Vailhé, LETTRES, vol.2, p.302

21 sep 1845 Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Au sujet du professeur allemand. -Il est moins en déficit qu’il ne pensait. -Il ignore s’il restera là ou s’il se transportera ailleurs. -Nouvelles du docteur Allies. -Il entre dans ses idées de propagande catholique. -De la Soeur Macrine. -Souvenir à la Soeur Marie-Augustine. -A Nîmes, on le traite de fou. -Cardenne est arrivé.

Informations générales
  • V2-302
  • 0+404|CDIV
  • Vailhé, LETTRES, vol.2, p.302
Informations détaillées
  • 1 AMOUR-PROPRE
    1 ANGLAIS
    1 APOSTOLAT
    1 COLERE
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CONSTITUTIONS DES RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 CORPS ENSEIGNANT
    1 DIPLOMATIE
    1 DONS EN ARGENT
    1 EMBARRAS FINANCIERS
    1 IRLANDAIS
    1 LIVRES
    1 POLONAIS
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 TRISTESSE PSYCHOLOGIQUE
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    2 ALLIES, THOMAS
    2 BEILING, ADOLPHE
    2 BEVIER, MARIE-AUGUSTINE
    2 CARDENNE, VICTOR
    2 CART, JEAN-FRANCOIS
    2 FABRE, JOSEPHINE
    2 MACRINE, MERE
    2 MONNIER, JULES
    2 OLIER, JEAN-JACQUES
    2 PUSEY, EDWARD BOUVERIE
    2 WAILLE, VICTOR-AMEDEE
    3 FRANCE
    3 LAUNTON
    3 MIDI
    3 NIMES
    3 PARIS
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le 21 septembre 1845.
  • 21 sep 1845
  • Nîmes,
La lettre

Votre lettre de ce matin me cause une grande joie. Enfin, je puis compter sur M. Beiling. S’il est encore à Paris quand cette lettre vous parviendra veuillez lui dire le désir que j’ai de le voir au plus tôt. Il me tarde, on ne peut plus, de le voir ici. Annoncez-lui toujours qu’il trouvera des personnes disposées à l’aimer et faites-lui aussi envisager l’ordre surnaturel dans lequel il doit se placer; mais ne lui épargnez pas la pensée qu’il aura peut- être à souffrir quelque chose de la différence des caractères, des moeurs, du climat, etc. Puis, ne manquez pas de me faire part de vos observations sur son compte. Vous comprenez que j’en aurai besoin comme règle de conduite, surtout dans les premiers jours où je dois tenir qu’il prenne de moi les impressions les plus avantageuses, afin de pouvoir le conduire plus facilement à bien.

Que puis-je vous dire de l’état de maison? Je croyais être en déficit de près de 80 000 francs; on m’a prouvé que je n’étais en dessous que de 50 000. C’est quelque chose. Il paraît aussi que le nombre plus grand des élèves nous amènera un déficit moins considérable. Il est certain que je ne dois être, cette année-ci, en dessous que de 10 000 francs tout au plus, et si, d’ici à la rentrée, nous avons d’autres élèves que ceux inscrits déjà, ce sera par élève 450 francs de bénéfice, toujours pour combler le déficit des 10 000 francs. J’arrive dans la maison et j’apporte au moins 4 000 francs de ma pension. Dès lors, le déficit ne s’élèvera qu’à 6 000 francs. J’espère bien que, l’année prochaine, nous n’aurons plus de perte et que, dans deux ans, nous commencerons à réaliser des bénéfices(2).

Une question se présente, celle de savoir si nous resterons là où nous sommes, ou bien si nous nous transporterons ailleurs. Je crois que nous nous déterminerons à rester. Du reste, nous sommes en position, en restant, de pouvoir revendre dans deux ans avec bénéfice, supposé qu’alors nous dussions nous transférer ailleurs. Mais cette question se présentera plus tard.

J’ai reçu, en même temps que votre lettre, une épître du curé anglais, à qui Mlle Joséphine avait dû faire parvenir mes cadeaux. Il veut me faire parvenir quelque chose par l’ambassade de France, si cela est possible. Vous qui avez des communications avec l’univers entier, soyez donc assez bonne pour lui indiquer ce qui vous paraît le chemin le plus court pour me faire parvenir son paquet. Il me dit que vos Constitutions l’ont beaucoup frappé et qu’il les a communiquées au Dr Pusey; il ajoute qu’il cherche la vérité par la prière, la méditation, la confession et la communion fréquente. Si vous étiez assez bonne pour ajouter à vos nombreuses correspondances quelques mots au Dr Thomas Allies, curé à Launton, Bicester Oxon, [et] pour lui dire comment il peut me faire parvenir son paquet, seriez-vous assez bonne, si par l’ambassade cela se peut pour lui faire parvenir la paquet de M. Olier? Je suis convaincu qu’elle lui ferait du bien(3). Waille s’en chargerait pour moi ou, du moins, la mettrait sur mon compte.

Vous voyez que je me permets de disposer de vous. Vous savez combien j’entre facilement dans toutes les idées du développement de propagande catholique et combien, dès lors, j’accepte avec joie tout ce qui a quelque rapport à de semblables projets. Vous n’avez donc pas besoin de me presser beaucoup, pour me faire adopter avec joie les sujets que vous me présenterez, Irlandais ou Anglais. Chère enfant, ne pensez-vous pas qu’il faut, avant de les accepter, en connaître? Tâchez donc de faire ce que vous pourrez pour m’en procurer, et puis nous verrons. Ce que vous me dites de cette bonne religieuse polonaise me touche vivement. Je regrette beaucoup qu’une fausse discrétion m’ait empêché de chercher à la voir, quoique j’en eusse bien envie(4). Veuillez me rappeler au souvenir de nos Soeurs et dire à ma Soeur Augustine que je lui fais réparation d’honneur, et que si je persiste à ne pas lui croire beaucoup de sens commun, au moins absolument, je lui en trouve d’une manière très satisfaisante pour son amour-propre, par comparaison avec ce que je vois, depuis que je suis à Nîmes. Je voudrais bien qu’elle eût quelque envie de venir dans le Midi, et si cela peut l’y encourager, elle peut être assurée qu’au moins parmi nos cerveaux brûlés elle aurait l’air d’avoir un peu de raison et même du sang-froid. J’ai eu de grands mouvements de tristesse et je voudrais bien avoir, de temps en temps, le spectacle de ses charmantes colères et de ses facétieux dépits pour me divertir. Veuillez ajouter que je vous donne permission de penser et d’exprimer sur son compte tout ce que vous jugerez à propos.

Sérieusement, chère Soeur, je suis par moments un peu triste. Je vois autour de moi tant de désapprobations! Je suis fou aux yeux de tant de gens! On trouve tellement que je suis peu fait pour me livrer à une entreprise pareille que je ne sais vraiment, par moments, ce que je dois faire, ou plutôt je le sais fort bien. Car si l’angoisse est forte, je sens, grâces au ciel, que le courage aussi est grand. Non, je ne me décourage pas. Seulement, j’ai besoin que l’on prie pour moi, et si, ma bonne fille, vous m’avez remercié du secours que j’ai pu vous donner, c’est à vous à prier avec assez de ferveur, pour que je ne repousse pas le calice que l’on me présente.

Je suspends ma lettre pour attendre une conversation, que je dois enfin avoir avec Monseigneur et dont je veux vous rendre compte lundi(5).

Chère enfant, M. Cardenne arrive(6). Il faut que je lui tienne un peu compagnie. Ma conversation avec Monseigneur a eu un plein succès. A demain les détails.

Tout à vous en Notre-Seigneur.

Notes et post-scriptum
1. D'après une copie. Voir des extraits dans *Les origines de l'Assomption*, t. II, p. 358, et dans *Notes et Documents*, t. III, p. 59 sq.
5. Voir le compte rendu détaillé de cette conversation dans la lettre CDX, du 30 septembre 1845.
6. François-Victor Cardenne, né à Fontainebleau le 8 août 1821. Après un séjour au petit Séminaire et des études de droit passablement agitées, il revint à Dieu, dont les passions de la jeunesse l'avaient éloigné quelque temps. Ayant eu l'occasion de connaître l'oeuvre qu'avait entreprise l'abbé d'Alzon, il vint à Nîmes s'y associer. Membre d'abord de la pieuse association, que les documents du temps appellent parfois le Tiers-Ordre de l'Assomption, il s'engageait, en mai 1846, comme novice de la Congrégation naissante. Le 25 décembre 1850, il fut du petit groupe qui, à la suite du fondateur, se lia par les premiers voeux de religion. Envoyé à paris aider à une fondation, il ne tarda pas à succomber dans sa famille au mal de poitrine qui le minait depuis longtemps, le 14 décembre 1851. Sur lui, voir une notice dans la revue l'*Assomption*, Paris, mars 1924, p. 36-40. Son ami, Jules Monnier, lui a consacré une biographie attachante, quoique assez maigre en souvenirs historiques: *Un maître chrétien*. Notice sur F.V. Cardenne. Paris et Nîmes, 1855, in-12 de 298 pages.1. D'après une copie. Voir des extraits dans *Les origines de l'Assomption*, t. II, p. 358, et dans *Notes et Documents*, t. III, p. 59 sq.
2. Les comptes de l'abbé d'Alzon ne sont pas à prendre trop au sérieux, lorsqu'il se met à spéculer sur l'avenir.
3. Voir en Appendice cette lettre du docteur Allies, en date du 9 septembre.
4. Il s'agit de la Soeur Macrine, qui avait tant souffert des Russes.
5. Voir le compte rendu détaillé de cette conversation dans la lettre CDX, du 30 septembre 1845.
6. François-Victor Cardenne, né à Fontainebleau le 8 août 1821. Après un séjour au petit Séminaire et des études de droit passablement agitées, il revint à Dieu, dont les passions de la jeunesse l'avaient éloigné quelque temps. Ayant eu l'occasion de connaître l'oeuvre qu'avait entreprise l'abbé d'Alzon, il vint à Nîmes s'y associer. Membre d'abord de la pieuse association, que les documents du temps appellent parfois le Tiers-Ordre de l'Assomption, il s'engageait, en mai 1846, comme novice de la Congrégation naissante. Le 25 décembre 1850, il fut du petit groupe qui, à la suite du fondateur, se lia par les premiers voeux de religion. Envoyé à paris aider à une fondation, il ne tarda pas à succomber dans sa famille au mal de poitrine qui le minait depuis longtemps, le 14 décembre 1851. Sur lui, voir une notice dans la revue l'*Assomption*, Paris, mars 1924, p. 36-40. Son ami, Jules Monnier, lui a consacré une biographie attachante, quoique assez maigre en souvenirs historiques: *Un maître chrétien*. Notice sur F.V. Cardenne. Paris et Nîmes, 1855, in-12 de 298 pages.