dieu n’a permis votre indisposition que pour vous obliger à aller plus lentement et à réfléchir davantage. Puisque vous y êtes, vous devez les refaire aussi bien que possible, de manière à n’avoir plus à y revenir. M. Gaume n’approuve pas certaines (petites) choses(3). Mais ne pouvez-vous pas les réserver pour le Coutumier?

J’ai été très frappé de ce que vous m’avez répondu, lorsque je vous parlais des petites pratiques d’humiliation, que vous y teniez comme moyen de vous séparer du monde. Cette idée m’a paru toute surnaturelle, et c’est pourquoi, sans tenir à telle ou telle pratique en particulier, je pense que vous ne sauriez mieux faire que de les maintenir en principe.

Je n’ose aborder la question des armoires ni celle des coutures.

Dans votre application de votre dévotion au mystère de l’Incarnation, de quelle idée partirez-vous un jour pour l’ornement de vos chapelles? Sainte Thérèse et saint Ignace y étalaient tout le luxe possible; d’autres Ordres, comme les Capucins, y conservaient la plus grande simplicité. Verrez-vous dans les tabernacles la pauvreté de la crèche, ou bien ornerez-vous vos sanctuaires selon ce que vous pourrez faire de mieux? Les ornements ne semblent jamais mieux placés que dans les chapelles, et cependant, c’est à mon gré bien souvent une grave source d’abus. J’aime beaucoup ce qui donne de la gravité et de la majesté au culte, mais tous ces colifichets, comme on en rencontre tant, me déplaisent au suprême degré.

J’attends avec impatience les folies secrètes qui se cachent sous toute votre raison. J’aime beaucoup ces folies-là. En réfléchissant sur votre but et le chapitre qui doit l’exposer, il me vient une idée. Les mots épouvantent souvent plus que les choses. Je suis sûr qu’en étudiant un peu l’Ecriture Sainte, vous y trouverez une foule de passages qui exprimeront ce que vous voudrez dire, et, en vous servant du style sacré, vous aurez un double avantage: celui de recevoir ou plutôt de chercher votre règle dans la parole de Dieu, et celui d’empêcher qu’on puisse attaquer vos pensées de dévouement dans le sens que vous les comprenez.

Ce que vous avez dit à M. Gros sur l’office est fort bon(4). Vous pouvez, au reste, vous appuyer des Frères dès Ecoles chrétiennes. Il y a quelque temps que je causais avec leur Supérieur général d’un collège à fonder par eux; il me dit qu’il était résolu à y mettre un nombre considérable de religieux, parce que c’était le seul moyen de laisser à tous le temps nécessaire pour se maintenir par l’oraison et les autres exercices dans l’esprit de leur état. Cette réflexion me donna une haute estime pour ce Général-là, et je ne puis croire qu’une Congrégation, dont un point de la règle est que les maîtresses ne se séparent jamais des enfants ou autres personnes qui leur sont confiées, ait un grand avenir. Toute la difficulté sera donc pour vous d’avoir un plus grand nombre de maîtresses, ou, en renversant la proposition, un moins grand nombre d’élèves. Ceci est incontestable; mais si vous voulez marcher en ce sens, qui peut vous en empêcher?

Sur l’article de la pauvreté, j’approuve assez ce que veut M. Gaume, sauf l’article de la permission à obtenir par le supérieur. La supérieure, il me semble, suffirait bien, surtout si on ajoutait, assistée de son Conseil. Ce serait rentrer davantage, il me semble, dans l’esprit de votre règle, selon ce que vous m’en avez dit. Le Conseil serait un contrepoids suffisant aux imprudences possibles de la supérieure, et j’ai vu des circonstances où la volonté du supérieur en pareille matière entraînait de graves abus.

Encore un coup, j’approuve très fort de faire une bonne fois tous les changements nécessaires, mais maintenez-vous dans une certaine largeur pour les points non éclaircis, que vous insérerez plus tard, quand vous aurez l’expérience, dans le Coutumier.

Pour ma part, ma chère enfant, je vous offre bien volontiers, pour vous venir en aide, une neuvaine de messes pour commencer et une neuvaine de jeûnes. Je la commencerai le 14 sept[embre] et je la finirai le 23; je me réserverai le dimanche qui se trouvera enclavé. J’offrirai cette petite mortification pour vous, ma fille, qui ne pourrez la faire peut-être par ma faute. Je ne peux vous exprimer avec quelle joie je vous donne de ma misère. Ce serait bien bon à vous de me demander quelque chose, de temps en temps, de vous-même, sans attendre que je vous prévinsse. Ce sera à cette marque que je connaîtrai que vous me croyez réellement votre père.

Si j’ai un conseil à vous donner, c’est de tenir le plus longtemps possible secrète l’impression de Soeur Th[érèse]-Em[manuel]. Les supérieurs ont de nos jours une merveilleuse tendance à nier ces choses-là, et, sous prétexte que la prudence exige d’y croire difficilement, ils n’y croient pas du tout; ce qui est bientôt fait et évite les frais d’examen.

J’accepte la proposition de m’envoyer les oeuvres de M. de Bérulle; on n’a pu les trouver ni à Nîmes ni à Avignon. J’accepte aussi l’humiliation que vous m’infligez au sujet de ma montre. Pour moi, si ce n’était le respect que je porte à la mémoire de Madame votre mère, je me serais débarrassé de la vôtre; je l’aime trop. Figurez-vous que j’ai déjà cassé le verre et que j’en ai été fort fâché.

Adieu, ma chère enfant. Mais j’oubliais une commission; il faut que je vous en assomme. Connaîtriez-vous une école préparatoire à l’Ecole de Saint-Cyr, où l’on pût mettre les jeunes gens en toute sûreté et pour les principes religieux, et pour la force des études? J’avais indiqué l’établissement de M. Gratry, à côté du collège Stanislas. On m’a répondu que l’on n’en avait pas été très content. Pourriez-vous m’en apprendre quelque chose de positif? Mais ne vous adressez pas à M. Gouraud, ami intime de M. Gratry(5). Je vous serais très reconnaissant de me donner une prompte réponse.

Adieu encore une fois, ma chère enfant. Que Dieu vous inonde de son amour et vous imprime cette perfection que je désire tant pour votre âme!

Notes et post-scriptum
1. D'après une copie. Voir des extraits dans *Les origines de l'Assomption*, t. II, p. 176, 179, 181, et dans *Notes et Documents*, t. II, p. 438.
2. Catherine O'Neill, en religion Soeur Thérèse-Emmanuel, née en Irlande le 3 mai 1817, entrée à l'Assomption le 5 août 1839, fut maîtresse des novices et assistante générale de sa Congrégation presque toute sa vie. Elle mourut à Cannes, le 2 mai 1888. Sur elle, voir *Les origines de l'Assomption*, t. Ier, p. 241 sq., t. IV, p. 473-485, et Mgr Gay, *Allocution* prononcée au service de trentaine de la T. R. Mère Thérèse-Emmanuel. Paris, 1888.
5. Le P. Gratry avait pris dès 1841 la direction du collège Stanislas, à Paris. pour assurer l'avenir de son collège, dont tous les professeurs étaient membres de l'Université, il avait fondé deux nouvelles institutions: une école primaire conduisant les enfants jusqu'aux éléments du latin et une école préparatoire, non seulement à Saint-Cyr, mais aux grandes écoles du gouvernement, pour les élèves qui avaient terminé leurs études de collège. (Voir Chauvin,*Le père Gratry*, Paris, 1901, p. 64 sq.) C'est de cette dernière école qu'il est question dans notre lettre. Gouraud faisait partie du Conseil d'administration de Stanislas.1. D'après une copie. Voir des extraits dans *Les origines de l'Assomption*, t. II, p. 176, 179, 181, et dans *Notes et Documents*, t. II, p. 438.
2. Catherine O'Neill, en religion Soeur Thérèse-Emmanuel, née en Irlande le 3 mai 1817, entrée à l'Assomption le 5 août 1839, fut maîtresse des novices et assistante générale de sa Congrégation presque toute sa vie. Elle mourut à Cannes, le 2 mai 1888. Sur elle, voir *Les origines de l'Assomption*, t. Ier, p. 241 sq., t. IV, p. 473-485, et Mgr Gay, *Allocution* prononcée au service de trentaine de la T. R. Mère Thérèse-Emmanuel. Paris, 1888.
3. Gaume, frère du célèbre vicaire général de Nevers et lui-même vicaire général de Paris, remplaça, comme supérieur des religieuses de l'Assomption, l'abbé Gros, lorsque celui-ci fut nommé évêque. Il était né à Fuans, dans le diocèse de Besançon, en 1797, et mourut à Paris en 1869.
4. L'abbé Gros, né à Reims en 1794, devenu en 1840 official métropolitain de Paris, fut préconisé et sacré évêque de Saint-Dié, en janvier 1843, et transféré l'année suivante au siège de Versailles.
5. Le P. Gratry avait pris dès 1841 la direction du collège Stanislas, à Paris. pour assurer l'avenir de son collège, dont tous les professeurs étaient membres de l'Université, il avait fondé deux nouvelles institutions: une école primaire conduisant les enfants jusqu'aux éléments du latin et une école préparatoire, non seulement à Saint-Cyr, mais aux grandes écoles du gouvernement, pour les élèves qui avaient terminé leurs études de collège. (Voir Chauvin,*Le père Gratry*, Paris, 1901, p. 64 sq.) C'est de cette dernière école qu'il est question dans notre lettre. Gouraud faisait partie du Conseil d'administration de Stanislas.