Vailhé, LETTRES, vol.2, p.337

24 oct 1845 Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

IL s’est levé à 3 heures du matin pour donner une leçon aux domestiques. -Il couche en dortoir. -Sur les nouveaux maîtres arrivés. -Ses préoccupations pour la santé de la fondatrice et de la Soeur Marie-Gonzague. -Encore les billets des Bénédictins. -Autres nouvelles.

Informations générales
  • V2-337
  • 0+417|CDXVII
  • Vailhé, LETTRES, vol.2, p.337
Informations détaillées
  • 1 BILLET A ORDRE
    1 COMMUNION FREQUENTE
    1 COUCHER
    1 DEFAUTS
    1 DOMESTIQUES
    1 EXERCICES RELIGIEUX
    1 FORMES MONASTIQUES
    1 LEVER
    1 MALADIES
    1 REPRESSION DES ABUS
    1 SOUFFRANCE
    1 TRAITEMENTS A PAYER
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    2 BAILLY, EMMANUEL SENIOR
    2 BEILING, ADOLPHE
    2 BEILING, MARIE-LOUISE
    2 DECKER, FRANCOIS-JOSEPH
    2 DU LAC, JEAN-MELCHIOR
    2 GOUSSARD, BENEDICTIN
    2 PITRA, JEAN-BAPTISTE
    2 SAINT-JULIEN, MARIE-GONZAGUE
    2 SAUVAGE, EUGENE-LOUIS
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le 24 octobre 1845.
  • 24 oct 1845
  • Nîmes,
La lettre

Il est à peine 3 heures du matin, ma chère enfant, et je suis déjà parfaitement réveillé; car, de retour depuis hier soir, j’ai vu déjà une foule d’abus, et je viens de donner à un domestique un de ces savons comme vous n’en savez pas administrer, j’en suis sûr. Ai-je eu tort? C’est possible. Cependant, après avoir je ne sais combien de fois fait doucement certaines recommandations, je n’ai pas vu de meilleur moyen, pour leur faire exécuter les ordres qu’on leur a donnés, que de les faire lever deux heures plus tôt, afin de leur rafraîchir la mémoire. Du reste, je suis peu disposé à les plaindre, puisqu’ils me forcent à dormir à peine quelques heures.

Je vous disais que je suis ici depuis hier soir. On est très content de M. Decker. M. Sauvage est venu loger chez nous, mais je présume qu’il cherchera ailleurs, car il s’apercevra que nous ne comptions pas lui donner d’appartement. Nous couchons quatre dans la même pièce. Je ne serais pas le moins du monde gêné avec Decker et Beiling, mais je ne sais comment il prendra nos habitudes, que je veux le plus possible rendre monastiques(2).

Avant de me coucher, j’ai voulu savoir ce qu’il fallait penser de Beiling, d’après l’impression produite par lui sur quelques-uns des nôtres. Le pauvre enfant les a un peu abasourdis. 1° Il a fait déjà sa profession de foi sur les fréquentes communions, ce qui a un peu scandalisé les nôtres, surtout avec l’intention qu’il a néanmoins manifestée de se faire un jour religieux. 2° Il a été parler à plusieurs de son traitement, ce qui me vexe un peu, parce que je prévois que, pour la première année, il ne pourra guère nous servir à grand’chose, et que si ceux que je paie beaucoup moins s’aperçoivent qu’il ne fait rien, il y aura sûrement des murmures. Il paraît que ceci est un peu ma faute. J’avais eu l’intention de vous prier de lui donner un avis à cet égard et je l’ai, je le crois, oublié. Je vais, au reste, tâcher de causer avec lui toute cette matinée, afin de le remonter un peu et de le mettre au courant de nos usages. Il paraît qu’aucun des trois n’a beaucoup paru jusqu’à présent aux exercices religieux.

Voilà, ma chère enfant, le résultat premier de mes impressions, ou plutôt des impressions de nos Messieurs. Du reste, je dois dans quelques heures avoir des renseignements plus précis et j’espère que, combinés avec ce que vous me dites et avec ce que j’observerai moi-même, nous pourrons venir à bout de faire un peu de bien à ces jeunes gens.

Vous me dites que vous souffrez de votre douleur, dans la lettre que M. Beiling m’a remise, et vous me demandez si vous n’êtes pas trop lâche. Il me semble que votre mal doit vous servir de réponse. Je n’en puis avoir de meilleure à vous donner. Il me semble que, quand on ne peut pas se tenir debout, on a toutes sortes d’excellents motifs pour se tenir allongé. Cette décision vous paraît-elle illogique? Ce qui me paraît bien plus important, c’est que les préoccupations du déménagement, jointes aux sollicitudes que vous cause la maladie de notre chère Soeur M.-Gonz[ague], ne vous fassent pas perdre votre esprit de recueillement. Je vous conjure d’y faire la plus grande attention.

Je savais à peu près ce que vous m’écrivez au sujet de M. du Lac. Je suis très embarrassé à son égard. Je meurs d’envie de le ravoir et je ne sais s’i’l voudra quitter les Bénédictins. M. Bailly m’a écrit, ces jours-ci, pour me, dire que probablement le billet qu’on disait protesté avait été payé par les bons Pères(3). Dans un moment de préoccupation, il n’en pouvait entendre parler, et, de mon côté, je n’en puis rien savoir. De cela je ne suis pas très surpris. J’avais écrit au P. Pitra une lettre si verte et si précise sur mes intentions à cet égard qu’il me répondit en toute hâte une lettre de sûreté, et je ne serais pas surpris que, par-dessus le marchez, il eût donné l’argent du billet.

Pour aujourd’hui, en voilà assez. Vous comprenez que sans la sottise de mon bon Bertulphe, je n’aurais pas eu le temps de vous écrire. Il faut donc que je lui sois reconnaissant de ses défauts de soins. Remerciez Soeur Marie- Louise de sa lettre. Faites-moi donner des nouvelles de Soeur Marie- Gonz[ague], quand vous ne pourrez le faire vous-même.

Adieu, chère fille. Tout à vous, et du fond du coeur, dans celui de notre divin Maître.

Notes et post-scriptum
1. D'après une copie. Voir des extraits dans *Les origines de l'Assomption*, t. II, p. 374, et dans *Notes et Documents*, t. III, p. III sq.
3. Dans sa lettre du 8 octobre, que nous avons encore. Nous en avons cité un fragment, p. 316; voici le passage dont parle notre lettre: "Vous dites qu'il y en a pour 4000 francs de plus. Je ne le croyais pas, et les Bénédictins non plus. En fait, il n'avait été question avec moi que de 5000 francs, qui étaient la seule somme en litige entre eux et moi, à l'époque des billets. Il est déplorable que, pendant que Goussard me disait 5000 francs en ma chambre, Pitra vous fit faire 9000 francs en la vôtre. Il y a plus, c'est qu'ils n'ont aucun prétexte pour me demander ces 4000 francs; car je suis forcé de payer pour eux les billets que je suis complaisamment allé escompter pour eux chez mes banquiers..."1. D'après une copie. Voir des extraits dans *Les origines de l'Assomption*, t. II, p. 374, et dans *Notes et Documents*, t. III, p. III sq.
2. Sauvage était marié et attendait l'arrivée de sa femme et de ses enfants; Decker et Beiling songeaient à la carrière ecclésiastique.
3. Dans sa lettre du 8 octobre, que nous avons encore. Nous en avons cité un fragment, p. 316; voici le passage dont parle notre lettre: "Vous dites qu'il y en a pour 4000 francs de plus. Je ne le croyais pas, et les Bénédictins non plus. En fait, il n'avait été question avec moi que de 5000 francs, qui étaient la seule somme en litige entre eux et moi, à l'époque des billets. Il est déplorable que, pendant que Goussard me disait 5000 francs en ma chambre, Pitra vous fit faire 9000 francs en la vôtre. Il y a plus, c'est qu'ils n'ont aucun prétexte pour me demander ces 4000 francs; car je suis forcé de payer pour eux les billets que je suis complaisamment allé escompter pour eux chez mes banquiers..."