Vailhé, LETTRES, vol.2, p.173

19 jul 1844 Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Réponses à diverses questions concernant certains articles des Constitutions. -Du Supérieur général des religieuses. -Un évêque n’est supérieur que des religieuses de son diocèse. -Il conviendrait de reconnaître à l’archevêque l’autorité que lui donne le Concile de Trente et ne pas s’occuper, pour le moment, du supérieur général. -Des soeurs converses. -Du nombre de communions par semaine. -Tenir ferme à la pauvreté, elle ne s’en va que trop promptement. -Du changement des sujets. -De la durée du supériorat général. -De la maîtresse des novices. -A bientôt d’autres nouvelles. -Il ne peut aller à Paris.

Informations générales
  • V2-173
  • 0+346|CCCXLVI
  • Vailhé, LETTRES, vol.2, p.173
Informations détaillées
  • 1 AUTORITE PAPALE
    1 AUTORITE RELIGIEUSE
    1 CLOTURE
    1 COMMUNAUTE RELIGIEUSE
    1 CONCILE DE TRENTE
    1 CONFESSEUR
    1 CONSEIL DU GENERAL
    1 CONSTITUTIONS DES RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 COUVENT
    1 DOT
    1 DROIT CANON
    1 EDUCATION RELIGIEUSE
    1 ELECTION
    1 EVECHES
    1 EVEQUE
    1 FONDATION D'UN INSTITUT RELIGIEUX
    1 FRANCAIS
    1 GOUVERNEMENT DES RELIGIEUX
    1 JURIDICTION EPISCOPALE
    1 LEGISLATION
    1 LEVER
    1 MAITRESSE DES NOVICES
    1 NOMINATIONS
    1 NOVICIAT
    1 OFFICE EN PARTICULIER
    1 PROGRAMME SCOLAIRE
    1 PUNITIONS
    1 RECREATIONS DES RELIGIEUX
    1 RELIGIEUSES
    1 SAINTE COMMUNION
    1 SALUT DES AMES
    1 SANTE
    1 SOEURS CONVERSES
    1 SUPERIEUR GENERAL
    1 SUPERIEURE GENERALE
    1 SUPERIEURS ECCLESIASTIQUES
    1 VIE RELIGIEUSE
    1 VISITE DES MALADES
    1 VOEU D'OBEISSANCE
    1 VOEU DE PAUVRETE
    1 VOEUX DE RELIGION
    1 VOEUX SOLENNELS
    1 VOLONTE DE DIEU
    1 VOYAGES
    2 AFFRE, DENIS
    2 BERNARD, SOEUR
    2 CARRIERE, JOSEPH
    2 GAUME, JEAN-ALEXIS
    2 MATHIEU, JACQUES-MARIE
    2 NAUDO, PAUL
    2 O'NEILL, THERESE-EMMANUEL
    2 ROOTHAAN, JEAN-PHILIPPE
    3 AVIGNON
    3 BESANCON
    3 NIMES
    3 PARIS
    3 ROME
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le 19 juillet 1844.
  • 19 jul 1844
  • Nîmes,
La lettre

Me voici enfin, ma chère enfant, au terme de mon voyage, et je me hâte de répondre aux questions que vous m’adressez au sujet de la règle. Je vais les prendre une à une, non toutefois sans vous faire observer que, puisque vous avez hâte de faire paraître vos Constitutions, il faut s’y maintenir, comme vous le dites, le plus possible dans le général, sauf à reporter ailleurs ce qui serait moins essentiel.

Art. 2. La fin de cet Institut obligeant les Soeurs à… 1° Ne faut-il pas ajouter les Soeurs de choeur? 2° Ne convient-il pas de fixer, comme aux Carmélites, le nombre des Soeurs converses?

On prendra les voix par scrutin. Croyez-vous que la simple majorité suffise? Cela me paraît bien délicat. Je n’ai pas vu si chaque maison’aurait un noviciat. Je vois de bien grands dangers à ce que les noviciats soient nombreux; le même esprit se communique bien difficilement. La supérieure aura-t-elle le droit de faire changer des Soeurs de communauté? Ou ont-elles le droit de rester dans la maison où elles ont fait profession?

Ce qui est dit du confesseur dans les visites des malades me paraît bon, mais non pour les Constitutions; c’est trop minutieux. Et puisque je suis à parler du confesseur, il faut que je vous dise, à propos de ce que vous me disiez l’an passé de la nécessité de peu immiscer les confesseurs et les supérieurs dans vos affaires, que, pas plus tard que la semaine dernière, un couvent ayant brûlé à Avignon, on a trouvé une pauvre religieuse aux fers; elle y était depuis huit ans, sans que l’archevêque ni supérieurs ni confesseurs ne le sussent. On parle d’envoyer la supérieure pour deux ans aux galères. La chose s’arrangera, parce que ces pauvres filles ont été plus bêtes que méchantes, mais elles en sont à se mordre les doigts d’avoir fait leur belle équipée sans en rien dire à personne. Vous n’en viendrez jamais là, mais vous voyez une triste exagération de votre principe.

Art. 9. Les Soeurs dispensées de l’office réciteront à la place. Pourquoi pas, quand elles le pourront, l’office même?

Art. 10. J’aime peu les changements d’heure, selon les saisons, pour le lever.

L’article des études est très beau, mais je ne vois rien pour l’éducation des enfants; presque tout est pour l’instruction.

Je ne sais que vous dire pour les récréations des Soeurs converses. Il faudrait que leur récréation fût prise à part, et, si elle est prise à part, mille misères en résultent. Si elles se récréent avec les choristes, celles-ci perdent toute liberté. Je n’y vois pas clair là-dedans, mais j’y vois bien des dangers.

Il me semble que vous prenez bien peu de temps pour le Chapitre du dimanche.

Art. 20. Du gouvernement de la Congrégation. Décidément, prenez-vous un Supérieur général? Voici quelques observations que je tiens à vous répéter, quoique je les aie faites dans le temps.

1° Par le temps qui court, un évêque, Supérieur général d’une communauté, est un objet de suspicion pour les autres évêques, qui ont des maisons de sa Congrégation dans leurs diocèses.

2° Tous les jours, on voit des évêques détacher des communautés d’une maison-mère, pour se faire, à leur tour, Supérieurs généraux chez eux.

3° Les évêques, Supérieurs généraux, n’ont aucune juridiction dans les autres diocèses,où ils ont quelque communauté dont la maison-mère est chez eux.

Voudriez-vous poser à M. Gaume les questions suivantes? Je leur ferai la réponse que, j’en suis certain, on ferait à Rome; vous verrez celle que l’on vous donnera à Paris.

1° Un évêque a-t-il juridiction sur des religieuses qui sont dans un autre diocèse? Non.

2° Un évêque peut-il soustraire à l’obéissance des religieuses qui sont dans son diocèse et [dont] la maison-mère [est] dans un autre? Oui.

3° Tout évêque peut-il relever les religieuses de leurs voeux? Oui.

4° Quelle est alors, pour les diocèses autres que le sien, l’autorité d’un évêque, Supérieur général? Rien que ce que veut par complaisance l’évêque du lieu; car, pour que cet évêque étranger pût quelque chose canoniquement, il faudrait qu’il reçût un titre de l’évêque sur le territoire de qui il agirait; ce qui est inadmissible.

5° Que faut-il donc pour qu’un Supérieur général puisse quelque chose dans d’autres diocèses? Il faut une commission spéciale du Pape.

6° L’archevêque de Paris consentira-t-il à la demander? La raison de tout ceci repose sur ce qu’à Rome on ne veut plus admettre, aujourd’hui, de voeux solennels pour les religieuses françaises; soit, comme le prétend M. Carrière(2), à cause des difficultés civiles pour le voeu de pauvreté, soit plutôt à cause de la facilité avec laquelle l’autorité actuelle viole les clôtures. D’où il résulte qu’il n’y a plus que de simples Congrégations. Remarquez que l’on fait une réponse assez banale aux difficultés que je vous expose. On dit: « Mais les évêques s’entendront entre eux. » Je réponds: c’est un point sur lequel ils ne le peuvent pas; parce que si, à l’époque de la fondation, un évêque prenait des engagements avec un Supérieur général, ces engagements seraient tout au plus valables en tant que personnels -et encore y aurait-il beaucoup à dire,- mais, à coup sûr, ils seraient nuls pour le successeur de l’évêque qui rentrerait dans ses droits. D’où il résulterait que les inconvénients d’une séparation reparaîtraient sans cesse.

Voici mon avis. Ne serait-il pas possible de disposer les choses de manière à ce que l’archevêque ait sur votre communauté l’autorité que lui donne le concile de Trente, et laisser de côté, pour le moment, la question d’un Supérieur général? Si jamais vous vous étendez hors du diocèse de Paris, vous vous feriez donner juridiction par Rome, et alors ce serait la Supérieure générale qui aurait juridiction sur tout son Ordre? Ceci souffrirait, je le sais, des difficultés, mais je ne pense pas qu’elles fussent insurmontables.

L’article de la maîtresse des novices me paraît très beau. J’en reviens aux Soeurs converses. Vous avez pu expérimenter déjà quelles difficultés ces pauvres Soeurs présentent ou présenteront un jour. Quel esprit comptez-vous leur donner? Le général des Jésuites a, dit-on, toutes les peines du monde à mettre les siens à l’ordre. Les tiendrez-vous bien basses ou leur permettrez-vous une espèce d’égalité? Il me semble qu’il vaut mieux en avoir moins que trop. C’est pour cela qu’il faut être avec elles inflexibles pour la santé. J’aimerais assez qu’on ne leur demandât pas de dot et que ce fût stipulé dans la règle. Cela les tiendrait toujours sur leurs gardes.

Que vous dire des communions? A Saint-Maur, il y en a quatre de règle et une cinquième de dévotion. J’aime assez cela. Car je n’aime point les communautés où l’on n’en peut faire ni plus ni moins que la règle. J’ai vu la chose établie ainsi pour deux Congrégations; cela me paraît absurde. Les propositions de M. Gaume me semblent un peu du tripotage. Mon opinion à cet égard serait que la supérieure réglât tout, sauf le cas où le confesseur aurait ordonné de communier. Si la supérieure y voyait des inconvénients, elle en avertirait le confesseur, qui, ensuite, prendrait la responsabilité de la chose s’il croyait avoir à ordonner, ce qui peut avoir lieu pour certains cas. Autrement, la supérieure seule doit décider, et je tiendrais beaucoup à la règle des Dames de Saint-Maur.

L’idée de la maîtresse des converses me paraît très bonne, mais ce ne devrait être que pour les communautés où vous seriez très nombreuses. Je n’ai pas d’opinion sur les zélatrices; elles peuvent faire beaucoup de bien et beaucoup de mal. Tenez ferme, autant que possible, pour la pauvreté, partout où vous pourrez; elle ne s’en va que trop promptement.

Comme vous, je trouve quelques longueurs, mais il faut bien aussi dire sa pensée. Il m’a paru que plusieurs chapitres étaient entièrement pris dans la règle des Dames du Bon-Pasteur d’Angers, qui peut-être elles-mêmes les avaient pris d’une autre règle.

Si vous voulez mon impression générale, après ce que j’ai lu, c’est que vous me paraissez prendre un esprit de foi savante; ce qui est très bon, avec une légère nuance dangereuse et que tempérerait un peu plus de simplicité. Je ne sais si je me fais bien comprendre. Du reste, il y a assez de largeur.

Je retrouve dans votre lettre ce que je n’ai pas aperçu dans la règle. Je crois très fort que la Supérieure générale peut seule changer les sujets, mais ceci est fort délicat. Il faut que cela se fasse sans bruit. Ce sont les supérieurs qui donnent l’obédience pour parrtir; il faut donc qu’ils aient le pouvoir de faire des changements. Mais ce que je vous ai dit plus haut vous fera comprendre où est la difficulté. Faites-vous conter tout au long l’histoire des difficultés du Sacré-Coeur, mais tâchez de la savoir de divers côtés; cela vous donnera force lumière. Le prêtre qui a accompagné l’archevêque de Besançon, lors de son voyage à Rome pour cette affaire, est ici; je vais tâcher de lui tirer ce que je pourrai.

J’approuve très fort seulement dix ans de charge. En dix ans, bien des femmes auront eu le temps de s’user. Que vous dire de l’exclusion de la Supérieure générale déposée, pour la nouvelle élection? Si elle est bonne, sa voix sera très utile; si elle est un peu ambitieuse, sa voix pourra nuire. C’est selon ce que vous croirez devoir la supposer, en général, et la force que vous lui supposerez pour résister aux tentations. Que l’on nomme une générale, à qui elle n’aura pas donné sa voix -ce qui peut arriver,- elle sera plus que les autres dans une fausse position.

Je vous le répète, l’article de la maîtresse des novices est, à mon gré, très beau; il serait magnifique s’il n’était pas, selon moi, un peu trop savant pour des filles. Il a un esprit de charité admirable. Abrégez-le seulement si vous êtes sûre de ne pas le gâter. Je vous assure que j’en veux faire, pour ma part, une de mes lectures spirituelles.

J’approuve très fort que l’assistante ait voix au Conseil. Je préfère que l’article des Soeurs qui enseignent ne soit pas dans la règle, quoiqu’il renferme de bien belles choses.

En voilà assez pour aujourd’hui. Sous peu, je vous parlerai et de vous et de moi, et de la stigmatisée que j’ai vue, mais ce jour-là le sang ne coulait pas. Les religieuses de la communauté, où elle est ne savent rien, mais ont vu du sang et, devant moi, la plaisantaient sur ce qu’elle tient toujours ses mains cachées sous ses manches. Vous ai-je écrit que le parti que vous aviez pris pour Soeur Th[érèse-Em[manuel] a paru très bon à quelqu’un de beaucoup d’expérience, que j’ai consulté sans lui dire pour qui?

Vous me demandez pourquoi je ne vais pas à Paris. Eh! mon Dieu, parce que je ne le puis pas. Ne faut-il pas vouloir être là où la Providence nous met? Je suis placé à Nîmes et m’y voici, grâces au ciel, pour essayer un peu d’y devenir meilleur.

Adieu, ma chère enfant. Priez pour que je finisse par me mettre tout de bon à l’oeuvre de ma sanctification.

Notes et post-scriptum
1. D'après une copie. Voir des extraits dans *Notes et Documents*, t. II, p. 569.1. D'après une copie. Voir des extraits dans *Notes et Documents*, t. II, p. 569.
2. Né en 1795, mort en 1864. Sulpicien et Supérieur général de sa Compagnie, il avait déjà écrit plusieurs ouvrages de droit canonique, fort estimés en France.