- V2-405
- 0+438|CDXXXVIII
- Vailhé, LETTRES, vol.2, p.405
- 1 ACTION DE GRACES
1 ADORATION DU SAINT-SACREMENT
1 AMITIE
1 AMOUR-PROPRE
1 APOSTOLAT
1 CELEBRATION DE LA MESSE PAR LE PRETRE
1 CHAPELLE
1 COLERE
1 COLLEGE DE NIMES
1 CONGREGATION DES AUGUSTINS DE L'ASSOMPTION
1 DEFAUTS
1 DEFIANCE DE SOI-MEME
1 DEVOIRS SCOLAIRES
1 DIRECTION SPIRITUELLE
1 EPREUVES
1 INGRATITUDE
1 MALADES
1 MISERES DE LA TERRE
1 ORAISON
1 PARESSE
1 PATERNITE SPIRITUELLE
1 PATIENCE
1 PRIME
1 REFORME DE LA VOLONTE
1 REGLEMENT SCOLAIRE
1 RESSOURCES FINANCIERES
1 SOUS-DIACONAT
1 TRISTESSE PSYCHOLOGIQUE
1 VOLONTE DE DIEU
2 BAILLY, EMMANUEL SENIOR
2 BAILLY, MADAME EMMANUEL
2 BEILING, ADOLPHE
2 BOYER, MADAME EDOUARD
2 DECKER, FRANCOIS-JOSEPH
2 EVERLANGE, MARIE-EMMANUEL D'
2 EVERLANGE, PIERRE-EMILE-LEON D'
2 GOURAUD, HENRI
2 GRATRY, ALPHONSE
2 NICOLAS, JEAN-EUGENE
2 SAUVEBOEUF, MADAME DE
3 NIMES, MAISON GREGOIRE
3 NIMES, RUE DE LA LUZERNE
3 NIMES, RUE DU PONT DE LA SERVIE
3 NIMES, RUE MONTJARDIN
3 PARIS, COLLEGE STANISLAS - A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
- MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
- le 15 décembre 1845.
- 15 dec 1845
- [Nîmes],
Quoique je vous aie écrit hier deux fois, ma chère enfant, il faut que je vous dise que je viens de recevoir mon cadeau du onzième anniversaire de promotion au sous-diaconat. Vraiment, Dieu est bien bon. Je m’étais réveillé dans la nuit souffrant beaucoup; j’avais grande envie de rester au lit, quand on m’a apporté de la lumière. J’ai un peu hésité, mais franchement je n’en ai pas de scrupule, parce que mes crampes étaient très fortes. En disant Prime, je ne pouvais me tenir; à l’oraison, j’ai cru que j’allais tomber en défaillance; et puis, tout cela a passé par un effort un peu énergique de ma volonté. J’ai pu dire la messe, ce qu’un moment auparavant je croyais ne pouvoir faire; j’ai fait une très longue action de grâces, j’ai causé un instant d’affaires et j’ai pu revenir passer une demi-heure devant le Saint-Sacrement, où il m’a paru que Notre-Seigneur m’apaisait et me dilatait merveilleusement le coeur pour lui, pour mon oeuvre, pour les âmes dont je suis chargé, mais particulièrement pour vous, ma fille bien-aimée. Il me permettait de prendre du repos dans votre affection, qui me semble n’être autre que la sienne, puisque vous savez bien que je vous sacrifierais mille fois, au moindre signe de sa volonté; ce qui pourtant me serait bien quelque chose. Mais il me paraissait que, ne voulant pas se montrer extérieurement à moi, c’était au travers de votre coeur et de votre parole que je devais le voir.
Fais-je bien de vous dire toutes ces imaginations? Mais non, ce ne sont certainement pas des imaginations. Les oeuvres de Dieu, pour se réaliser, n’ont-elles pas besoin de moyens extérieurs? L’homme, en accomplissant les ordres providentiels, peut-il employer d’autres instruments que ceux qu’il trouve dans sa nature? Il faut les élever, les transformer, les diviniser, mais il faut les employer. Béni soit donc Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui vous prenait pour être ma soeur, quand il me prenait pour être votre père!
Mais pardon, j’ai une digression à faire. Si je suis entré longuement dans le détail de mes misères, aux premières lignes de cette page, c’est que j’avais un but. C’était de vous faire voir qu’un peu d’énergie pour secouer ses douleurs fait quelquefois plus de bien que tous les soins suggérés par la paresse.
N’êtes-vous pas un peu fâchée contre moi? Je m’aperçois que je n’ai rien ou presque rien répondu à ce que vous me dites de vos tristesses et de vos peines. Réellement, je suis un triste directeur. Ah! ma fille, quelle patience il vous faut avoir! Dieu en me révélant un peu plus mes défauts chaque jour, me fait apprécier davantage la vertu de ceux avec qui il me met en rapport, et ce n’est pas une de mes moindres humiliations que de songer combien j’ai besoin que l’on me supporte d’imperfections, même dans mon amitié.
Je vous disais tout à l’heure que Notre-Seigneur m’avait donné pour vous quelque chose de plus dilaté. Ce matin, il a fallu que j’en fisse l’expérience, car je ne le croyais pas possible. Je dois donc prendre mon parti de croire que vous m’aimez plus que je ne vous aime, puisque j’ai découvert, ce matin, des profondeurs dans mon âme que je ne connaissais pas. Mais aussi, avec ce qui a été ajouté de mon côté, il me semble maintenant un peu difficile que votre mesure soit plus grande que la mienne.
Du reste, soyez persuadée qu’en ceci je ne mets aucun amour-propre et que, jusqu’à ce qu’il plaise à Dieu de rendre mon coeur plus grand pour lui et pour vous, si je consens à être son débiteur, je puis bien accepter de demeurer le vôtre.
Tout ce qui précède était écrit, lorsque j’ai reçu votre lettre du 12, où vous me parlez de la défiance que vous avez de toutes choses, même de mon dévouement. Evidemment, il y avait en ce moment-là quelque nuage au ciel, et vous ne pouviez qu’avoir des idées sombres. J’espère que la manière dont je vous parle, non en réponse à vos doutes, mais par bien naturel épanchement, vous rendra un peu plus tranquille à mon égard. Mais non, cela ne fera ni chaud ni froid, parce que ce n’était pas la portion raisonnable de ma fille qui pensait toutes ces choses, si tant est que vous les ayez pensées, ce que je ne suis nullement disposé à admettre. Tout cela me paraît impossible.
Il ne faut pas croire que tout soit rose pour moi, malgré mon contentement. Ainsi, j’ai appris de tristes choses, même de Decker, qui m’a fait un vrai trait d’ingratitude. Mais il faut un peu ignorer certaines misères. Beiling prend quelques bonnes habitudes, mais il est d’une humeur de chien. Enfin, nous verrons s’il voudra s’y mettre.
Vous ne sauriez croire combien je suis préoccupé de mes filles. Toute la journée, je les ai suivies, et, pour faire réparation au frère de Mlle d’Everlange, je dois dire que je l’ai vu pleurer en me parlant de sa pauvre Elisa. Si vous n’avez pas reçu par ces demoiselles le règlement de la maison, c’est qu’il est si volumineux que je n’ai pu le faire copier et qu’il est à peine sorti de sa dernière transformation(2).
Voudriez-vous, lorsque vous verrez M. Gouraud, lui rappeler que M. Gratry m’avait promis les compositions de Stanislas? Je n’ai besoin ni de celles de rhétorique ni de celles de philosophie. L’abbé Nicolas nous est arrivé sans votre petit protégé. J’en suis fâché, je ne sais trop pourquoi. Veuillez remercier Mme de Sauveboeuf d’avoir voulu me donner cette marque de confiance, et veuillez lui dire, de ma part, tout ce que vous jugerez à propos d’aimable. Je tâcherai de vous procurer de l’argent un peu plus tard. Pour le moment, il m’est impossible de vous offrir plus que les 9 000 francs des Bénédictins, si tant est que M. Bailly paye. Débattez-vous avec lui, mais comptez sur des fonds pour le mois de février.
La chapelle que je veux bâtir ne sera pas une dépense. Voici le plan fort grossier de la maison. L’entrée est par la rue du Pont de la Servie. Mais vous comprenez qu’en achetant la maison Grégoire, on peut percer une rue qui traverse tout l’établissement et qui aurait sortie par la rue de la Luzerne et par la rue Monjardin. Or, en achetant et bâtissant avec l’intention de revendre un jour, dans un quartier qui augmente de valeur presque à vue d’oeil, je ne puis faire une imprudence, en bâtissant une chapelle placée de manière à faire un jour une maison qui serait sur l’alignement de la rue projetée. L’année prochaine, si tous les élèves annoncés nous arrivent, il faudra nécessairement une plus grande chapelle. Le nombre des enfants nous y forcera. Notez que je ne ferai rien pour le luxe architectural. Ce sera, pour cette fois, la nudité protestante dans toute sa laideur.
Vous êtes entrée dans toute ma pensée relativement à Mme Boyer. A cet égard, je ne ferai que ce que je fais pour tout le monde. Du reste, je crois que les folies imaginaires d’une femme ou deux et quelques langues universitaires sont tout le public, en gros et en détail, qui ait fait des observations, non sur elle, mais sur une autre personne. Et maintenant, je vous assure qu’ils ont bien d’autres idées, car sur cet article ils ne les ont pas très fixes.
Adieu, chère enfant. Voilà une longue lettre. Si tout ce que je vous dis ne vous paraît pas trop simple, j’espère que vous y verrez le remède à toutes vos idées noires par rapport à votre père.
2. Le projet de règlement pour le collège de l'Assomption, qui ne comprend pas moins de 850 articles. Le texte original, dont parle ici l'abbé d'Alzon, est dans nos archives: c'est le Cahier 3 *bis* de ses écrits.1. D'après une copie. Voir des extraits dans *Notes et Documents*, t. III, p. 124, 296 sq.
2. Le projet de règlement pour le collège de l'Assomption, qui ne comprend pas moins de 850 articles. Le texte original, dont parle ici l'abbé d'Alzon, est dans nos archives: c'est le Cahier 3 *bis* de ses écrits.