Vailhé, LETTRES, vol.2, p.195

4 sep 1844 Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Originalités de Duverger. -Il lui propose de lui renvoyer une partie de ses lettres. -Elle peut lui parler sans la moindre contrainte. -Dans quel sens il faut entendre le caractère exclusif d’une oeuvre. -Il l’autorise à venir à Nîmes pour l’affaire des Constitutions.

Informations générales
  • V2-195
  • 0+354|CCCLIV
  • Vailhé, LETTRES, vol.2, p.195
Informations détaillées
  • 1 AGRICULTURE
    1 COLERE
    1 CONSENTEMENT
    1 CONSTITUTIONS DES RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 EPOUSE
    1 FETE
    1 REPOS
    1 SAINTE COMMUNION
    1 VOYAGES
    2 DUVERGER
    2 DUVERGER, MADAME
    2 FERRAND de MISSOL, AMEDEE
    2 LOUIS, SAINT
    2 PICARD, FRANCOIS
    3 NIMES
    3 PARIS
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le 4 septembre 1844.
  • 4 sep 1844
  • Nîmes,
La lettre

Je réponds, ma chère enfant, à votre lettre du 25 août et à celle que M. Ferrand(2) m’a portée de votre part. Je ne l’ai point vu, mais il doit venir aujourd’hui. Soyez rassurée sur M. Duverger: il est déjà depuis huit jours à Paris. Il paraît que c’est un grand original, et ce que vous me demandez sur son compte n’est guère facile à dire, si l’on veut arriver à quelque chose d’exact. Tout ce qu’on en dit, c’est qu’il a voulu réformer l’agriculture dans nos pays et qu’il y a mangé son argent, qu’il a voulu traiter les ouvriers à sa manière et que ceux-ci se sont complètement moqués de lui. Il a pour femme une personne très jolie, dit-on, et très insignifiante, qui l’a épousé par pur arrangement d’affaires et il la mène comme une enfant; il l’a mise à ne manger que d’un plat par repas, à quoi il ajoute force café au lait. Somme toute, il passe pour un homme original, actif, à système, parlant haut quand on lui parle bas, parlant bas quand on lui parle haut. Et puis, je n’en sais pas davantage; car ces détails, je les tiens de ses plus proches voisins qui ne peuvent guère le sentir, et qui pourtant ne le détestent pas, mais qui surtout en plaisantent.

Voulez-vous que je fasse un paquet de toutes vos lettres, sauf celles qui me regardent, et que je vous les renvoie avec les essais de Constitutions? Vous faites bien de continuer vos communions, comme nous les avions fixées. Allez toujours en avant. Je tâcherai, une autre année, de me rappeler la Saint- Louis(3).

J’arrive à votre lettre du 23. Il faut bien vous remercier du temps de repos que vous voulez bien me donner. Vous me donnez par la même occasion une bonne leçon. Dieu veuille que j’en profite! Je vous assure que vous pouvez, sans la moindre inquiétude, me manifester toutes vos répulsions pour ma manière de faire ou de penser. Rien de tout ce que vous me dites ne me fait peine sur ce point, et je suis, au contraire, très aise de vous voir me faire opposition. On vous a donc grondée à mon occasion, ma pauvre enfant. Tant mieux, puisque cela m’évite la peine de le faire! Et puis, à quoi bon vous gronder? Dans votre état, sont-ce les gronderies qui vous feront du bien?

Mais j’arrive à ce qui me concerne personnellement. Ceci vaut la peine que je vous réponde un peu attentivement, car vous avez quelquefois des idées qu’il est difficile de suivre. Ce que vous dites du caractère exclusif ne peut être jugé, dans une oeuvre, que par l’application pratique; car, très évidemment, je suis de votre avis pour tout ce que vous en dites. Je ne sais pourquoi je suis très convaincu que, pour une foule de choses, il n’y a chez nous du malentendu que dans les expressions. Il me paraît que vous avez toute raison dans ce que vous dites des rouages. Nous ne pouvons être qu’un rouage, et non pas deux. Mais vous avez raison, je n’ai pas toujours compris cela, ou plutôt le comprenant, parce que je voyais trop d’obstacles à ce que je considérais comme le but de mes désirs et de ma vocation, je me suis laissé aller au gaspillage…

On m’apporte à l’instant votre lettre. Je suis, je vous l’avoue, abasourdi que vous croyiez devoir me prendre pour conseil dans l’affaire de vos Constitutions, au point de laisser de côté ce que vous pourriez avoir près de vous. Mais, abstraction faite de vous et de moi, est-il vrai que, pour une aussi grosse affaire, une religieuse puisse faire deux cents lieues? Sans hésiter, je réponds oui.

Je serais bien aise d’avoir votre jeune homme, mais je ne voudrais vous donner une réponse positive que dans trois semaines.

Vous pouvez venir de Paris à Nîmes en quarante-huit heures, si vous partez avant que les jours aient trop baissé; vous pourrez retourner à Paris en quarante-cinq heures, et même moins.

Adieu, ma chère enfant. Puisque vous voulez une réponse prompte, je vous la donne. Adieu. Tout à vous du fond du coeur.

Notes et post-scriptum
1. D'après une copie. Voir des extraits dans *Les origines de l'Assomption*, t. II, p. 256 sq., 566, et dans Notes et Documents, t. II, p. 572.1. D'après une copie. Voir des extraits dans *Les origines de l'Assomption*, t. II, p. 256 sq., 566, et dans Notes et Documents, t. II, p. 572.
2. Ferrand de Missol, né à Saint-Gervasy, à 10 kilomètres de Nîmes, le 26 mai 1805, était alors un des médecins les plus en vue de Paris, voué à toutes les bonnes oeuvres. En 1844, il avait déjà perdu sa femme; il devait, quelques années plus tard, se rendre à Rome pour étudier la théologie et recevoir les ordres sacrés. Il suivait les cours en même temps que son jeune compatriote, le P. Picard, qu'il avait dans son enfance arraché à la mort. Ordonné prêtre le 9 janvier 1856, il revint à Paris, fut la providence des malheureux et mourut le 2 octobre 1883.
3. Jour de naissance de la Mère Marie-Eugénie de Jésus.