Vailhé, LETTRES, vol.2, p.282

1 aug 1845 Paris, ALZON_AUGUSTINE

Il vient d’assister au mariage de Louis Veuillot. -Dispersion des Jésuites. -Personnes qu’il voit à paris. -L’abbé Gabriel et son système de philosophie. -Il a montré le Paris religieux à deux membres de l’Université d’Oxford. -Les dîners du jeudi à Stanislas. -L’abbé Gratry et Charles Lenormant.

Informations générales
  • V2-282
  • 0+394|CCCXCIV
  • Vailhé, LETTRES, vol.2, p.282
Informations détaillées
  • 1 ANGLAIS
    1 CELEBRATION DE LA MESSE PAR LE PRETRE
    1 MARIAGE
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 REPAS
    1 UNIVERSITES D'ETAT
    2 ACTON, CHARLES-JANVIER
    2 ALLIES, MISS
    2 ALLIES, THOMAS
    2 BONNETTY, AUGUSTIN
    2 COMBALOT, THEODORE
    2 DU LAC, JEAN-MELCHIOR
    2 DUBOIS, PAUL-FRANCOIS
    2 GABRIEL, JEAN-LOUIS
    2 GOURAUD, HENRI
    2 GRATRY, ALPHONSE
    2 GUIZOT, FRANCOIS
    2 IGNACE DE LOYOLA, SAINT
    2 LAMBRUSCHINI, LUIGI
    2 LE BARDY
    2 LENORMANT, CHARLES
    2 MARRIOTT, CHARLES
    2 MILLERET, MARIE-EUGENIE
    2 NEWMAN, JOHN-HENRY
    2 PIE IX
    2 RAVIGNAN, GUSTAVE DE
    2 SIBOUR, MARIE-DOMINIQUE
    2 SUAREZ, FRANCISCO
    2 THUREAU-DANGIN, PAUL
    2 VEUILLOT, EUGENE
    2 VEUILLOT, LOUIS
    2 VEUILLOT, MADAME LOUIS
    2 WILSON, CHARLES
    3 PARIS
    3 PARIS, COLLEGE STANISLAS
    3 PARIS, LA SORBONNE
    3 PARIS, RUE DES POSTES
    3 ROME
    3 VERSAILLES
  • A SA SOEUR AUGUSTINE(1)
  • ALZON_AUGUSTINE
  • le 1er août 1845.
  • 1 aug 1845
  • Paris,
La lettre

Je commence par ta dernière question, chère amie. Tu me demandes qui je vois à Paris. Maintenant, pas grand monde. Je passe une longue partie du jour dans ma chambre; quelquefois, cependant, j’en sors pour quelques épisodes assez intéressants. Hier, par exemple, je partis à 10 heures du matin pour Versailles; à midi, j’étais de retour. Qu’étais-je allé faire? Assister à un mariage, celui de M. Veuillot, rédacteur en chef de l’Univers. J’y allai en compagnie de du Lac et de M. Wilson, et, comme j’étais pressé de m’en retourner, je revins avec le P. de Ravignan. C’était le jour de saint Ignace. M. Veuillot avait tenu à se marier ce jour-là; le P. de Ravignan avait fait la cérémonie et voulait être de retour assez à temps, me dit-il, pour célébrer une dernière fois la fête de leur fondateur dans leur maison de Paris, avant sa dispersion(2).

Il paraît qu’ils tiennent fort cachés leurs projets ultérieurs; cependant le P. de Ravignan et quelques autres ne logent plus rue des Postes. Il paraît qu’à Rome c’est le cardinal Acton, un Anglais, qui a poussé à la retraite, et le cardinal Lambruschini qui a mené la combinaison que l’on sait.

Mais je reviens à ta question. Je vois assez M. Gouraud, qui m’a pris en grande affection; je vois du Lac; je vais dire assez souvent la messe chez les Dames de l’Assomption; j’y vois l’abbé Gabriel qui est gros d’un système de philosophie, comme on n’en aura jamais vu quand il en sera accouché. Il paraît toutefois que l’enfantement sera laborieux, moins par la faute du système, que par l’absurdité des intelligences obtuses de la pauvre espèce humaine(3). Il faut dire que M. Gabriel est devenu extrêmement saint et qu’il fait de la mysticité philosophique. Je cause beaucoup avec la supérieure des Assomptiades, qui est réellement pleine d’esprit, mais qui, tout en ayant grande envie de te connaître, a la plus grande peur de toi, à cause de ce qu’elle connaît de tes lettres à M. Combalot.

Puis j’ai vu beaucoup pendant quelque temps deux membres de l’Université d’Oxford, qui m’ont beaucoup intéressé; ils se sont séparés du catholicisme que par une toile d’araignée. Je t’assure qu’ils seront catholiques au premier jour. Ils m’ont donné les détails les plus curieux sur leur Université, et moi je les ai conduits dans plusieurs établissements chrétiens, en sorte que nous nous sommes quittés les meilleurs amis du monde, à preuve que l’un des deux a failli me démancher un bras à force de me secouer la main(4).

Je vois encore M. Gratry, le directeur du collège Stanislas, qui m’aime comme ses petits yeux et qui pleure en me disant des douceurs. Ne répète pas ceci; je passerais pour un ingrat et, en fait, je l’aime aussi beaucoup. Tous les jeudis, il y a à Stanislas un petit dîner, composé de M. Gratry, M. Gouraud, un M. Le Bardy et M. Lenormant; j’y ai souvent assisté. Ce M. Lenormant est un des hommes les plus remarquables de France; il fait à la Sorbonne le cours d’histoire à la place de M. Guizot, et les autres professeurs se sont opposés à ce qu’il fût nommé en titre, parce que, disait-on, il est trop catholique. Il l’est, en effet, et très pratiquant. Il nous raconte des histoires très curieuses sur les misérables intrigues de certaines gens qu’il connaît fort bien.

Puis, je vois quelquefois des gens en passant. Ainsi, ce matin, je suis allé voir M. Dubois, un membre… (5).

Notes et post-scriptum
1. Reproduite presque entièrement dans les *Notes et Documents*, t. III, p. 10-12.
2. Voir dans Eugène Veuillot *Louis Veuillot* t. Ier, p. 528.550, le récit du mariage du grand écrivain avec Mathilde Murcier.
4. L'un des deux était J. W. Allies, dont on trouvera en Appendice une lettre, du 10 octobre 1845, racontant la conversion de Newman, son ami, et surtout les extraits de son Journal qui parlent de l'abbé d'Alzon. Devenu ministre protestant après une crise d'incrédulité, il s'était fait, dès 1838, partisan ardent des idées de Newman. Pendant l'été de 1843, il accomplit un premier voyage en France, où il eut la révélation du vrai catholicisme ; il y retourna, en 1845, avec son ami C. Marriott, vit à Paris l'abbé d'Alzon et les personnes les plus remarquables de l'Eglise de France, ce qui ne fit qu'aviver son sentiment sur les faiblesses de l'anglicanisme. Toutefois, il publia, l'année d'après, un ouvrage en faveur de son Eglise: *The Church of England cleared from the charge of schism, upon testimonies of Councils and Fathers of the first six centuries*. La conversion de Newman, octobre 1845, ne l'avait pas ébranlé définitivement; il lui avait demandé trois années pleines pour approfondir la controverse romaine et continua à correspondre avec lui. Les années suivantes, Allies continua à visiter le continent, notamment en 1847, 1848 et 1849, ou il se rendit à Rome et eut une audience de Pie IX. Il publia alors le journal de ses impressions, *Journal in France and Letters from Italy, 1845-1849*, que sa fille a réédité, en 1913, à Londres, avec une préface du cardinal de Cabrières. Il était toujours recteur de Launton, près d'Oxford. Cette publication le mit en conflit avec son évêque; aussi publia-t-il, en 1850, une brochure assez agressive contre son Eglise, dans laquelle il reproduisait les attaques de Suarez contre les anglicans, *De erroribus sectae anglicanae*. Le 11 septembre 1850, il abjurait le protestantisme entre les mains de Newman; trois ans après, il écrivit l'ouvrage *A Life's decision*, qui ne parut qu'en 1880. Sur lui, voir Thureau-Dangin, *La renaissance catholique en Angleterre au XIXe siècle*, t. II, p. 32-34, 134-136, 157-159, etc. La fille d'Allies a réédité plusieurs des travaux de son père.1. Reproduite presque entièrement dans les *Notes et Documents*, t. III, p. 10-12.
2. Voir dans Eugène Veuillot *Louis Veuillot* t. Ier, p. 528.550, le récit du mariage du grand écrivain avec Mathilde Murcier.
3. Il parut un peu plus tard, fut assez critiqué, et, pour ne pas subir les foudres de Rome, reparut, revisé et corrigé, en 1855, sous ce titre: *Principes généraux d'une théodicée pratique*. Entre temps, l'abbé Gabriel, appuyé par l'archevêque Sibour, avait obtenu la condamnation des idées philosophiques de Bonnetty, dont la Revue s'était particulièrement distinguée dans la critique de son ouvrage.
4. L'un des deux était J. W. Allies, dont on trouvera en Appendice une lettre, du 10 octobre 1845, racontant la conversion de Newman, son ami, et surtout les extraits de son Journal qui parlent de l'abbé d'Alzon. Devenu ministre protestant après une crise d'incrédulité, il s'était fait, dès 1838, partisan ardent des idées de Newman. Pendant l'été de 1843, il accomplit un premier voyage en France, où il eut la révélation du vrai catholicisme ; il y retourna, en 1845, avec son ami C. Marriott, vit à Paris l'abbé d'Alzon et les personnes les plus remarquables de l'Eglise de France, ce qui ne fit qu'aviver son sentiment sur les faiblesses de l'anglicanisme. Toutefois, il publia, l'année d'après, un ouvrage en faveur de son Eglise: *The Church of England cleared from the charge of schism, upon testimonies of Councils and Fathers of the first six centuries*. La conversion de Newman, octobre 1845, ne l'avait pas ébranlé définitivement; il lui avait demandé trois années pleines pour approfondir la controverse romaine et continua à correspondre avec lui. Les années suivantes, Allies continua à visiter le continent, notamment en 1847, 1848 et 1849, ou il se rendit à Rome et eut une audience de Pie IX. Il publia alors le journal de ses impressions, *Journal in France and Letters from Italy, 1845-1849*, que sa fille a réédité, en 1913, à Londres, avec une préface du cardinal de Cabrières. Il était toujours recteur de Launton, près d'Oxford. Cette publication le mit en conflit avec son évêque; aussi publia-t-il, en 1850, une brochure assez agressive contre son Eglise, dans laquelle il reproduisait les attaques de Suarez contre les anglicans, *De erroribus sectae anglicanae*. Le 11 septembre 1850, il abjurait le protestantisme entre les mains de Newman; trois ans après, il écrivit l'ouvrage *A Life's decision*, qui ne parut qu'en 1880. Sur lui, voir Thureau- Dangin, *La renaissance catholique en Angleterre au XIXe siècle*, t. II, p. 32-34, 134-136, 157-159, etc. La fille d'Allies a réédité plusieurs des travaux de son père.
5. La fin manque.