Vailhé, LETTRES, vol.3, p.70

10 jun 1846 Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Il veille jusqu’à minuit pour lui écrire. -Jugement qu’on attribue à l’évêque sur son oeuvre. -Son état intérieur actuel. -Satisfaction que lui donnent les élèves et leurs maîtres. -Sa récente fatigue. -Contenu de sa lettre à l’abbé Perroulaz. -Réponses à diverses questions.

Informations générales
  • V3-070
  • 0+468|CDLXVIII
  • Vailhé, LETTRES, vol.3, p.70
Informations détaillées
  • 1 COLERE
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 ELEVES
    1 FATIGUE
    1 FETE-DIEU
    1 MAITRES
    1 MOIS DE MARIE
    1 ORAISON
    1 ORDRES MINEURS
    1 PREDICATION
    1 REPOS
    1 SUBSIDES
    1 VIE RELIGIEUSE
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    2 BASTIEN, CLAUDE-HIPPOLYTE
    2 CART, JEAN-FRANCOIS
    2 DECKER, FRANCOIS-JOSEPH
    2 GOUBIER, VITAL-GUSTAVE
    2 MICHEL, ERNEST
    2 PERROULAZ, ABBE
    2 POURRIERES, ABBE
    2 TESSAN, JEAN-CHARLES DE
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le 10 juin 1846.
  • 10 jun 1846
  • Nîmes,
La lettre

Je compte aujourd’hui sur une lettre de vous, ma chère enfant, mais je veux, en l’attendant, vous prier de dire à vos novices combien j’ai pensé à elles.

11 h. du soir.

Croiriez-vous que depuis ce matin, 8 heures, je n’ai pas eu un moment pour vous écrire? Aussi, coûte que coûte, je veux ce soir me dédommager. Mon petit peuple dort, je veux passer avec vous une partie de la veille du Saint-Sacrement. Croirez-vous que j’aurais envie de commencer par vous gronder de ce que vous vous troublez, quand je fais un peu trop attendre mes lettres? Voyez, je ne me coucherai pas avant minuit, si je veux finir celle-ci. Chère enfant, ne pensez-vous pas que ce m’est une assez grande joie de pouvoir vous écrire pour que je doive profiter des occasions, quand trop d’obstacles ne s’y opposent pas? Mais, à un point de vue plus élevé, une fois sûre du fond, ne devez-vous pas être un peu plus maîtresse de vous pour les choses de forme, comme vous me le disiez dans une lettre que je vous ai renvoyée!

Maintenant, il faut que je vous conte ce qui m’est revenu de mon évêque et que je ne crois cependant pas trop. On m’a assuré que, il y a trois ou quatre jours, il avait dit à l’abbé Bastien que jamais il ne me donnerait de prêtres, qu’il briserait mon oeuvre, Parce que j’avais fait plus que je ne lui avais annoncé d’abord. J’avais eu, un instant, la pensée d’aller lui demander une explication. M. de Tessan et M. Goubier m’en ont détourné par la raison que, son caractère étant donné, il ne pourra sûrement maintenir ce qu’il a dit, supposé qu’il l’ait dit(2). Je vous avoue que, pour ma part, j’ai été d’abord un peu vexé; puis, j’en ai pris assez bonnement mon parti.

Il faut que je vous confie que, depuis quelques jours, je ne suis pas très bon, pour ne pas dire mauvais. L’excès de fatigue ne me vaut pas grand’chose; l’extrême distraction ne me vaut rien. Aussi ai-je négligé mon oraison et me suis-je trouvé très humain, dans le mauvais sens du mot. La vexation que m’a fait éprouver la parole de Monseigneur me ramène sous la main de Dieu. Il me semble que je m’y trouve assez bien, pour le moment, et que je passerai, pourvu que je me maintienne, une assez bonne octave de la Fête-Dieu.

La maison va assez bien, les petits surtout prennent une direction excellente. Ce sont réellement de petits anges, au moins un certain nombre. Comme c’est l’espoir de la maison, je tiens beaucoup à ce qu’ils se maintiennent dans la ligne où ils commencent à marcher. Du reste, leur ouverture de coeur est très belle, et, parmi eux, il y a quelques petits zelanti, qui, bien dirigés, feront des auxiliaires excellents. Quant aux professeurs, ils vont tous très bien, sauf Decker qui nous mécontente de plus en plus. Veuillez être assez bonne pour continuer vos investigations. Je m’arrange de manière à avoir des professeurs que je puisse prendre au dernier moment, dans le cas où je ne pourrais pas avoir des religieux pour occuper les chaires qui resteront vacantes par l’effet de nos nouvelles combinaisons. Mais vous comprenez que je voudrais surtout de ces derniers.

Vous voulez savoir ce que j’ai eu? Un grand échauffement et une grande fatigue. Il n’est pas vrai que je n’aie pas suspendu quelques-unes et même plusieurs de mes occupations, puisque je passais une partie de mon temps sur mon lit. J’étais dans une impuissance presque complète d’agir, à moins que je ne fusse comme fouetté par une pensée qui me trottait par la tête. Les chaleurs survenues à la fin du mois de Marie, l’obligation de prêcher ont contribué à ce malaise, qui diminue à présent tous les jours.

Je viens d’écrire à l’abbé Perroulaz. Je lui dis que M. Michel aura peut-être exagéré le bien, que je veux lui dire la vérité; je lui parle de la vie de dévouement, de la règle à s’imposer; je lui vante, tant que je puis, le bonheur de notre vie de frères et je lui dis que je me sens tout heureux de pouvoir l’aimer un jour comme mon ami et comme mon fils. J’ai hésité un peu à lui donner ce dernier nom, mais j’ai cru lui faire comprendre par là quel genre d’autorité je comptais exercer. Du reste, si vous avez été contente des autres lettres à mes futurs enfants, celle-ci, je crois, vous aurait convenu.

Le 12.

Je reçois la lettre où vous me parlez de M. Pourrières(3). Chère enfant, je vous avoue qu’à moins qu’il ne soit positivement disposé à vivre en religieux, je ne suis point tenté de le recevoir. Puis, s’il est seulement minoré et s’il n’a pas de grade, je ne voudrais pas lui donner plus que l’on ne donne aux professeurs de notre Petit Séminaire qui sont dans cette position. Il faut que je tienne ma promesse à l’évêque, avec qui je me suis engagé à ne donner dans ce cas-là que cent écus. Du reste, je vous avoue que tous ces changements ne me donnent pas une trop bonne idée de l’individu. Vous pouvez voir, par ce que je vous dis plus haut, que je serais enchanté d’avoir M. Perroulaz.

Je joins ici votre rendement de compte passé, mais sans réponse, puisque je n’ai pas le temps d’en faire et que vous souhaitez une réponse courrier par courrier.

Adieu, ma chère enfant. J’ai reçu hier vos prospectus, sans savoir par qui. Je m’arrête, à cause du courrier. Adieu, adieu. Mille choses à nos novices.

Notes et post-scriptum
1. D'après une copie. Voir *Notes et Documents*, t. III, p. 392 sq.1. D'après une copie. Voir *Notes et Documents*, t. III, p. 392 sq.
2. Une autre lettre assure que l'évêque de Nîmes ne s'était jamais exprimé de la sorte.
3. Jeune ecclésiastique du diocèse de Marseille, mais vivant à Paris, que la Mère Marie-Eugénie de Jésus lui avait recommandé.