Vailhé, LETTRES, vol.2, p.375

25 nov 1845 Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Il couche dans une chambrette sans fenêtre. -Beiling ne restera probablement pas. -Il y aura, cette année, un déficit d’environ 20 000 francs. -Nouvelles diverses.

Informations générales
  • V2-375
  • 0+428|CDXXVIII
  • Vailhé, LETTRES, vol.2, p.375
Informations détaillées
  • 1 ARGENT DU PERE D'ALZON
    1 CELEBRATION DE LA MESSE PAR LE PRETRE
    1 CELLULE
    1 CORPS ENSEIGNANT
    1 DEFICITS
    1 ECONOMIES
    1 HABIT RELIGIEUX
    1 INFIRMERIE
    1 LACHETE
    1 MALADES
    1 MATIERES SCOLAIRES
    1 MUSIQUE
    1 ORAISON
    1 ORGUES
    1 PARESSE
    1 REPOS
    1 VANITE
    1 VIE RELIGIEUSE
    2 BAILLY, EMMANUEL SENIOR
    2 BEILING, ADOLPHE
    2 CARDENNE, VICTOR
    2 DECKER, FRANCOIS-JOSEPH
    2 EVERLANGE-BEILING, MADAME D'
    2 FRANCHESSIN, ERNEST DE
    2 HENNINGSEN, EMILE DE
    2 JEHAN DE SOLESMES
    2 PUYSEGUR, MADAME ANATOLE DE
    2 SAUVAGE, EUGENE-LOUIS
    3 PARIS, IMPASSE DES VIGNES
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le 25 novembre 1845.
  • 25 nov 1845
  • Nîmes,
La lettre

Votre lettre d’hier ma chère enfant, était bien attendue: il me semblait n’avoir pas reçu de nouvelles de vous depuis un siècle. Et pourtant, voyez le paresseux! Après avoir dit ma messe, fait ma méditation, je suis allé me recoucher, en sorte qu’à 9 heures j’étais au lit. Il est vrai qu’on a voulu absolument me donner enfin une chambre. C’est une chambrette grande comme la vôtre, à l’impasse des Vignes, sauf qu’elle n’a pas de fenêtre; mais c’est le cadet de mes soucis, puisque je ne m’y tiens pas le jour. Je vais tâcher de m’y organiser en religieux. Aussi, après avoir bien résisté pour quitter l’infirmerie, où nous avons quatre ou cinq malades, j’ai cru que je n’avais rien de mieux à faire que de saisir cette occasion de régulariser cette partie de ma vie monastique.

J’arrive à votre lettre. 1° J’ai fort bien répondu à M. Bailly, pour lui dire que je ne lui enverrais pas d’argent. C’est ce qu’il appelle ne pas lui répondre.

2° Quant à l’orgue ou harmonium, mille remerciements pour votre bonté, mais je ne pense pas devoir terminer cette affaire avant une autre, dont je veux vous parler immédiatement. Beiling restera-t-il? S’il reste, nous prenons l’orgue; s’il ne reste pas, il est inutile. Et pourquoi ne resterait-il pas? Parce qu’il est, je crois, mécontent. Je ne devine pas trop en quoi il peut l’être de moi, puisque tous les maîtres de la maison m’accusent de le gâter. Il est sûr que c’est un grand enfant. Je l’ai pris de toutes les manières, mais ou je ne sais pas m’y prendre, ou il est un peu indécrottable. Jamais, dans la semaine, il n’assiste à la messe. Je lui ai fourni quelques livres de piété qu’il ne lit pas. Pour le forcer à se lever un peu matin, je prends ma leçon à 6 h. 1/2. Notez qu’il se couche à 9; mais il préfère lire dans son lit, d’où il résulte qu’assez souvent je ne puis la(2) prendre, parce qu’il n’est pas prêt. Ce qui m’est personnel n’est rien; il n’est pas mieux avec les autres. On avait craint un moment qu’il ne fit de l’opposition avec Decker, mais Decker l’a bientôt planté là. Il ne faut pas dire qu’il est mal vu parce qu’il est étranger -MM. Cardenne, Sauvage, sont aimés comme des frères, -ou parce qu’il est Allemand,- Decker est traité ici absolument comme un Français, et je ne saurais trop vous remercier de nous l’avoir procuré. Mais pour ce bon Adolphe, vraiment, je désespère quelquefois. Savez-vous ce qu’en disent quatre ou cinq de ceux qui le voient le plus? Qu’il est vaniteux, menteur et sans consistance. Sa petite vanité d’enfant l’empêche de voir qu’il est le seul à ne pas se prêter dans la maison, comme les autres, à aider pour une foule de choses. Et parce qu’on sait que, si on le lui proposait, il le ferait de mauvaise grâce et, dès lors, fort mal, on ne le lui propose pas.

Il est cruel de voir que, cette année, mon budget aura un déficit de près de 20,000 francs, et que ce pauvre enfant m’en dépense près de 2000, sans qu’il soit bon à autre chose qu’à donner une leçon d’allemand, qui ne doit pas être fameuse, si j’en juge par le peu de français qu’il sait. Et notez que j’ai beau lui dire d’apprendre le français, il étudie le grec et l’italien, du matin au soir, ou bien passe quatre ou cinq heures au piano. Je tiens à vous dire tout ceci, comme pour décharger ma conscience. Je me faisais un bonheur de vous montrer ma bonne volonté pour votre protégé, et si j’accumule ces griefs contre lui, c’est que je veux pouvoir dire que j’ai fait tout ce qui a dépendu de moi. Je me propose d’avoir une conversation avec lui, mais je ne sais trop si je dois le traiter en enfant ou en homme. Evidemment, ce n’est pas un homme, et si je lui parle comme à un enfant, peut-être se fâchera-t-il?

J’ai eu bien de l’ennui, ces jours derniers. J’ai découvert des misères parmi nos enfants, et je ne sais à quel parti m’arrêter. On redouble, tant qu’on peut, les précautions. Mais cela suffira-t-il? Et, d’autre part, les soupçons qui se portent sur certains élèves ou sont si vagues, ou s’étendent sur un si grand nombre!

C’est avec peine que je laisse cette grande page blanche, mais il faut que je m’arrête. Je dois vous dire cependant que Mme de Puységur n’ose pas prendre la soeur d’Adolphe; elle paraît craindre d’être obligée, tandis qu’elle garderait ses enfants, de la garder à son tour. Elle la trouve un peu jeune. Priez beaucoup pour moi, ma chère enfant. J’aperçois chaque jour tant de choses à faire que l’épouvante, par moment, me saisit. Mais le croiriez-vous? Le remède de M. de Franchessin me paraît parfait. Un peu de sommeil me calme les nerfs et me rend toute mon énergie physique. Mais je bavarde, quand il faut que j’aille donner des ordres pour que notre fourneau ne consume pas cinquante sous de charbon par jour. Faites un peu traîner l’arrivée d’Emile. J’aime mieux qu’il nous trouve en train de vie religieuse J’attends la robe que vous me promettez. Je n’ai encore pu trouver un emplacement pour les statues du P. Jean, mais je ne désespère pas. Rien de nouveau pour l’argent, sinon que vous pouvez garder au moins les 9000 francs, que vous deviez avoir la bonté de me renvoyer.

Adieu, chère fille.

Notes et post-scriptum
1. D'après une copie. Voir des extraits dans *Notes et Documents*, t. III, p. 136.1. D'après une copie. Voir des extraits dans *Notes et Documents*, t. III, p. 136.
2. La leçon d'allemand.