Vailhé, LETTRES, vol.2, p.121

22 jan 1844 [Nîmes, COLLEGE de l'Assomption

De la nouvelle loi sur la liberté d’enseignement. -Pour répondre aux plaintes et aux désirs des familles catholiques, on va réorganiser l’établissement de garçons existant à Nîmes. -L’éducation sera confiée à des prêtres, l’instruction à des laïques, gradués dans l’Université. -L’abbé Tissot en restera le directeur. -Des cours spéciaux faciliteront l’admission aux Ecoles spéciales de l’Etat. -On pense commencer à Pâques. -Tout en se servant de la loi actuelle, on en espère une meilleure, pour les catholiques.

Informations générales
  • V2-121
  • 0+323|CCCXXIII
  • Vailhé, LETTRES, vol.2, p.121
Informations détaillées
  • 1 APOSTOLAT
    1 CLERGE NIMOIS
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 COLLEGE ROYAL
    1 CORPS ENSEIGNANT
    1 ECOLES
    1 ENSEIGNEMENT RELIGIEUX
    1 ESPRIT CHRETIEN DE L'ENSEIGNEMENT
    1 EXAMENS ET DIPLOMES
    1 FONCTIONNAIRES
    1 FRANCAIS
    1 LIBERTE DE L'ENSEIGNEMENT
    1 LOI CIVILE
    1 MONOPOLE UNIVERSITAIRE
    1 PAQUES
    1 PENSIONNATS
    1 PRETRE EDUCATEUR
    1 PROGRAMME SCOLAIRE
    1 REGLEMENT SCOLAIRE
    1 TRAITEMENTS
    2 CUSSE, RENE
    2 GAVETE, FRANCOIS
    2 GIRARD, GREGOIRE
    2 GOUBIER, VITAL-GUSTAVE
    2 QUINN, JAMES
    2 TISSOT, PAUL-ELPHEGE
    2 VERMOT, ALEXANDRE
    3 FRANCE
    3 NIMES
  • CIRCULAIRE DE MM. D'ALZON ET GOUBIER, PROPRIETAIRES DE L'ETABLISSEMENT DE L'ASSOMPTION (1).
  • COLLEGE de l'Assomption
  • le 22 janvier 1844.]
  • 22 jan 1844
  • [Nîmes,
La lettre

Une grave question préoccupe en ce moment tous les esprits et s’agite au sein de la France. Les familles chrétiennes en suivent les débats et en attendent l’issue dans la plus pénible anxiété.

Quelle sera la loi sur la liberté d’enseignement promise par le discours sur la couronne? Il est difficile de le prévoir. Satisfera-t-elle pleinement les voeux des catholiques? On l’ignore. Cependant, ils gémissent de ne pouvoir donner à leurs enfants une éducation en harmonie avec leur foi et leurs principes religieux, forcés par le monopole ou à les envoyer dans des établissements qui n’ont pas leur confiance ou à les garder auprès d’eux, les voyant ainsi perdre des années pleines d’espérance et d’avenir.

Ces gémissements des familles ne sont pas un secret renfermé dans l’intérieur du foyer domestique: ils s’exhalent au dehors en plaintes déchirantes, quelquefois même en reproches amers vis-à-vis du clergé, que ces familles accusent de ne point assez comprendre leur douleur ou de ne rien faire pour y apporter un terme. Pour notre part, nous les avons entendues, ces plaintes si légitimes; ces reproches, nous les avons reçus; ils sont descendus profondément dans nos coeurs de prêtres, et nous avons enfin compris qu’il ne fallait plus s’en tenir à de stériles regrets et que, pour répondre à tant de justes réclamations, il était urgent de former à Nîmes un établissement, expression vraie, réalisation complète des désirs des familles.

C’est cet établissement que nous annonçons aujourd’hui au public. Créée il y a quelques années, à Nîmes, une institution de ce genre eut les plus heureux commencements. Quelle fut la cause de sa décadence? Elle nous est connue. Nous n’avons pas à la signaler ici; il suffit de dire qu’elle n’a rien de compromettant pour l’avenir de la maison qui va s’ouvrir. La relever sur une vaste échelle, lui donner l’appui qui lui avait manqué jusque-là, c’en est assez; elle n’a plus besoin d’autre base, et son succès est certain.

Cet appui, hâtons-nous de le dire, l’établissement le trouvera dans le clergé représenté à Nîmes par une Commission de cinq membres prêtres, dont plusieurs anciens hauts fonctionnaires de l’Université. Cette Commission sera chargée de veiller à l’observance sévère des règlements intérieurs de la maison, d’y procurer aux élèves une éducation religieuse éclairée, telle que doivent la recevoir des enfants appelés à vivre au milieu et dans tous les rangs de la société, d’y maintenir une instruction forte et rivale de celle donnée dans les collèges royaux. Le prospectus en fera connaître le programme.

M. l’abbé Tissot, que tant de titres recommandent à la confiance des familles, qui a su se concilier et conserver l’affection des élèves aussi longtemps que la direction de la maison a été entre ses mains, reprend cette direction et reste seul responsable vis-à-vis de l’Université(2).

La tâche difficile de donner aux élèves l’instruction religieuse, de diriger et de former leur coeur, de veiller sur eux dans leurs études, leurs repas, leurs récréations et leur sommeil, de faire respecter au dedans et au dehors de la maison une discipline sévère, mais rendue aimable par les moyens que la charité sait toujours inspirer, sera dévolue à des prêtres directeurs, partageant avec M. Tissot, vis-à-vis des familles, la responsabilité morale de la maison.

L’enseignement sera confié à des laïques pieux, répétiteurs habiles, tous gradués dans l’Université, bacheliers, licenciés, anciens agrégés sortis des collèges royaux, depuis la philosophie, l’histoire, les sciences exactes et naturelles jusques aux classes élémentaires. Les élèves seront préparés par ces répétiteurs aux examens pour le baccalauréat, et à ceux d’admission à l’Ecole polytechnique et à toutes les autres écoles spéciales.

MM. les professeurs trouveront dans l’établissement une position semblable à celles qu’ils abandonnent en sortant des rangs de l’Université, un traitement respectivement égal à celui dont ils jouissent dans les collèges royaux, compris l’éventuel, et, au moyen des sociétés d’assurances les mieux établies, une pension de retraite, au besoin réversible sur deux têtes, leur sera assurée.

Tout sera disposé pour commencer à Pâques…

On le croira, cette fois. Il suffira, nous l’espérons, de faire connaître nos projets pour que l’on comprenne que notre oeuvre est essentiellement une oeuvre de zèle, de dévouement et de sacrifice; car, d’avance, il faut qu’on le sache, le but de nos efforts est de doter notre pays d’établissements catholiques de tous genres. Nous commençons par celui-ci. Peut-être servira-t-il à en fonder bien d’autres, différents sans doute, mais tous répondant à quelque besoin de la religion. Dans les circonstances présentes, il y a, il nous semble au moins, quelque courage à entreprendre cette oeuvre. Les familles chrétiennes nous en sauront gré; assurément, elles apprécieront le bienfait qui leur est offert.

Toutefois, qu’on en soit bien convaincu, nous n’apportons pas ici un esprit hostile envers ce qui est déjà; nous nous attendons à éveiller des susceptibilités, mais nous ne pouvons pas, à cause de cela, renoncer à un droit que nous tenons de la loi en nous renfermant dans ses limites. Nous l’acceptons pour le moment telle qu’elle est, nous la respecterons jusqu’à la fin, faisant des voeux cependant pour qu’elle soit plus favorable aux intérêts des familles chrétiennes, et qu’elle assure à tous les Français la part de la liberté que la Charte leur a promise.

Les administrateurs directeurs:

d’Alzon, Vicaire général de Nîmes;

Goubier,

curé de Sainte-Perpétue,

vicaire général honoraire de Digne.

Nîmes, 22 janvier 1844.

E.D'ALZON
Notes et post-scriptum
1. Publiée dans les *Notes et Documents*, t. II, p. 529-531. L'abbé Goubier, associé de l'abbé d'Alzon dans son oeuvre d'enseignement, ne fut jamais religieux de l'Assomption. Il mourut en 1855 curé de Sainte-Perpétue, à Nîmes.1. Publiée dans les *Notes et Documents*, t. II, p. 529-531. L'abbé Goubier, associé de l'abbé d'Alzon dans son oeuvre d'enseignement, ne fut jamais religieux de l'Assomption. Il mourut en 1855 curé de Sainte-Perpétue, à Nîmes.
2. Né à Lyon le 20 avril 1801, Paul-Elphège Tissot devint prêtre en 1825. Etabli à Nîmes et directeur du collège de l'Assomption fondé par l'abbé Vermot, il se joignit à l'abbé d'Alzon, quand celui-ci racheta le collège, fut un de ses cinq premiers compagnons qui, le jour de Noël 1845, posèrent, avec lui, les fondements de la Congrégation de l'Assomption. Envoyé à Paris le 8 octobre 1850 comme confesseur des religieuses de l'Assomption et pour préparer notre premier établissement dans la capitale, il ne put prononcer les premiers voeux de religion, le 25 décembre 1850, avec le fondateur et ses autres compagnons de Nîmes. Il y fut admis le 25 mars 1852, en attendant de se consacrer définitivement à Dieu l'année suivante, le même jour. En 1860, il partit avec Mgr Quinn, évêque de Brisbane, pour l'Australie, ainsi que le P. Eugène Cusse et le Fr. François, convers. La mission ne réussit pas et le P. Tissot en revint en 1875 pour occuper divers postes en France. Il finit par s'établir à l'abbaye de Livry, où il mourut le 16 février 1895. Il avait publié, en 1851, à Paris et à Nîmes, une *Grammaire de la langue latine*, adaptée aux Exercices d'analyse logique du p. Gr. Girard, Cours élémentaire.