Vailhé, LETTRES, vol.2, p.416

26 dec 1845 Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Fondation de la Congrégation la nuit de Noël. Messes de minuit et du jour. -Il suggérera les pratiques aux novices, mais ne les imposera pas. -La grand’messe et les Vêpres. -Réunion du soir de Noël. -Profession de la Soeur Marie-Louise et sentiments de son frère Beiling. -Il lui recommande deux jeunes filles de Nîmes.

Informations générales
  • V2-416
  • 0+442|CDXLII
  • Vailhé, LETTRES, vol.2, p.416
Informations détaillées
  • 1 ACTION DE GRACES
    1 AUTEL
    1 AVE MARIA
    1 AVENT
    1 BAISER DE PAIX
    1 CELEBRATION DE LA MESSE PAR LE PRETRE
    1 CELLULE
    1 CHAPE
    1 COLERE
    1 COMMUNAUTE RELIGIEUSE
    1 CONFESSIONNAL
    1 CONVERSATIONS
    1 COUCHER
    1 CRECHE DE JESUS-CHRIST
    1 ENCENSEMENT
    1 EXERCICES RELIGIEUX
    1 FATIGUE
    1 GENESE DE LA FONDATION DES ASSOMPTIONNISTES
    1 GRAND MESSE
    1 HABIT RELIGIEUX
    1 MESSE DE MINUIT
    1 MUSIQUE RELIGIEUSE
    1 NOVICES ASSOMPTIONNISTES
    1 OFFICE CHANTE
    1 ORAISON
    1 ORDINATIONS
    1 PATER
    1 POSTULANT
    1 PRATIQUE DE L'OBEISSANCE
    1 PRATIQUE DE LA PAUVRETE
    1 PRIERES AU PIED DE LA CROIX
    1 PROFESSION PERPETUELLE
    1 QUETES
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 REPAS
    1 REPOS
    1 REPOS DU RELIGIEUX
    1 SAINTE COMMUNION
    1 SERMONS
    1 SIMPLICITE
    1 SUPERIEUR
    1 TIERS-ORDRE DE L'ASSOMPTION
    1 TRAVAIL MANUEL
    1 VEPRES
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    2 ALZON, EMMANUEL D'
    2 BALINCOURT, MARIE-ELISABETH DE
    2 BEILING, ADOLPHE
    2 BEILING, MARIE-LOUISE
    2 BEVIER, MARIE-AUGUSTINE
    2 BLANCHET, ELZEAR-FERDINAND
    2 CARDENNE, VICTOR
    2 CART, JEAN-FRANCOIS
    2 CUSSE, RENE
    2 DECKER, FRANCOIS-JOSEPH
    2 EVERLANGE, PIERRE-EMILE-LEON D'
    2 GAIDAN, ANTOINETTE
    2 GERMER-DURAND, EUGENE
    2 GOUBIER, ACHILLE
    2 GOUBIER, VITAL-GUSTAVE
    2 HENRI, EUGENE-LOUIS
    2 JEAN, SAINT
    2 JOVENICH
    2 LAURENT, CHARLES
    2 MONNIER, JULES
    2 SAUVAGE, EUGENE-LOUIS
    2 SURREL, FRANCOIS
    2 TISSOT, PAUL-ELPHEGE
    3 NIMES, CATHEDRALE
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le 26 décembre 1845, à 6 heures du matin.
  • 26 dec 1845
  • Nîmes,
La lettre

Ai-je tort, chère enfant, de vous consacrer l’heure qui s’écoule entre ma méditation et la messe du onzième anniversaire de mon ordination? Il me semble que non, puisque je ne veux vous parler que de l’oeuvre, par laquelle Dieu me permet de lui payer une partie de ma dette.

Nous avons donc commencé à six(2); vous commençâtes à cinq. Il faut bien que notre nombre compense le temps que vous avez de plus que nous. Avant-hier soir, nous nous réunîmes, comme nous en étions convenus. Mais cette première causerie fut bien froide. J’étais épuisé de fatigue, je n’avais presque pas dormi la veille et j’avais passé ma journée au confessionnal; nos Frères avaient aussi sommeil. Je parlai, mais ce fut peu de chose; il n’y avait pas d’entrain. A 10 heures, quand il me fallut partir pour la cathédrale, où je devais chanter l’office et dire la messe de minuit, j’étais peu content et de moi et des autres. Je me permis de dire à mon voisin, en lui parlant d’un prêtre connu par son peu d’esprit et qui chantait une leçon: Avez-vous jamais entendu voix cracher la bêtise à bouche plus pleine que celle de M. X…? » Convenez que c’est horrible de ma part. Pendant la messe, je fus assez bien, sauf une impatience, parce qu’on n’avait pas songé à l’encensement de l’autel pour le Benedictus. Et où en étaient mes sentiments? Vraiment, je ne le savais pas. Quand je cherchais à me donner à Dieu, il me paraissait que c’était déjà fait et qu’il n’y avait pas à y revenir.

Je m’en retournai chez moi calme, tranquille, sans joie, sans tristesse, merveilleusement bûche. Il était 2 heures du matin. Je pris ma robe de nuit et j’allai m’étendre sur le marchepied de l’autel. Je voulais passer la nuit auprès de la crèche, j’allais m’y endormir, quand, au bout d’une demi-heure, un de nos Pères qui avait, lui aussi, dit la messe dehors, rentra, et je crus qu’il valait mieux me coucher. On devait me réveiller à 6 heures; je devais dire la messe à 6 h. 1/2 pour la communauté. On s’oublia et l’on n’entra chez moi qu’à 7 h. moins 1/4. Il fallait que la messe des élèves se dit à 7 heures. Nous renvoyâmes la nôtre à 7 h. 1/2; d’où il advint que la messe de minuit fut pour vous, la seconde, pour les élèves, que j’eus le bonheur de voir communier en grand nombre, la troisième pour les nôtres. A la fin de la messe, je voulais leur dire quelques mots, ainsi qu’aux membres du Tiers-Ordre qui étaient venus m’aider de leurs prières.(3). Par un malentendu, il se trouva qu’en me retournant du haut de l’autel, je n’aperçus que deux ou trois personnes dans la chapelle. Convenez que c’était peu encourageant. Heureusement, ce fut là la fin de mes tribulations.

En sortant de mon action de grâces, plusieurs de nos novices vinrent me demander de faire leurs chambre. Je leur répondis que les balais étaient prêts et que j’attendais qu’ils me le demandassent. Je les ai prévenus que je ferais mon possible pour leur donner l’exemple et leur inspirer l’esprit religieux; que je leur suggérerais les pratiques, mais que je ne les imposerais que lorsqu’on me le demanderait. Je me trouve très bien de cette méthode, au moins pour commencer; car pour les futurs novices, à mesure qu’ils arriveront, ils devront bien se mettre au pli. Ainsi, ils m’ont demandé des paillasses piquées. Un de nos professeurs, qui, il y a deux mois, avait voulu faire tapisser sa chambre, est venu ce matin m’en demander une qui ne le fût pas(4). Vous comprenez que cela vaut beaucoup mieux.

Pendant la grand’messe de la cathédrale, à laquelle il me fallut assister en assistant Monseigneur, j’étais un peu harassé par la chape horriblement lourde qu’on m’impose en pareille circonstance. Je dormis un peu au Credo, mais à part cela tout se passa bien. Au fond de moi, je fus même un peu ému; je le dis avec embarras, car je ne pleurai pas mal, mais je crois que cela venait du chant. Je ne puis pas entendre l’Adeste, fideles, sans pleurer.

Au retour, chez moi, je préparai quelques pratiques de pauvreté et d’obéissance. Je dînai et, en sortant de table, je trouve un jeune diacre, frère de l’abbé Goubier, qui, l’année passée, avait été surveillant dans la maison et qui venait me demander un rendez-vous pour aujourd’hui. Il paraît que la vocation lui vient(5). Il me fallait aller aux Vêpres de la cathédrale et faire la quête, et je me sentais sur le point de me trouver mal. Je fis la quête, et, voyez mon courage, je me décidai à assister au sermon. Je n’en avais pas entendu un seul de tout l’Avent, et le chanoine qui l’a prêché aurait pu se formaliser. Mais pour contrepoids de mon dévouement, en prenant place à côté du curé de la cathédrale, je lui recommandai bien, si je m’endormais, de ne pas me réveiller; ce qui le fit tellement rire que, malgré la houppe de son bonnet carré qu’il dévorait, je crus qu’il y aurait scandale. Pendant le sermon, je ne dormis pas et je pus très bien faire ma méditation. Le sermon était très bien écrit, froid, prêché tièdement; je pouvais être recueilli et n’y pas faire attention, et c’est le parti que je pris.

Au retour, à la maison, je proposai à nos Frères de se réunir encore, et là je leur vantai beaucoup un des leurs qui avait déjà commencé la pratique d’obéissance envers moi. Je leur lus les pratiques que je leur avais préparées, je leur baisai les pieds pour leur montrer la disposition de service et de dépendance où, comme supérieur, je voulais me placer vis-à-vis d’eux, et maintenant nous voilà en train.

J’ai voulu vous donner ces détails, chère fille. Ils vous feront voir et le peu que je suis et le bien qui peut être obtenu de ces pauvres Frères, dont la simplicité est très belle et qui ne sont encore qu’un peu embarrassés.

Veuillez dire à Soeur Marie-Louise que je viens de dire la messe pour elle, et j’ai fait réciter à son intention un Pater et un Ave à tous mes enfants(6). J’espère qu’elle obtiendra par sa ferveur tout ce qui m’est nécessaire pour mener à bonne fin ce que j’essaye d’entreprendre pour le bon Dieu. Depuis quelques jours, nous nous plaignons de n’avoir aucune nouvelle des Nîmoises(7). Est-ce qu’elles seraient malades? Si je voulais vous divertir, je vous conterais la manière dont Adolphe envisage la profession de sa soeur. Il était hier dans sa chambre avec M. Sauvage. Après avoir fredonné pendant un quart d’heure: Je suis triste, lui dit-il, je pense à ma soeur. -Mais quoi, reprit l’autre, est-ce qu’elle n’est pas contente?- Oh! si, elle est toute joyeuse. Mais si, dans une trentaine d’années, elle se repentait d’avoir fait ses voeux? »- Vous voyez que le jeune homme sait prévoir. Du reste, je suis plus content de lui.

Adieu, chère fille. Vous recevrez bientôt une visite d’une Nîmoise et de deux même: Mlle de Balincourt (une enfant de dix-huit ans), et Mlle Gaidan, sa gouvernante. Celle-ci est très pieuse, très sentimentale, un peu plus républicaine que Soeur Marie-Aug[ustine] et très scrupuleuse, avec de l’esprit par-dessus le marché. Soyez un peu bonne pour elle, si vous en avez le temps, car elle est verbeuse. Je l’aime beaucoup, mais elle ne sait pas un mot de mes plans. Elle ne peut rien savoir que par ouï-dire; elle m’est très dévouée. Adieu. Je vais vous écrire deux mots par elle. Je ne me relis pas.

Notes et post-scriptum
1. D'après une copie. La lettre est citée presque entièrement dans *Les origines de l'Assomption*, t. II, p. 392-396, et dans *Notes et Documents*, t. III, p. 148-151.
3. Le Tiers-Ordre ou Association de l'Assomption fut constitué le lendemain, 26 décembre, où quatre des postulants commencèrent leur noviciat. Voici le procès-verbal de la réunion: *Après la lecture des règles du Tiers-Ordre, M. le directeur dresse la liste de ceux qui désirent entrer au noviciat. Ce sont MM. Blanchet, Cardenne, d'Everlange et Monnier. Une messe sera dite pour eux dans la chapelle de l'Assomption demain, 27, fête de saint Jean l'Evangéliste, l'un des patrons de l'oeuvre. Les religieux continueront d'assister aux séances du Tiers-Ordre. Les postulants se retireront pendant qu'on fera la coulpe." (Cahier 26, p. 4.) Les postulants de l'Association étaient Germer-Durand, Sauvage, Decker, Beiling et Jovenich; quinze personnes en tout s'étaient donc attachées, dès ce moment, d'une manière plus étroite, à l'oeuvre de l'Assomption.1. D'après une copie. La lettre est citée presque entièrement dans *Les origines de l'Assomption*, t. II, p. 392-396, et dans *Notes et Documents*, t. III, p. 148-151.
2. Il s'agit du noviciat de la Congrégation de l'Assomption. Les six premiers novices furent les PP. d'Alzon, Surrel, Henri, Tissot, Laurent, prêtres, et le Fr. Cusse.
3. Le Tiers-Ordre ou Association de l'Assomption fut constitué le lendemain, 26 décembre, où quatre des postulants commencèrent leur noviciat. Voici le procès-verbal de la réunion: *Après la lecture des règles du Tiers-Ordre, M. le directeur dresse la liste de ceux qui désirent entrer au noviciat. Ce sont MM. Blanchet, Cardenne, d'Everlange et Monnier. Une messe sera dite pour eux dans la chapelle de l'Assomption demain, 27, fête de saint Jean l'Evangéliste, l'un des patrons de l'oeuvre. Les religieux continueront d'assister aux séances du Tiers-Ordre. Les postulants se retireront pendant qu'on fera la coulpe." (Cahier 26, p. 4.) Les postulants de l'Association étaient Germer-Durand, Sauvage, Decker, Beiling et Jovenich; quinze personnes en tout s'étaient donc attachées, dès ce moment, d'une manière plus étroite, à l'oeuvre de l'Assomption.
4. C'est le P. Charles Laurent, si nous ne nous trompons.
5. L'abbé Achille Goubier.
6. La Soeur Marie-Louise Beiling devait prononcer ses voeux perpétuels ce jour-là.
7. Les quatre postulantes envoyées au noviciat de l'Assomption.