Vailhé, LETTRES, vol.2, p.352

31 oct 1845 Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

L’obéissance est une vertu de saints. -Nouvelles de Beiling. -Il y a un an, elle renouvelait ses voeux entre ses mains. -Négligences diverses qui l’ont peiné à la Toussaint. -Il faut semble placer sous la croix avec Jésus-Christ pour dompter son indépendance. -Il remercie Dieu du bien qu’elle lui a fait. -Diverses commissions et réponses, à de nombreuses questions.

Informations générales
  • V2-352
  • 0+421|CDXXI
  • Vailhé, LETTRES, vol.2, p.352
Informations détaillées
  • 1 ACTION DE DIEU DANS L'AME
    1 ADOLESCENTS
    1 AMOUR-PROPRE
    1 BILLET A ORDRE
    1 BUT DE LA VIE
    1 CHAPELLE
    1 COLERE
    1 DESOBEISSANCE
    1 EXTENSION DU REGNE DE JESUS-CHRIST
    1 HABIT RELIGIEUX
    1 JANSENISME
    1 LUTTE CONTRE SOI-MEME
    1 NEGLIGENCE
    1 ORAISON
    1 ORGUES
    1 PASSION DE JESUS-CHRIST
    1 PORTEMENT DE LA CROIX PAR LE CHRETIEN
    1 POSTULANT
    1 PUNITIONS
    1 RECONNAISSANCE
    1 REFUGE LE
    1 RENOUVELLEMENT
    1 REVOLTE
    1 SAINTETE
    1 VENTES DE TERRAINS
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    2 BAILLY, EMMANUEL SENIOR
    2 BEILING, ADOLPHE
    2 BEILING, MADAME
    2 BOISSIER, GASTON
    2 CAZALES, EDMOND DE
    2 GABRIEL, JEAN-LOUIS
    2 GOURNAND, MADEMOISELLE
    2 GRATRY, ALPHONSE
    2 SAUVAGE, EUGENE-LOUIS
    2 VEUILLOT, LOUIS
    3 MONTPELLIER
    3 SETE
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • veille de la Toussaint, 31 octobre 1845.
  • 31 oct 1845
  • Nîmes,
La lettre

Ma chère, enfant,

Ne soyez pas surprise, si mes paroles vous font une impression de révolte, lorsque je vous ai engagée à vivre de la vie surnaturelle. Après les avoir écrites, je les trouvai moi-même bien froides et bien sèches. Il ne faut pas trop vous alarmer de cela. Et puis, je ne suis pas fâché de voir ces retours d’une nature qui fournit ample matière à la pratique de la vertu. Allons, allons, ma fille, souvenons-nous de ce que vous voulez être. Vous voulez être une sainte, n’est-ce pas? Et l’obéissance est aussi une vertu de saints. Pour ma part, je remercie Dieu de permettre que je découvre toutes mes misères dans les autres. Cela me révèle en moi une foule de choses.

Ce que vous dites de l’étroitesse de cerveau de quelques uns des nôtres est très vrai. Avant-hier, je pris avec moi le bon Adolphe(2) et je le conduisis à Montpellier. Hier, je l’envoyai visiter la mer à Cette. Il semble dispose à en faire une description à sa soeur. Je vous assure qu’il fera bien, si on le détache un peu de son petit amour-propre.

La Toussaint.

Il y a aujourd’hui un an qu’à pareille heure, je vous faisais ma dernière visite, au couvent du Refuge, et que vous déposiez entre mes mains le renouvellement de vos voeux. J’ai tenu à vous consacrer cette heure anniversaire, au moins pour cette année, a fin de vous prouver qu’il y a des choses qui font trace chez moi. J’ai passé une journée bonne et mauvaise. Il m’a fallu me fâcher encore, à cause de la chapelle qui était tout en désordre, malgré les recommandations qui étaient faites depuis huit jours. Mais il y a des gens que l’on ne peut changer. Et cependant, j’avais de si bons éléments d’une jolie fête! Mes pauvres petits enfants étaient si bien préparés! Il faut vous dire que j’ai peur de les trop aimer, et, quoique je me fâche souvent avec eux et que je les punisse du matin au soir, nous nous entendons à merveille. Il y en a qui viennent me conjurer de les punir, pourvu que je les rende bons. Je suis sûr qu’il y a un mot dans ma phrase qui vous choque; vous ne voudriez peut-être pas que l’on punît beaucoup. Rassurez-vous. Cela est nécessaire pour le premier mois. Plus tard, nous diminuerons considérablement les punitions, lorsque le pli sera pris et que les choses semble feront régulièrement. Mais il me semble que, selon ma vieille habitude, je divague un peu et que je parle des autres, quand je voulais vous parler de vous et de moi.

De vous d’abord, ma chère enfant. Pour rompre cette superbe indépendance dans laquelle votre nature a tant de hâte de se réfugier, il me paraît bien meilleur de vous conduire aux pieds de Notre-Seigneur qu’aux pieds d’un homme, même son représentant. Voulez-vous porter sa croix, ma fille, oui ou non? Et si vous voulez la porter, ne faut-il pas vous placer dessous? Or, voyez jusqu’à quelle mesure vous voulez vous placer sous la croix, quelle énergie vous voulez mettre à la tenir ferme sur vos épaules. Vous me feriez bien plaisir, si vous pouviez faire une méditation d’une heure, où, par la pensée, vous vous placeriez auprès de Jésus portant sa croix et où vous le verriez chargé d’autant plus que vous êtes moins généreuse. Puis, vous verriez quels sont les instruments du supplice de Notre-Seigneur, et dans votre indépendance par rapport à moi qu’après tout ce bon Maître vous a donné pour vous crucifier.

Pour moi, mon enfant, j’ai besoin de vous donner une assurance, au fond bien inutile, j’en suis sûr, c’est que toutes vos révoltes n’effleurent pas même le sentiment si complet de repos que j’ai par rapport à vous relativement à votre obéissance, quand une fois je croirai devoir parler au nom de Notre-Seigneur. Je vous connais mieux peut-être que vous ne vous connaissez vous-même, et, encore un coup, je ne doute pas. Après cela, vous l’avouerai-je? Je considère comme un avertissement de la Providence ce qui vous arrive et que vous me dépeignez de votre intérieur. Nous avons besoin de veiller sur nous et de nous séparer toujours plus de ces sentiments de nature, pour nous mettre sous l’impression surnaturelle de Dieu voulant en nous opérer notre sanctification.

Vous parlerai-je de moi? Comment se fait-il que, tandis que vous devenez si fière, je suis tout enclin à un profond sentiment d’humble reconnaissance pour tout le bien que vous m’avez fait depuis un an? Que Dieu, chère enfant, vous le rende au centuple et multiplie, en même temps, les effets de ce zèle pour l’extension du règne de Jésus-Christ, qui doit faire le but de toute notre existence! Vous remarquez, dites-vous, que je suis meilleur que vous. Je crois que, très positivement, vous vous trompez, mais je veux le devenir.

Pourriez-vous vous charger de me faire envoyer un orgue-harmonium, dans le genre de celui qui est dans votre chapelle? Je m’en rapporte entièrement à vous pour le prix. Beiling veut envoyer 100 francs à sa mère; je vous les envoie par une occasion. Si celui qui s’en charge vient lui-même, sachez que c’est un élève de l’école normale, très bon garçon, mais très suffisant, il se nomme Boissier(3).

1° M. Bailly m’a écrit. Je tâcherai d’avoir de l’argent prêt ici, mais je lui refuse net de lui renouveler ses billets. Je crois qu’il peut payer.

2° Pour vos affaires, après-demain, je vais négocier une vente; après quoi, je vous écrirai ce que je puis vous offrir.

3° Nous nous sommes très bien entendus avec Sauvage.

4° Je n’ai rien à dire sur Veuillot.

5° J’écrirai à Gratry, je vous le promets, mais écrivez-lui aussi.

6° Je pense moins que jamais à m’unir à Cazalès(4).

9° Je tâche de faire pour vous de la propagande: envoyez-moi encore des prospectus.

10° Le bon abbé Gabriel est très bon. Tâchez de faire un peu attention à son enseignement. J’ai étudié le jansénisme depuis quelque temps. Il me fait un peu trembler.

11° Je n’ai plus de nouvelles de ma postulante Carmélite; je tâcherai de lui écrire sous peu. Je vous cherche des postulantes; il me paraît que j’en trouve.

12° Merci pour mon habit. Je m’en rapporte à vous à cet égard; seulement, je le préfère ouvert par devant, de la manière que je vous avais dit.

Je ne connais pas Mlle Gournand.

Adieu, chère fille. Que Dieu vous soit toujours en aide! Revenez un peu doucement vers votre père, qui a bien envie que vous soyez une grande sainte.

Tout à vous, et plus que jamais, en Notre-Seigneur.

Notes et post-scriptum
1. D'après une copie. Voir des extraits dans *Les origines de l'Assomption* t. II, p. 369-371, 377 sq., et dans *Notes et Documents*, t. III, p. 115 sq.1. D'Après une copie. Voir des extraits dans *Les origines de l'Assomption* t. II, p. 369-371, 377 sq., et dans *Notes et Documents*, t. III, p. 115 sq.
2. Adolphe Beiling.
3. Le futur membre de l'Académie française, originaire de Nîmes comme on sait.
4. Les numéros 7 et 8 manquent dans la copie, peut-être aussi dans le manuscrit, parce qu'il n'avait rien à répondre aux questions 7 et 8 de la Mère Marie-Eugénie de Jésus.