Vailhé, LETTRES, vol.2, p.306

22 sep 1845 [Nîmes], MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Retard de sa réponse. -Au sujet de divers maîtres. -Un billet souscrit pour les Bénédictins a été protesté, il envoie de l’argent en conséquence. -Manière de traiter cette affaire avec les Bénédictins. -Nous sommes faits pour gagner notre pain à la sueur de notre front.

Informations générales
  • V2-306
  • 0+405|CDV
  • Vailhé, LETTRES, vol.2, p.306
Informations détaillées
  • 1 BANQUES
    1 CAPITAUX EMPRUNTES
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CORPS ENSEIGNANT
    1 EMBARRAS FINANCIERS
    2 BAILLY, EMMANUEL SENIOR
    2 BEILING, ADOLPHE
    2 BOURIOT
    2 GOMICHON
    2 GRATRY, ALPHONSE
    2 HENNINGSEN, EMILE DE
    2 KAJZIEWICZ, JEROME
    2 PASCAL
    2 PERROULAZ, ABBE
    2 PITRA, JEAN-BAPTISTE
    3 PARIS, COLLEGE STANISLAS
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • lundi, [le 22 septembre 1845].
  • 22 sep 1845
  • [Nîmes],
La lettre

Vous n’avez pas reçu de lettre de moi, chère enfant, vendredi dernier parce que je m’y pris trop tard pour faire porter ma lettre à la poste. On m’avait dit que j’y étais à temps jusqu’à 2 heures, et le renseignement était faux.

Expédiez-moi au plus tôt tout le monde que vous pourrez: M. Pascal, M. Beiling, que ses grades soient échangés ou non -nous ferons cela dans le courant de l’année,- M. Emile(2) et, si vous pouvez, M. Perroulaz. M. Bailly m’avait promis de s’occuper d’un M. Bouriot pour les mathématiques. Tâchez, je vous en prie, de me le talonner. Si M. Bailly ne peut décider M. Bouriot à venir, je vous autorise à traiter avec le prodige que protège M. Gomichon. J’ai peur que si vous envoyez M. Beiling au collège Stanislas, M. Gratry n’ait envie de s’en emparer. Il faut se tenir un peu sur ses gardes. Si M. Kaiczewicz, à qui je vous prie de dire mille choses aimables de ma part, veut me répondre de son jeune protégé, je le prendrai sans difficulté; mais il faut me permettre de commencer par caser les gens qui me sont nécessaires.

Les Bénédictins me jouent un joli tour. Un billet que j’avais souscrit pour eux vient d’être protesté. Ils me disent cependant qu’on a donné du répit, mais c’est fort désagréable(3). Après avoir causé avec quelqu’un qui connaît ces sortes d’affaires, voici le parti que je vais prendre. Pour n’avoir pas l’air de vous faire parvenir de l’argent, je m’en vais adresser à M. Gratry la somme de 9 000 francs avec prière de vous la remettre immédiatement. Je compte assez sur votre bonté pour faire prier M. Bailly de passer au plus tôt chez vous, afin qu’il vous dise si l’on a payé. Vous verrez, d’après ce qu’il vous dira, s’il convient de lui remettre l’argent ou non, afin qu’il aille payer sur-le-champ. Gardez-vous bien, dans tous les cas, de lui dire que l’argent qui vous arrive vient de moi, de peur qu’il ne s’endorme là-dessus. Comme pour avoir cet argent, je ferai un billet à mon banquier, à trois mois de date, si pendant ces trois mois, cet argent peut vous être utile, supposé qu’il ne soit pas nécessaire à M. Bailly pour mon billet, vous pouvez le garder pendant ce temps; sinon, vous me le renverriez. Mais comme il y aurait des frais de retour, je ne vois pas pourquoi vous ne le garderiez pas.

Mardi (= 23 septembre).

Je reprends ma lettre commencée hier, et il me paraît que, toute réflexion faite, ce que j’ai de mieux à faire, c’est de vous adresser le billet ci-joint. Seulement, je vous le répète, ne vous pressez pas trop de dire que vous avez de l’argent à votre disposition, afin de voir s’ils auront le courage d’attendre que j’en envoie, et je vous assure que je les en crois capables. Il faudrait aussi exiger de leur part une reconnaissance, dans le cas où je me chargerais de payer pour eux.

Il faut que je compte singulièrement sur votre complaisance, ma chère enfant, pour joindre ces ennuis à tous les vôtres, mais c’est que réellement je compte sur vous. Vous comprenez que je suis un peu préoccupé. Cependant, à quelque chose malheur sera peut-être bon, car je vais sur-le-champ m’occuper d’une manière active de me procurer des capitaux. Peut-être que cet avertissement m’aidera pour me tenir un peu plus sur mes gardes.

Adieu, ma bien chère enfant. Tâchons, au milieu de tous ces ennuis, de nous souvenir que nous sommes faits pour gagner notre pain à la sueur de notre front et que nous devons, dès lors, accepter les soucis qui découlent pour nous d’une pareille obligation, même au milieu de tous nos plus beaux projets de vie incorporelle.

Tout à vous, chère enfant, en Notre-Seigneur et du fond de l’âme.

Notes et post-scriptum
1. D'après une copie.
2. Emile de Henningsen.
3. Par sa lettre du 19 septembre, Dom Pitra, supérieur des Bénédictins de Paris, informa l'abbé d'Alzon de cette mauvaise nouvelle. D'après lui, Bailly s'était engagé, en décembre 1843, à payer 4 000 francs qui venaient à échéance en juin 1845. Les Bénédictins avaient les pièces écrites en mains. N'étant pas alors en mesure de les satisfaire, il obtint la signature de d'Alzon, comme garantie évidemment, et on négocia le billet. "Il fut bien entendu, ajouté Pitra, que c'était pour l'obliger. Les banquiers refusent à présent toutes les valeurs Bailly qui sont renvoyées non payées." Il en était de même des billets des Bénédictins, ainsi que nous l'apprennent les lettres de du Lac, alors novice chez eux, et une lettre de Bailly, du 8 octobre 1845. De tous les documents conservés il ressort que la responsabilité de l'abbé d'Alzon n'était nullement engagée en cette affaire, et que, depuis qu'on lui avait demandé sa signature, personne ne lui en avait plus parlé, jusqu'au moment où les billets revinrent protestés. Le vrai responsable était l'économe des Bénédictins.