Vailhé, LETTRES, vol.2, p.92

20 sep 1843 [Nîmes], MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Bonne voie que celle où l’on n’éprouve aucun besoin d’appui humain. -Mort admirable de deux personnes. -Union à la prière de Jésus-Christ et sacrifice de pensée. -De l’ornement des chapelles et du culte: les uns adorent Notre-Seigneur avec des bougies, d’autres avec tout leur être. -La multitude de petites occupations, en l’impatientant, lui fait perdre, à lui, la simplicité spirituelle. -L’obéissance naturelle et celle de la foi.

Informations générales
  • V2-092
  • 0+312|CCCXII
  • Vailhé, LETTRES, vol.2, p.92
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DIVIN
    1 ANGELUS
    1 AUBE
    1 BURETTES
    1 CELLULE
    1 CHAPELLE PRIVEE
    1 CIBOIRE
    1 COLERE
    1 CONSTITUTIONS
    1 CORPS DE JESUS-CHRIST
    1 COUVENT
    1 DETACHEMENT
    1 EDIFICE DU CULTE
    1 ENTERREMENT
    1 EXTREME ONCTION
    1 JOIE
    1 MALADES
    1 MORT
    1 OBJETS DU CULTE
    1 PAIX
    1 PENITENCES
    1 PRIERE DE JESUS-CHRIST
    1 REGLES DES RELIGIEUX
    1 SIMPLICITE
    1 SOINS AUX MALADES
    1 SOUFFRANCE
    1 VASES SACRES
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    1 VOIE UNITIVE
    2 BEVIER, MARIE-AUGUSTINE
    2 FRANCOIS DE SALES, SAINT
    2 O'NEILL, THERESE-EMMANUEL
    2 THERESE, SAINTE
    3 ROME
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le 20 septembre 1843.
  • 20 sep 1843
  • [Nîmes],
La lettre

Bien sûr, ma chère enfant, vous êtes dans la voie où le bon Dieu vous veut, puisqu’en continuant à y marcher vous n’éprouvez plus aucun besoin de vous tourner vers aucun appui humain. Que Notre-Seigneur en soit béni! Vous me demandez si vous ne manqueriez pas de liberté d’esprit, en restant strictement dans un état que vous croiriez ne pas vous être bon. Dans la disposition où je vous connais, je n’ai nullement l’intention de vous gêner à ce point-là. Cependant, vous savez ce que Notre-Seigneur dit à sainte Thérèse dans une circonstance semblable: « Lorsque le commandement est bien précis, l’obéissance vaut toujours mieux. » Mais ici il n’y a, de ma part, rien de semblable.

Pour Dieu, ma fille, soignez-vous, toujours sans doute avec cette simplicité d’abandon qui est ce qu’il y a de mieux. Et, puisque nous sommes à parler malades, je vous dirai que j’ai assisté à la mort d’une personne et que j’en assiste, en ce moment, une autre, qui sont tout ce que vous pouvez désirer: l’une, qui éprouvait d’abord les terreurs les plus vives et qui, après que je lui eus récité les prières de l’agonie, se répétait à elle-même: Partez, âme chrétienne, et chanta: « Sainte Cité« ,comme chantent les mourants; l’autre qui, avec des terreurs également fortes mais toutes de foi, pleurait l’autre jour en entendant passer un enterrement, parce que Dieu en prenait d’autres et la laissait ici-bas. Je vous assure que votre oeil scrutateur ne verrait là aucune faiblesse.

J’aime beaucoup votre union à la prière de Jésus-Christ et votre sacrifice de pensée. Cette disposition est toute surnaturelle. Mais que de générosité ne faut-il pas? J’aime aussi votre application à quitter ce qui est artificiel. Ce ne sera pas pour vous l’affaire d’un moment. Votre nature a enfoncé des racines trop profondes dans ce qui est en vous bon naturellement et propre à vous donner des avantages sur les autres, pour que vous retranchiez tout ce qui n’est pas simple sans de grands efforts. Cependant votre vue constamment fixée sur Jésus-Christ peut sûrement vous aider à en venir à bout. Le jour où vous serez parfaitement souple, je crois que Notre-Seigneur vous aimera beaucoup, car vous aurez eu pour en venir là de fameux sacrifices à faire. Mais la grâce de Dieu est grande: vox Domini confringentis cedros(2).

Connaissez-vous les Constitutions des Soeurs du Verbe incarné? Je puis vous les procurer, si vous les désirez; je les ai lues dans le temps. Il y a de belles choses.

Pour en revenir aux chapelles et au culte, je suis profondément convaincu que les temples magnifiques peuvent être nécessaires, mais que la grandeur du culte peut être considérablement augmentée par ce que l’homme y met, non de manifestation extérieure, mais de son action spirituelle. Je ne me fais pas bien comprendre. Voici un exemple. Rien n’est plus beau, comme effet de lumière, que les illuminations que les Jésuites font à Rome dans leurs églises. Eh bien! rien ne dit moins au coeur, à la foi. A, côté de cela, mettez la cérémonie de la communion chez les Trappistes, et vous aurez l’âme ravie. Je n’ai jamais entendu parler de la communion des Jésuites. Vous comprenez qu’il ne s’agit pas des sentiments intérieurs, mais du genre du culte. Les uns adorent Notre-Seigneur avec des bougies, les autres avec tout leur être. Certes, un Jésuite récitera l’Angélus dans sa chambre avec toute la dévotion possible; mais je n’ai jamais mieux compris les dernières paroles de l’Angélus Et Verbum caro factum est,(3) que dans une Chartreuse, à 2 heures du matin, lorsque tous les fronts rasés s’inclinaient vers la terre en répétant les paroles de l’évangéliste.

Je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’aubes en dentelles et de broderies en or pour donner de la majesté au culte extérieur. Pour moi, ma disposition naturelle me porte à aimer la richesse seulement dans les vases sacrés qui touchent le corps de Notre-Seigneur, et, si vous me permettez cette observation, j’ai été surpris de trouver chez vous des burettes qui ne contiennent que du vin et de l’eau, en vermeil, et un tout petit ciboire, en argent. Me pardonnez-vous de descendre dans ces détails?

En passant à votre lettre du 12 sept[embre], je laisse de côté ce qui a rapport à la règle. Quand on m’aura remis ce que vous m’envoyez, je vous en parlerai plus au long.

Jouissez de votre paix et de votre joie si c’est l’effet de cette grande liberté d’esprit que recommande saint François de Sales. Je pense que vous ne pouvez qu’y gagner beaucoup. Pour ma part, je vous dirai que je suis assez simple depuis quelque temps, mais que je crains qu’une multitude de petites occupations me crispant les nerfs, je ne perds ce bien par l’impatience.

Je n’approuve pas encore le voeu que vous voulez faire relativement à Soeur Marie-Augustine(4). Conduisez-vous quelque temps, comme vous l’avez fait; puis, nous verrons. Oui, vous avez raison d’être honteuse de votre obéissance naturelle, si peu en harmonie avec ce qu’il y a de peu obéissant en vous, dès qu’il s’agit des choses de la foi. Tâchez donc de vous y mettre une bonne fois. Au reste, votre billet me plaît autant qu’à Soeur Th[érèse]-Em[manuel].

J’avoue que je ne puis comprendre la peine que vous avez eue à m’écrire le billet que j’ai brûlé. Ce sont choses qui plus ou moins arrivent à tout le monde. Je vous en dirais long sur mon compte à ce sujet, si j’y avais la moindre peine. Du reste, je suis très édifié du sentiment qui vous a porté à l’écrire.

Adieu, ma fille. Je m’arrête pour aujourd’hui. Priez un peu pour moi et beaucoup pour un couvent de Carmélites qui est sur le point de se former ici(5).

Notes et post-scriptum
1. D'après une copie. Voir des extraits dans *Les origines de l'Assomption*, t. II, p. 182 sq., et dans *Notes et Documents*, t. II, p. 441 sq.1. D'après une copie. Voir des extraits dans *Les origines de l'Assomption*, t. II, p. 182 sq., et dans *Notes et Documents*, t. II, p. 441 sq.
4. La première disciple de la Mère Eugénie de Jésus. Née en Normandie, en 1816, Anastasie Bévier, qui avait fait d'excellentes études et pris ses brevets, entra à l'Assomption en avril 1839, c'est-à-dire dès l'installation de l'oeuvre à Paris. C'est à elle surtout, en sa qualité de maîtresse générale des études, que les religieuses de l'Assomption sont redevables de la première organisation de l'enseignement dans leurs pensionnats. Elle mourut à Saint-Dizier, le 17 janvier 1895.
5. Il devait se fonder au mois de décembre.2. *Ps*. XXVIII, 5.
3. *Ioan*. I, 14.