Vailhé, LETTRES, vol.2, p.328

15 oct 1845 Lavagnac, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Son premier acte de dépossession. -Il n’a pas vu l’abbé Combalot qui venait de partir. -Combalot et Jean de Puységur. -Il vient de prier pour les deux Thérèse de l’Assomption. -Le changement de demeure doit amener un renouvellement de vie. -Postulantes en vue. -Son père lui promet de l’argent. -Comment va la Soeur Marie-Gonzague?

Informations générales
  • V2-328
  • 0+414|CDXIV
  • Vailhé, LETTRES, vol.2, p.328
Informations détaillées
  • 1 ARGENT DU PERE D'ALZON
    1 CELEBRATION DE LA MESSE PAR LE PRETRE
    1 DETACHEMENT
    1 EMBARRAS FINANCIERS
    1 MALADES
    1 MISERICORDE DE DIEU
    1 POSTULANT
    1 PREDICATION
    1 RENOUVELLEMENT
    1 SANTE
    1 THOMAS D'AQUIN
    1 VENTES DE TERRAINS
    1 VOLONTE DE DIEU
    2 ALZON, AUGUSTINE D'
    2 ALZON, HENRI D'
    2 BEILING, ADOLPHE
    2 BEVIER, MARIE-AUGUSTINE
    2 COMBALOT, THEODORE
    2 COMMARQUE, MARIE-THERESE DE
    2 O'NEILL, THERESE-EMMANUEL
    2 PUYSEGUR, JEAN DE
    2 SAINT-JULIEN, MARIE-GONZAGUE
    2 THERESE, SAINTE
    3 FRANCE
    3 LAVAGNAC
    3 TARBES
    3 TOURAINE
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le 15 octobre 1845.
  • 15 oct 1845
  • Lavagnac,
La lettre

Me voici depuis hier chez mes parents, ma chère enfant. Je suis venu faire mon premier acte de dépossession. Je suis bien un peu effrayé encore de la manière dont j’use de ce qui ne m’appartient plus. Mais tout ne peut pas venir du premier coup, et il faut s’en rapporter, pour quelque chose, à la miséricorde de Dieu pour la complète exécution de nos intentions les plus sérieuses. Du reste, il semblait que je dusse faire mon sacrifice avec pleine connaissance de cause, car jamais tout cela ne m’avait paru si bien. Il me semblait qu’il y avait entente contre moi. Nous avions une de ces belles journées d’automne, comme je n’en ai vu qu’ici, où la belle et paisible lumière de notre soleil semble rendre la vie aux arbres et aux plantes épuisés par les chaleurs de l’été. Mais, bon Dieu! à quoi bon toutes ces idées-là? Je vous assure que je trouve fort triste de pouvoir se contenter de si peu, lorsque je pense que j’ai bien autre chose à attendre, et par delà une fortune de quelques écus, et par delà les plus belles journées d’automne que l’on puisse rencontrer en France.

Je suis donc arrivé, hier, à Lavagnac. L’abbé Combalot en était parti la veille pour aller prêcher à Tarbes, au désespoir de ne m’avoir pas vu. Il a paru plein de raison à tous les miens. Sa raison, me disait Augustine, était si grande qu’elle m’a confirmée dans l’idée qu’il est réellement malade. En effet, le pauvre homme s’est épuisé à traduire la Somme de saint Thomas. Il se plaint de perdre la mémoire, d’autres diraient que c’est le jugement. Il a réussi auprès de tout le monde, excepté auprès de mon petit moutard de neveu(2), à qui il a voulu faire un sermon, et qui lui a dit qu’il ne croyait pas trop ce qu’il lui contait, attendu qu’il n’était pas du tout joli et fort mal peigné. Sur quoi, M. Combalot ayant haussé la voix: « Mais je trouve, lui a dit le petit bonhomme, que vous criez bien fort. » Vous voyez qu’il n’y a pas que la volonté de Soeur Marie-Aug[ustine] qui se trouve supérieure à celle de votre ancien père.

Aujourd’hui, jour de sainte Thérèse, j’ai dit la messe pour plusieurs personnes, et, entr’autres, j’ai bien prié pour deux de vos filles qui portent le nom de cette grande sainte(3). Veuillez bien le leur dire de ma part. J’aurais bien voulu aujourd’hui être en plusieurs endroits, en même temps, mais il ne faut pas vouloir l’impossible, et c’est pour cela que, du fond de ma petite chapelle, j’ai envoyé mes voeux à droite et à gauche, m’en rapportant à sainte Thérèse du soin de les réaliser(4).

Il me semble, chère enfant, que depuis bien longtemps vous ne m’avez parlé de vous. Je comprends qu’au milieu de toutes les commissions dont je vous ai surchargée, au milieu des renversements d’une maison à quitter et des encombrements d’une maison à remplir, votre pauvre âme n’ait pas le temps de se reconnaître. Vous lui demandez la permission de ne pas vous occuper d’elle. Cependant, chère fille, il me paraît que nous ne devons pas perdre de vue ce que Dieu veut de nous et ce que nous devons faire pour accomplir sa sainte volonté. Je désire donc bien vivement -ce que je vous ai déjà dit,- que votre changement de demeure soit pour vous un renouvellement de vie et que vous ayez la force d’entrer, une bonne fois, dans cet ordre surnaturel pour lequel vous m’avez dit souvent que vous vous sentiez faite. Oh! ma chère enfant, réfléchissez donc à ce que Dieu demande d’une fondatrice, et puisque maintenant, que vous le vouliez ou non, il faut que vous le soyez, mettez-vous sérieusement à en acquérir les vertus.

Je pourrai vous envoyer quelques postulantes, en dehors de celles dont je vous ai parlé déjà, mais je ne vois pas chez elles beaucoup de ressources pour la fortune(5).

J’ai eu du regret de ne pouvoir attendre l’arrivée de M. Beiling, pour venir ici. Malheureusement, j’étais obligé de me trouver ici avant le départ de Mme de Puységur qui part pour la Touraine. Je suis venu aussi traiter une affaire d’argent comme je vous l’ai déjà dit(6). Mon père consent à me donner une centaine de mille francs. Je suis seulement embarrassé pour savoir comment les lui procurer. Il veut vendre une terre, ce qui sera bien long. Il faut que je m’occupe des moyens de m’en procurer autrement. Dans ce cas, je déciderais mon père à me donner sa signature. Mais alors je ne pourrais pas vous être aussi utile, car il me faudrait rendre compte de l’emploi de tous mes fonds. Si, au contraire, je vendais à mes risques et périls une terre qui m’aurait été donnée, je pourrais garder 50,000 francs pour moi et vous en prêter 50,000 sans la moindre difficulté. Priez Dieu pour que je trouve les moyens d’arranger tout, de manière à ce que je puisse vous être bon à quelque chose. Vous savez bien à quel point je le désire.

Donnez-moi des nouvelles de ma chère soeur et fille Marie-Gonzague. Sa santé me préoccupe beaucoup. Je veux lui écrire deux mots, mais ce sera pour la prochaine fois, parce que l’on attend ma lettre pour la porter au courrier.

Adieu, chère enfant. Je remercie tous les jours Dieu de nous avoir voulu sauver l’un par l’autre.

Notes et post-scriptum
1. D'après une copie. Voir des extraits dans *Les origines de l'Assomption*, t. II, p. 359 sq., 372, et dans *Notes et Documents*, t. III, p. 105-108.1. D'après une copie. Voir des extraits dans *Les origines de l'Assomption*, t. II, p. 359 sq., 372, et dans *Notes et Documents*, t. III, p. 105-108. 2. Jean de Puységur, né en juillet 1841.
3. Soeur Thérèse-Emmanuel et Soeur M.-Thérèse.
4. On sait que l'abbé d'Alzon avait déjà un bon nombre de ses anciennes dirigées chez les Carmélites.
5. Deux autres vocations ne tardèrent pas à se préciser, comme nous le verrons bientôt.
6. L'abbé d'Alzon profita donc du moment où toute la famille était réunie à Lavagnac pour régler ses affaires d'argent. C'est ainsi qu'il procédait d'ordinaire, et, d'ordinaire aussi, on convenait d'une terre à vendre, dont le prix lui serait assuré.