Vailhé, LETTRES, vol.2, p.258

24 jun 1845 [Paris, CART Mgr

Il revient de chez les Bénédictins de Bièvre. -Pertes et recettes prévues. -Pour le moment, il ne se fixera pas à Beaucaire. -Son voeu de Turin et l’entrevue que lui propose le nonce. -Une nouvelle association religieuse ne serait pas mal vue. -Sa conviction que Dieu ne le veut pas prêtre séculier. -Ils causeront longuement du reste à Nîmes.

Informations générales
  • V2-258
  • 0+386|CCCLXXXVI
  • Vailhé, LETTRES, vol.2, p.258
Informations détaillées
  • 1 ARGENT DU PERE D'ALZON
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CREANCES A PAYER
    1 DEFICITS
    1 GENESE DE LA FONDATION DES ASSOMPTIONNISTES
    1 MALADIES
    1 PROVIDENCE
    1 RECONNAISSANCE
    1 VOCATION RELIGIEUSE DU PERE D'ALZON
    1 VOEU DE TURIN
    1 VOLONTE DE DIEU
    2 BAILLY, EMMANUEL SENIOR
    2 FORNARI, RAFFAELE
    2 GOUBIER, VITAL-GUSTAVE
    2 MONTALEMBERT, CHARLES DE
    2 SALVANDY, NARCISSE DE
    3 BEAUCAIRE
    3 BIEVRES
    3 NIMES
  • A MONSEIGNEUR CART, EVEQUE DE NIMES (1).
  • CART Mgr
  • le 24 juin 1845.]
  • 24 jun 1845
  • [Paris,
La lettre

Je reçois à l’instant même votre lettre, au retour d’une course que je viens de faire à Bièvre, chez les Bénédictins(2). Laissez-moi vous dire, tout d’abord, combien la manière dont vous voulez bien me parler me touche, et combien je vous suis reconnaissant des détails dans lesquels vous voulez bien entrer.

Pour la partie matérielle de mon oeuvre, je ne dois pas vous dissimuler que je m’attends à des pertes, environ 200 000 francs. J’en ai prévenu mes parents qui ne peuvent m’en empêcher, parce que, sur leur fortune, j’ai par un testament environ 200 000 francs qui m’appartiennent, de manière que, quand je mourrais avant eux, je serais sûr du payement de mes dettes. Il me reviendra après eux, si je leur survis, de 300 à 400 000 francs en sus des 200 000 francs qui sont ma propriété d’ores et déjà.

Je ne puis être encore fixé pour Beaucaire. Dans tous les cas, je demanderai de rester trois ans à Nîmes pour avoir le temps de m’arranger ailleurs. J’ai, depuis quelques jours, écrit en ce sens à M. Goubier. M. de Salvandy est invisible: autrefois pour sa goutte, à présent pour son budget; j’espère le dépister pour la fin de la semaine.

Vous êtes surpris peut-être, Monseigneur, du calme avec lequel je vous parle des dépenses et des pertes présumées. de l’établissement qui m’occupe tant. C’est que j’ai eu peut-être tort de ne pas vous le dire déjà; mais à présent que ma pensée est bien arrêtée, je dois vous dire que j’en fais l’affaire de ma vie. Depuis longtemps, vous le savez, la pensée de quitter la vie de prêtre séculier me poursuit. Je dois vous dire toute ma pensée, aujourd’hui que je reçois une lettre de M. de Montalembert qui m’apprend que le nonce veut me voir demain, avant 3 heures, pour une affaire importante(3). Quelle que soit cette affaire dont je ne me doute pas en ce moment, je dois vous dire que, depuis assez longtemps déjà, j’ai fait voeu de rester toujours simple prêtre, à moins d’un ordre formel du Pape et après que j’aurai exposé mes raisons de refuser(4). Ceci, vous le pensez bien, je vous le dis sous le sceau du secret. Assez de mes amis me font observer que ma conduite est imprudente et que je ne dois pas contrarier les vues de la Providence. Je leur réponds ce que je répondais quand, au moment de me faire prêtre, on me disait qu’il y avait un grand bien à faire comme simple chrétien: « C’est possible, mais Dieu ne m’appelle pas à faire ce bien-là. » Une nouvelle association ne serait pas vue de mauvais oeil; j’en ai acquis la certitude par des renseignements que j’ai fait prendre. Ceux que j’ai obtenus sont parfaitement sûrs(5).

Je me permets de ne pas répondre aux autres observations que vous voulez bien me faire. Il faudrait causer très longuement pour se bien entendre à cet égard, et c’est ce que je compte faire à mon retour à Nîmes. La seule chose sur laquelle je sois arrêté, c’est la conviction profonde que Dieu ne me veut pas prêtre séculier. Comment accomplirai-je sa volonté? C’est la question qui m’absorbe, et sur laquelle j’invoquerai et vos lumières d’évêque et vos conseils d’ami.

Dès que je saurai ce que le nonce me veut, je m’empresserai de vous l’apprendre.

Je suis, avec une vive reconnaissance et une humble affection, Monseigneur,

Votre soumis et dévoué fils.

E. d’Alzon.

24 juin 1845.

E.D'ALZON
Notes et post-scriptum
1. Reproduite dans *Notes et Documents*, t. II, p. 679-681. En réponse à la lettre du 19 juin de Mgr Cart, que nous donnons en Appendice.1. Reproduite dans *Notes et Documents*, t. II, p. 679-681. En réponse à la lettre du 19 juin de Mgr Cart, que nous donnons en Appendice.
2. C'est évidemment ce jour-là que Bailly et les Bénédictins firent garantir par l'abbé d'Alzon les fameux billets qui devaient les dégager et l'impliquer lui-même dans des embarras financiers, ainsi que nous le verrons un peu plus loin.
3. Cette lettre de Montalembert n'a pas été conservée.
4. Ce voeu avait été prononcé par lui à Turin, au sanctuaire de la *Consolata*, en juin 1844.
5. Une nouvelle Congrégation qui s'occuperait d'enseignement.