Vailhé, LETTRES, vol.2, p.287

21 aug 1845 Paris, GERMER_DURAND_EUGENE|MONNIER Jules

Ce soir même, il aura l’audience de Salvandy. – Remerciements pour leurs lettres. -Voilà dix ans que le clergé de Nîmes prophétisait qu’il ne tiendrait pas à son genre de vie; il y a tenu et y tiendra encore. -Il arrivera avec un Allemand et un Anglais. -Lectures recommandées. -Il a entendu prêcher le P. Lacordaire et a eu une conversation avec lui. -Nouvelles diverses. -Résultat de l’audience.

Informations générales
  • V2-287
  • 0+397|CCCXCVII
  • Vailhé, LETTRES, vol.2, p.287
Informations détaillées
  • 1 ALLEMANDS
    1 ANGLAIS
    1 APOSTOLAT
    1 BONHEUR
    1 CLERGE NIMOIS
    1 ETUDE DES MYSTERES DE JESUS CHRIST
    1 FATIGUE
    1 FETE DE L'ASSOMPTION
    1 LIVRES
    1 MATIERES SCOLAIRES
    1 MINISTERE
    1 MIRACLE
    1 OPINION PUBLIQUE
    1 PLEIN EXERCICE
    1 PRESSE
    1 TRANSFORMATION SOCIALE
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    2 BEILING, ADOLPHE
    2 BEILING, MARIE-LOUISE
    2 BOSSUET
    2 EYSSETTE, PHILIPPE
    2 GERMER-DURAND, EUGENE
    2 GOUBIER, VITAL-GUSTAVE
    2 HENNINGSEN, EMILE DE
    2 HENNINGSEN, MARIE-GERTRUDE DE
    2 LACORDAIRE, HENRI
    2 MONNIER, JULES
    2 OLIER, JEAN-JACQUES
    2 SALVANDY, NARCISSE DE
    2 TESSAN, JEAN-CHARLES DE
    3 NIMES
    3 PARIS
    3 PARIS, EGLISE NOTRE-DAME DES VICTOIRES
    3 VERSAILLES
  • A MESSIEURS DURAND ET MONNIER(1).
  • GERMER_DURAND_EUGENE|MONNIER Jules
  • le 21 août [1845].
  • 21 aug 1845
  • Paris,
La lettre

Mon cher ami Durand et mon cher ami Monnier,

Je rentre. Il est 10 heures du matin. A 1 heure, je serai au ministère de l’Instruction publique. Salvandy consent enfin à me recevoir. Je ne fermerai pas ma lettre sans y mettre un post-scriptum, où vous verrez ce qui se sera passé entre lui et moi au sujet de notre affaire. Après avoir bien examiné, bien consulté, je suis résolu à lui parler ferme et à lui faire peur, tout en mettant le calme le plus grand dans le ton et la mesure la plus parfaite dans l’expression.

Je vous remercie de m’avoir écrit. Vous ne saurez jamais tout le bonheur que j’éprouve à vous lire. Voyez: j’ai là sur mon bureau d’autres lettres et l’Univers cacheté; je laisse lettres et journal pour vous répondre. Pourquoi, me direz-vous alors, ne pas vous provoquer? Pourquoi faut-il que j’aie tous les jours à répondre à une foule de lettres? A la fin, la main se fatigue et refuse le service que lui demande le coeur.

Laissez faire et dire les gens de Nîmes. Il est très bon que je sois jugé par eux comme je le suis. Si je justifie leur opinion, ils n’en seront pas surpris, et si je ne la justifie pas, ils seront, je l’espère, disposés à me réhabiliter. Du reste, vous me soutiendrez de vos conseils et de vos avis. Je crois vous avoir toujours encouragés à m’en donner par la manière dont je les ai reçus.

Le séjour que je fais à Paris est utile à bien des choses, me sépare de bien des habitudes qui tomberont d’elles-mêmes. Laissez parler le monde ecclésiastique. Lorsque je suis arrivé à Nîmes, il y a bientôt dix ans, il prophétisait que je ne tiendrais pas à la vie que je menais. Il y a dix ans que j’y tiens, en ajoutant chaque année quelque chose. Si Dieu le veut, je tiendrai bien encore au genre de vie pour lequel je me sens le plus fait. Depuis que je suis dans la résolution de me séparer de mon ancienne vie, je m’exerce assez bien ici et je ne vois pas que je n’y tienne pas. Dussé-je faire rire le bon père de Tessan, je suis plus homme d’habitude qu’on ne pense.

J’arriverai très positivement avec un jeune Allemand, et presque certainement avec un jeune Anglais, tous deux très distingués(2). Le professeur de mathématiques, que j’ai presque retenu, a eu le premier prix de mathématiques élémentaires au concours; mais il est si original que je ne sais si j’insisterai pour l’avoir. Du reste, on m’en cherche d’autres. J’en ai trouvé et je suis à examiner celui que je dois préférer.

Me permettrez-vous de vous donner un petit conseil de piété? La poste, qui vous portera cette lettre, fera parvenir à l’abbé Goubier une Vie de M. Olier que je lui envoie. Si le bon curé n’a pas le temps de la lire sur-le-champ, priez-le de vous la prêter et faites-en des lectures avec Monnier. Je tiens à ce que vous cherchiez à prendre quelque chose de l’esprit qui s’y manifeste. On y voit des choses qui ne sont pas pour notre oeuvre d’une application pratique; mais ce n’est pas ce dont il s’agit. Je désire que vous étudiiez surtout les impressions qu’il dépeint lui-même et qu’il recevait par rapport à Jésus-Christ, parce que c’est là un des points fondamentaux de la direction que je veux donner à notre oeuvre.

Lisez aussi, étudiez beaucoup les Lettres spirituelles de Bossuet; elles ne peuvent qu’élargir l’esprit et dilater le coeur. Je fais ici de tristes observations sur la dévotion des jeunes gens. Il n’y a chez eux presque rien de grand dans l’ordre du développement social; d’où il résulte que, quand ils paraîtront dans les rangs de la génération qui commandera, ils pourront être d’excellents individus, mais ils auront peu d’influence. Je me réserve de vous développer toutes ces pensées dans nos conversations.

Je voudrais vous donner des nouvelles, mais je n’en ai pas. Paris est endormi, ou plutôt il est à la campagne. J’ai entendu le P. Lacordaire, le jour de l’Assomption, à Notre-Dame des Victoires. J’ai eu le surlendemain une immense conversation avec lui: c’est un homme délicieux, mais incroyable sous certains rapports. Il a des idées très belles, mais peut-être pas assez d’ensemble dans les rapprochements de pensées. Du reste, il a été charmant pour moi.

On parle beaucoup d’un miracle qui a eu lieu au Petit Séminaire de Versailles, il y a six semaines. Un jeune homme, devenu aveugle et très malade, a recouvré instantanément la vue et la santé au moment de la Communion.

Que devient l’excellent Eyssette, et la Conférence de Saint-Vincent de Paul? Faites tous mes compliments à son président. Je vous dirai bien bas qu’ici cette Conférence est menacée de subir une rude épreuve. Le président général, légitimiste et Jésuite jusqu’au cou, lui fait subir un espionnage qui ne peut manquer de lui faire le plus grand tort.

Je réserve la quatrième page pour les nouvelles du ministère. Adieu, chers amis. Priez pour moi. Vous dire que je vous aime beaucoup est chose si connue que je n’ose le répéter encore une fois. Tout à vous du fond du coeur.

E. d’Alzon.

Je sors de chez Salvandy. Courrez chez M. Goubier, à qui je donne les détails. Nous sommes moitié battus, moitié victorieux. Du juste milieu pur(3).

E.D'ALZON
Notes et post-scriptum
1. Voir des extraits dans *Notes et Documents*, t. III, p. 20 sq., 30 sq.
3. Nous n'avons plus la lettre adressée à Goubier, mais voici ce que nous lisons dans la brochure *Institution de l'Assomption fondée à Nîmes par M. d'Alzon...*,; Nîmes, août 1845, p. 30: "M. l'abbé d'Alzon, absent depuis cinq mois pour solliciter le plein exercice en faveur de l'établissement de l'Assomption, vient d'écrire pour faire part du résultat de ses démarches; ce résultat à été aussi heureux qu'il pouvait l'être dans les circonstances présentées. M. l'abbé d'Alzon a obtenu de M. le ministre de l'Instruction publique l'*autorisation de faire les classes dans l'intérieur de la maison* jusqu'aux humanités. Il a reçu, de plus, l'assurance qu'avant six mois la question de la liberté d'enseignement serait définitivement résolue."2. L'Allemand était Beiling, de Munich, frère de la Soeur Marie-Louise, religieuse de l'Assomption; l'Anglais de Henningsen, frère de la Soeur M.-Gertrude, autre religieuse de l'Assomption, qui dirigea la fondation malheureuse du Cap.
3. Nous n'avons plus la lettre adressée à Goubier, mais voici ce que nous lisons dans la brochure *Institution de l'Assomption fondée à Nîmes par M. d'Alzon...*,; Nîmes, août 1845, p. 30: "M. l'abbé d'Alzon, absent depuis cinq mois pour solliciter le plein exercice en faveur de l'établissement de l'Assomption, vient d'écrire pour faire part du résultat de ses démarches; ce résultat à été aussi heureux qu'il pouvait l'être dans les circonstances présentées. M. l'abbé d'Alzon a obtenu de M. le ministre de l'Instruction publique l'*autorisation de faire les classes dans l'intérieur de la maison* jusqu'aux humanités. Il a reçu, de plus, l'assurance qu'avant six mois la question de la liberté d'enseignement serait définitivement résolue."