Vailhé, LETTRES, vol.2, p.381

30 nov 1845 Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Il lui enverra désormais toutes ses lettres et toutes ses ébauches de lettres. -Quatre postulantes, et non plus seulement trois, se rendront à Paris. -A Nîmes, le noviciat commencera à Noël avec cinq prêtres et un laïque. -Nouvelles des Tertiaires. -Des récréations du soir. On ne fera pas de voeux publics avant de savoir la ligne à garder avec le gouvernement. -Nouvelles diverses.

Informations générales
  • V2-381
  • 0+430|CDXXX
  • Vailhé, LETTRES, vol.2, p.381
Informations détaillées
  • 1 ARGENT DU PERE D'ALZON
    1 ASSOCIATION DE L'ASSOMPTION
    1 CAPITAUX EMPRUNTES
    1 CHAPELLE
    1 CLOCHER
    1 COUCHER
    1 DEFICITS
    1 DILIGENCE
    1 GOUVERNEMENT
    1 LEVER
    1 LIVRES
    1 LOISIRS
    1 MUSIQUE
    1 NOEL
    1 NOVICIAT DES ASSOMPTIONNISTES
    1 OFFICE DE JESUS
    1 ORGUES
    1 POSTULANT
    1 RECREATIONS DES RELIGIEUX
    1 SACERDOCE
    1 SAINTE COMMUNION
    1 SCEAU DE LA CONGREGATION DES ASSOMPTIONNISTES
    1 SIMPLICITE
    1 TIERS-ORDRE MASCULIN
    1 TRAVAIL DE L'ETUDE
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    1 VOEUX DE RELIGION
    2 ACHARD, MARIE-MADELEINE
    2 BEILING, ADOLPHE
    2 BEILING, MARIE-LOUISE
    2 BEVIER, MARIE-AUGUSTINE
    2 CHAVIN DE MALAN, FRANCOIS-EMILE
    2 DECKER, FRANCOIS-JOSEPH
    2 FRANCOIS DE SALES, SAINT
    2 GAUME, JEAN-ALEXIS
    2 GOURAUD, HENRI
    2 GRATRY, ALPHONSE
    2 O'NEILL, THERESE-EMMANUEL
    2 ROUX
    2 ROUX, MADAME
    2 ROUX, MARIE-MARGUERITE
    2 SAUVAGE, EUGENE-LOUIS
    2 SAUVAGE, MADAME EUGENE-LOUIS
    3 MONTPELLIER
    3 NIMES
    3 PARIS
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le 30 novembre 1845.
  • 30 nov 1845
  • Nîmes,
La lettre

Votre lettre m’est remise ce soir. Il me tardait de l’avoir, car j’avais bien des choses, ce me semble, à vous dire. Mais je vais reprendre par ordre tout ce que vous m’écrivez, et vous verrez qu’à mesure tout mon paquet se déroulera. En guise de préface, établissons que je ne vous frustrerai plus de rien qui vous serait destiné; chefs-d’oeuvre et ébauches, tout partira. Ma chère enfant, prenez garde. Vous ne savez pas à quoi vous vous exposez. Mais tant pis pour vous! Vous l’aurez voulu.

Donc vous aurez ce que vous voulez, et, par parenthèse, ce donc me fait penser à l’Or donc qui commence la Vie de saint François de Sales par M. Chavin. Vous pouvez dire à cet illustre personnage que son livre a décidé un de mes amis à se faire Capucin. Persévérera-t-il? Probablement pas plus que M. Chavin n’a persévéré dans le Tiers-Ordre, mais enfin il va essayer, et le Tiers-Ordre me rappelle que vous m’avez promis l’office de Jésus pour mes Tertiaires qui l’attendent avec impatience.

Après cette double digression, je reviens à ce que je voulais vous dire. Je n’ai plus qu’un mot à vous dire pour la question d’argent: c’est que probablement j’en aurai bientôt, mais c’est toutefois une simple probabilité. A la fin de janvier, je toucherai 50,000 francs; mais d’ici là j’attends une somme, sur laquelle j’espère bien pouvoir vous envoyer quelque chose. Enfin, dans mes calculs d’emprunt, je compte toujours au moins vous envoyer 15,000 francs. S’ils arrivent trop tard pour vous, je saurai bien en trouver l’emploi.

Quant à vos futures filles, vous n’en aurez pas trois, mais bien quatre. Seulement la dernière, Mlle Roux(2), n’est pas plus en fonds que les autres; elle est assez instruite pour être sous-maîtresse, et une maîtresse de pension de Nîmes pourrait s’en emparer. On lui offrait une place à la Visitation de Montpellier. Son père, qui a une très bonne place dans une entreprise de diligences, vient de faire des pertes considérables, et c’est ce qui le détermine à donner son consentement. Si elle ne vous convenait pas pour religieuse, elle pourrait vous servir comme sous-maîtresse. Il y a huit ans que je la confesse. Elle préfère aller chez vous que dans d’autres couvents, où on la recevrait pour rien également. Elle a refusé plusieurs riches partis, et la joie qu’elle éprouve en songeant à aller vous trouver est quelque chose de très remarquable. Son caractère est un peu vif, mais bon et raisonnable. Elle a beaucoup de coeur et d’ouverture, pourvu qu’on sache la mettre à l’aise; mais je suis sûr que vous l’y mettrez aisément. Je l’ai chargée de retenir au plus tôt des places pour Paris. Comme son père fait dans les diligences, il lui sera facile de s’arranger pour cela. Attendez-vous, à moins d’un obstacle imprévu, à avoir ce petit bataillon carré pour Noël, parce que l’on parle à Nîmes de cette expédition, comme on parle de tout, et que je veux que cela cesse.

J’en ai encore trois ou quatre, mais dans un autre genre, et je veux les examiner un peu sérieusement, parce que je crains que tout ne soit pas surnaturel. Et pourtant, vous auriez là de bien bons sujets. Enfin, vous pouvez penser que je ferai pour le mieux et que je tâcherai de vous chercher ce qui pourra le mieux aller à Soeur Th[érèse]-Em[manuel]. Puisqu’elle aime d’étendre son empire, j’espère qu’elle me saura un peu gré de faire mes efforts pour y contribuer.

Quant à nous, nous commençons notre noviciat à Noël. Il se composera de cinq prêtres et d’un laïque au moins. Decker y viendra pour sûr, avant peu. Beiling commence à se modifier un peu. Je ne sais ce que sa soeur lui écrit, mais pour sûr il ne se doute pas que je sache le contenu de la lettre qu’il écrivit à Soeur Marie-Louise. Il a communié ce matin. Il dit à tout le monde qu’il veut être prêtre, mais le pauvre enfant ne se doute pas le moins du monde de ce que c’est qu’un prêtre. Nos jeunes gens sont bons, mais ils ont besoin d’être formés, et c’est pour cela que j’en voudrais quelques autres qui vinssent d’un peu loin. Decker serait parfait, s’il avait un meilleur accent. C’est la meilleure pâte que l’on puisse rencontrer. Ce soir, nous avions notre réunion de piété(3). Il fallait voir son étonnement, lorsque nous avons parlé de la simplicité chrétienne, que nous distinguions de la simplicité naturelle. M. Sauvage aussi ouvrait de grands yeux. Il veut aller très bien; il veut bien faire la méditation et avoir un règlement, mais il lui faut attendre sa femme pour tout combiner avec elle. Et moi, j’attendrai demain pour continuer. Il est 10 h. 1/2; je vais me coucher. Bonsoir, ma fille.

1er décembre.

Soeur Marie-Au[gustine] aurait pu, ce matin, faire l’application de sa caricature. Le réveil de notre excitateur n’a pas sonné, et c’est moi qui ai dû donner le signal. Au fond, je suis aussi puni qu’elle de ne pas recevoir son image, mais il faut savoir être grave, et, à ce propos, j’ai à vous consulter. Presque tous nos jeunes gens se lèvent à 4 h. 1/2, d’où il résulte qu’ils aiment à se coucher de bonne heure. Or, nous n’avons que le soir pour nous voir, et plusieurs, tels que Beiling, Decker et Sauvage, décampent bien vite aussitôt après le souper(4). On se plaint un peu que l’année passée les soirées étaient plus gaies. Que faut-il faire? Je ne puis vous dissimuler que l’on s’amusait davantage, mais l’on travaillait moins. J’aime assez que l’on travaille, et puisque, sans effort, il y a parmi nous quelque chose de sérieux qui résulte, non de l’effort seul pour acquérir la gravité, mais de notre situation même, je maintiens autant que possible la gaieté et l’ouverture de coeur, mais en même temps je cherche à éviter les amusements excessifs, soit parce que réellement je ne les aime plus, soit parce que, chez plusieurs d’entre nous, ils amènent une dissipation dont ils m’ont fait l’aveu, soit enfin parce que l’influence n’en est pas bonne sur les élèves. Maintenant, que conseillez-vous? Dois-je engager nos jeunes gens à rester réunis après souper, sauf à eux à se lever un peu plus tard? Dois-je, au contraire, les laisser aller? Remarquez qu’en général les hommes ont moins besoin de causer que les femmes, et que je ne vois pas pour les nôtres autant que pour vous la nécessité de longues récréations. Je n’ai rien à supprimer, comme vous avez eu à le faire quand vous avez voulu rendre les récréations du soir plus courtes. Je ne crains qu’une chose, c’est que nos jeunes gens n’y tiennent pas. Mais comme jusques à présent ils se portent à merveille, je ne vois pas que j’aie à m’en occuper beaucoup. Enfin, si vous n’êtes pas de l’avis que je vous indique, veuillez me le dire franchement.

Depuis hier soir, il y a un point d’arrêt à nos projets de postulantes. La mère de Mlle Roux, montée par la maîtresse de pension qui voulait prendre cette jeune personne pour aide, ne veut plus la laisser partir. Cependant, j’avais une occasion admirable. Deux nouveaux mariés, que je connais beaucoup et qui connaissent aussi, je crois, une des postulantes, partent de vendredi en huit pour Paris. C’eût été parfait. Je vais me donner du mouvement pour obtenir une modification dans cette résolution intempestive.

La décision de M. Gaume au sujet de votre cloche ne me surprend pas. Je connais bien des figues de ce panier. L’effroi de Gouraud m’étonne. Je lui avais parlé encore plus franchement qu’à M. Gratry, mais je ne vous dissimule pas que je ne suis pas fâché de le voir effrayé. Cela me fera gagner du temps. Vous avez, du reste, parfaitement bien répondu et je vous donnerai bientôt des lettres de ministre plénipotentiaire. Vous êtes un diplomate consommé.

Il est très vrai que jamais des voeux publics, je ne dis pas solennels, ne seront prononcés par nous, que nous ne demanderons pas même l’approbation des Ordinaires, avant d’avoir su quelle ligne nous avons à garder avec le gouvernement. Sous ce rapport on peut être parfaitement tranquille. Nous ne serons aux yeux du public que des individus, et, entre nous, je prévois que nous serons fort longtemps des novices.

Je reprends mon épître commencée hier au soir, continuée ce matin. Jusqu’à présent, Mlle Roux pourrait bien partir. Il paraît que la mère joue un peu la comédie. J’ai rencontré le père, ce soir, qui me paraît beaucoup plus raisonnable. Demain, j’aurai quelque chose de plus positif. Mlle Achard m’est venue voir et j’ai si bien chapitré la tante, qui est venue avec elle, que je suis à peu près sûr que le départ général aura lieu de vendredi en huit, c’est-à-dire le 12. Mais à présent je vois une impossibilité à la chose, puisque les places sont retenues ce jour-là pour une famille. Ce serait alors pour le dimanche 14. Vous les auriez avant le 20; il me tarde de les savoir colloquées chez vous.

Je vous remercie de la peine que vous prenez pour mes instruments de musique. Mais, voyez-vous, je préfère attendre quelques jours. Je vais faire construire une chapelle et je voudrais que l’on pût y placer un orgue véritable. Votre idée pour vous en a réveillé une pour moi. Alors, quel serait le prix? Peut- être, dans ce cas, me contenterai-je d’acheter ici un instrument d’occasion. Voyez l’ennuyeux qui vous aura fait prendre tant de peine pour rien? Mettez-le bien vite un peu après M. Gaume.

Quant aux cachets, j’aurais voulu pour les lettres quelque chose comme le vôtre, si vous aviez bien voulu permettre. Et pourtant, je crois qu’on pourrait aussi y mettre quelque chose de la Sainte Vierge. Au moins l’a-t-on fait pour le sceau de l’évêché.

Je crois que c’est bien tout. Mais je trouverai bien moyen d’avoir encore demain matin quelque autre chose à vous dire.

Notes et post-scriptum
1. D'après une copie. Voir des extraits dans *Les origines de l'Assomption*, t. II p. 385 sq., et dans *Notes et Documents*, t. III, p. 136-138, 145.1. D'après une copie. Voir des extraits dans *Les origines de l'Assomption*, t. II p. 385 sq., et dans *Notes et Documents*, t. III, p. 136-138, 145.
2. Entra à l'Assomption, en décembre 1845, sous le nom de Soeur Marie-Marguerite, et, après avoir pris l'habit religieux, dut se retirer pour raison de santé. Rentrée à Nîmes, elle consacra sa vie aux bonnes oeuvres et resta fort attachée à l'Assomption.
3. Le procès-verbal, d'une sécheresse inouïe comme tous ceux de Cusse, se contente de dire qu'une heure ne suffisant pas pour les conférences, il fut décidé que, désormais, on se réunirait à 6 heures du soir.
4. Dans le premier essai de règle, que nous publions en Appendice, le lever est, en effet, fixé à 4 h. 25.