Vailhé, LETTRES, vol.2, p.179

4 aug 1844 Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Pour le lever, il n’aime pas les changements d’heure, selon les saisons. -Son avis sur d’autres points des Constitutions. -La propriété de Chaillot. -Du supérieur ecclésiastique. -Constitutions de l’abbé Rosmini. -Il ira à Paris, si c’est possible. -Des Soeurs converses. -Pour le moment, il doit rester comme il est. -Une religieuse, dirigée par un prêtre en dehors de sa communauté, doit lui obéir en tant pour les choses intérieures, sauf celles qui vont contre l’esprit de son Institut. -Application de ce principe à deux cas particuliers.

Informations générales
  • V2-179
  • 0+347|CCCXLVII
  • Vailhé, LETTRES, vol.2, p.179
Informations détaillées
  • 1 ACHAT DE TERRAINS
    1 CONFESSEUR
    1 CONSTITUTIONS DES RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 ESPRIT D'INDIFFERENCE
    1 EVEQUE
    1 LAICISME
    1 LEVER
    1 NOMINATIONS
    1 NOVICE
    1 PENITENCES
    1 PRATIQUE DE L'OBEISSANCE
    1 PREDICATION DE RETRAITES
    1 PRUDENCE
    1 REPOS
    1 SOEURS CONVERSES
    1 SUPERIEUR DE COMMUNAUTE
    1 SUPERIEUR GENERAL
    1 SUPERIEURE GENERALE
    1 SUPERIEURS ECCLESIASTIQUES
    1 VOEU DE PAUVRETE
    1 VOLONTE DE DIEU
    2 CART, JEAN-FRANCOIS
    2 DONNET, FRANCOIS
    2 DUVERGER
    2 FRANCHESSIN, ERNEST DE
    2 ROSMINI, ANTONIO
    3 BORDEAUX
    3 PARIS
    3 PARIS, CHAILLOT
    3 ROME
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le 4 août 1844.
  • 4 aug 1844
  • Nîmes,
La lettre

Quoique j’aie reçu votre lettre avant-hier, ma chère enfant, j’avais déjà pris la résolution de ne vous écrire que ce matin parce que je savais que j’aurais une heure à vous donner et que, pendant une heure, on peut dire bien des choses. Cependant, de peur que le temps ne me manque, je commence par répondre aux questions auxquelles vous tenez le plus.

Je me permets de blâmer les changements d’heure, selon les saisons, parce que j’ai cru remarquer que la demi-heure que l’on ajoutait au sommeil, pendant l’hiver, était une demi-heure complètement perdue et que cela ne fait ni chaud ni froid pour les santés. Je préférerais que l’article des Soeurs qui enseignent fût hors de la règle, parce qu’il me paraissait, tel qu’il est fait, plutôt un article de direction que de Constitutions. Je verrais un grand avantage à donner une aide spirituelle aux supérieures locales, là où les communautés sont nombreuses. Dans les communautés peu peuplées, il y aurait peut-être des inconvénients; la supérieure verrait trop facilement d’où partent les avis. Je crois qu’il faudrait laisser la nomination de l’aide spirituelle à la discrétion de la Supérieure générale.

Je ne tiens pas à partager la règle en deux parties, à moins que ce ne soit pour séparer ce qui doit en être bien public devant les novices de ce qui doit être supprimé. Sous ce rapport, la division serait bonne; sous tout autre rapport, je n’en vois pas la raison.

J’aurai très probablement occasion de me mettre en rapport avec M. Duverger(2) pour une terre que je veux lui faire acheter. Je vous promets de lui faire présenter l’occasion de déplacer ses capitaux de sa propriété de Chaillot.

Je ne vous avais jamais parlé, comme je l’ai fait, des supérieurs ecclésiastiques, parce que c’est une question qui m’a cassé la tête et que j’espère enfin la tenir. Remarquez que je ne vous ai donné que le résumé de mon opinion, contre laquelle bien des gens peuvent dire une foule de choses; mais, en dernière analyse, diverses discussions entre évêques ont fini par amener ce résultat, qui est tout à fait dans la manière de voir de Rome, d’après les renseignements que je puis avoir.

Désirez-vous toujours lire les Constitutions de l’abbé Rosmini? Je n’y ai rien vu de bien remarquable(3). Ou bien préférez-vous que je vous envoie seulement ce qui a trait au voeu de pauvreté?

Vous êtes bien bonne de tenir à m’avoir. L’archevêque de B[ordeau]x me réclame à cor et à cri. Monseigneur de Nîmes m’a promis pour une retraite. Or, je préférerais de beaucoup aller à Paris. Mais encore j’ai d’autres difficultés. Toutefois, si je puis, j’irai à Bordeaux par Paris; ce ne serait toutefois qu’au mois de janvier.

En vous recommandant le petit nombre de Soeurs converses, je voulais vous signaler un inconvénient dont on se plaint dans une foule de communautés; ensuite, il est très vrai que plusieurs Soeurs de choeur auront souvent besoin d’une certaine distraction et que, dans ce cas, les occupations extérieures leur feront du bien. Vous aurez là encore un moyen de restreindre vos Soeurs converses.

Je crois que vous pouvez éviter d’avoir un Supérieur g[énér]al. Il est sûr que la juridiction peut être donnée à une femme, mais prenez garde de tomber dans les inconvénients du Sacré-Coeur, dont on dit que les supérieures ont fait demander la permission de dire la messe. Plaisanterie à part, il y a dans la tournure des esprits une disposition au laïcisme telle que je ne sais où elle finira par aboutir. Mais je m’aperçois qu’il me sera impossible de vous rien dire aujourd’hui des supérieures. Il faut que je relise et médite un peu, si vous voulez bien, ces articles qui sont sûrement les plus essentiels. Je vous promets de vous en écrire au plus tard après-demain. Je me contente de revenir à deux points.

Ce que vous me dites de votre jeune homme fait recommencer mes perplexités. Il est sûr que je ne me sens, en ce moment, poussé à rien qu’à faire ce que Dieu voudra, sans que je puisse dire quoi. D’où je conclus que, si je veux avant tout faire la volonté de Dieu, je dois rester comme je suis jusqu’à ce que le moment où cette volonté se manifestera clairement ait sonné.

Vous me demandez en quoi vous devez dépendre de moi. J’aime mieux généraliser la question et dire: une religieuse qui veut se faire diriger par un prêtre en dehors de sa communauté doit lui obéir en tout pour les choses intérieures, sauf celles qui vont contre l’esprit de son Institut. Je ne parle que des choses intérieures, puisque les autres sont réglées par la règle ou les supérieurs, et je mets la restriction, sauf la violation de l’esprit de l’Institut, parce qu’en cet article la religieuse doit conserver son libre arbitre, comme le religieux le conserve envers son supérieur pour les ordres qui seraient péché. Ceci me paraît extrêmement clair et simple pour moi. Qu’en pensez-vous?

Pour en venir à ce qui vous concerne, je vous dirai: 1° Que si vous acceptez ma direction en ce sens, je désire que vous continuiez vos rapports avec Monsieur votre oncle(4) comme par le passé, et que vous ne fassiez rien d’extraordinaire en fait de mortification, jusqu’à ce que nous ayons causé de ces deux articles; 2° je crois que vous avez eu positivement tort de ne pas vous mettre, par rapport à Monsieur votre oncle, dans une entière indifférence pour faire ce qu’on vous dirait. Votre prudence, sous ce rapport, ne me paraît point aller du tout avec la liberté des enfants de Dieu. Je souffre en pensant que je vous fais de la peine. Mais vous serais-je réellement dévoué, si je vous taisais ma pensée, lorsque je crois utile de vous la présenter? Que ceci, je vous le répète, ne vous fasse rien changer à vos rapports avec Monsieur votre oncle. Seulement, je suis profondément convaincu que la persistance dans votre esprit propre, en cette occasion, vous a fait beaucoup de mal. Etes-vous mûre pour entendre ce langage?

Adieu, ma bien chère enfant. Je prie Dieu pour vous avec une effusion de coeur que je ne saurais vous exprimer.

Notes et post-scriptum
1. D'après une copie.
2. Etabli près de Nîmes, il devait vendre aux religieuses de l'Assomption sa propriété de Chaillot, à Paris.
3. Rosmini, prêtre et philosophe italien, né en 1797 et mort en 1855. En 1828, il fonda à Domodossola l'Institut de la Charité, composé de prêtres et de laïques, qui fut approuvé par Rome en 1839 et existe toujours. Il fonda aussi les Soeurs de la Providence et un grand collège. Plusieurs de ses oeuvres philosophiques ont été condamnées par Rome.
4. M. de Franchessin, mort en juin 1851.