Vailhé, LETTRES, vol.3, p.106

13 aug 1846 Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Nouvelles de la mort de la Mère Marie-Eugénie répandue dans Nîmes. -Il a pris définitivement le Bréviaire romain. -La communauté va dire l’office à minuit. -Fondation d’un Tiers-Ordre de femmes.

Informations générales
  • V3-106
  • 0+478|CDLXXVIII
  • Vailhé, LETTRES, vol.3, p.106
Informations détaillées
  • 1 ASSOMPTION DE LA SAINTE VIERGE
    1 BREVIAIRE ROMAIN
    1 EMOTIONS
    1 FONDATRICE
    1 MORT
    1 OFFICE DE NUIT
    1 REFUGE LE
    1 SANTE
    1 TIERS-ORDRE FEMININ
    2 BAILLY, EMMANUEL
    2 BELLILE, MADEMOISELLE
    2 BOLZE, MADAME SIMEON
    2 BOYER, MADAME EDOUARD
    2 CARBONNEL, MARIE-VINCENT
    2 COIRARD, MIRRA
    2 MONTAUDON, NATHALIE
    2 REVEILHE, MADAME
    2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
    2 TISSOT, PAUL-ELPHEGE
    2 VANHOVE, FIRMIN
    2 WALSIN-ESTERHAZY, FAMILLE
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le 13 août 1846.
  • 13 aug 1846
  • Nîmes,
La lettre

Il faut, ma chère enfant, que vous répondiez une question. Avant-hier, j’étais allé dans une réunion de dames, dont je vous parlerai tout à l’heure. L’une d’elles me demanda s’il était vrai que la fondatrice de l’Assomption fût morte. Je lui répondis d’abord, avec assez de sang-froid, que cela me paraissait assez extraordinaire, puisque j’avais reçu de ses nouvelles l’avant-veille. Comme la même personne me faisait observer qu’on lui assurait avoir vu cette nouvelle dans la Quotidienne, tout en plaisantant sur une pareille histoire, je me sentis un vertige que j’eus grand’peine à dissimuler. Vainement, je fis effort pour penser à autre chose, préoccupé que j’étais de mettre en train quelques-uns de mes enfants, que je voulais mener en partie de plaisir; au bout de plusieurs heures, il paraît que j’étais encore tout pâle. Aujourd’hui même, après quarante-huit heures, je ne suis pas du tout à mon aise et j’ai besoin de votre lettre de demain pour me rassurer contre une folie véritable, mais qui m’agite horriblement, parce que c’est de vous qu’il s’agit. Or, ce que je veux vous demander, c’est ceci: Fais-je bien de vous dire tout cela? Vraiment, j’aurais préféré le garder pour moi, et, si je me décide à vous ouvrir le fond de mes émotions, c’est que je crois que cela vous est nécessaire. J’aimerais bien mieux que vous sussiez, une fois pour toutes, à quel point tout ce qui vous intéresse m’émeut et ne plus vous en parler. Chère enfant, qu’en pensez-vous? Il me semble toujours que nous devons être assez sûrs l’un de l’autre, pour laisser de côté ces manifestations; et puis, pourtant, quand je vous vois . si douteuse envers moi, je me laisse aller à vous laisser lire dans toutes ces faiblesses.

Le 14 août.

Deux grandes nouvelles… Oui, mais auparavant près de deux heures de suspension. Mlle Carbonnel n’est-elle pas dans la maison? Enfin, il faut la laisser et porter en patience ses larmes et ses plaintes de tous les jours. Je reviens à mes nouvelles.

La première est que nous commençons, ce soir, à dire l’office à minuit, au moins pour le temps de l’octave. Vous ai-je dit que j’avais pris définitivement le Romain? Nous l’avons dit d’abord à deux, puis à trois; aux premières Vêpres de l’Assomption, nous serons cinq. Les autres s’y mettront peu à peu(2).

La seconde nouvelle, que j’aurais voulu vous donner plus tôt, est que nous aurons un petit Tiers-Ordre de femmes: ce sont Mmes Boyer, Réveilhe, Bolze, qui va vous amener sa petite fille, et Mlles Coirard, Bellile, une jeune personne très bien qui peut-être vous viendra un jour, et Walsin(3). La chose s’est emmanchée, sans que je sache comment; mais en fin elle ira très bien, J’en suis presque sûr. Je vous donnerai une autre fois les détails. Tous les huit jours, il y aura réunion chez Mme Boyer, pour travailler pour les jeunes apprenties que ces dames patronnent. Ce sera le motif extérieur; puis, quand je voudrai les réunir, elles se rendront au Refuge, dont elles s’occupent aussi beaucoup.

Je reçois votre lettre; je n’en ai pas vu arriver avec plus de plaisir; l’adresse, cette fois, me suffirait. J’ai peur que vous ne finissiez par tomber malade; faites-y bien attention. Je crois que je suis plus égoïste que vous. J’allais vous dire: Ne m’écrivez pas tant, mais ce mot a peine à couler de ma plume. J’ai reçu M. Saugrain; nous l’aimons tous beaucoup.

Adieu. J’ai peur que ma lettre n’arrive trop tard, et pourtant je voulais vous écrire la veille de l’Assomption. Je répondrai bientôt à Mlle Montaudon.

Notes et post-scriptum
1. D'après une copie. Voir *Notes et Documents*, t. III, p. 537 sq., et *Les origines de l'Assomption*, t. II, p. 480.1. D'après une copie. Voir *Notes et Documents*, t. III, p. 537 sq., et *Les origines de l'Assomption*, t. II, p. 480.
2. La Congrégation des Rites devait par son Indult du 21 mai 1847 accorder à l'Institut naissant le calendrier du clergé romain. A ce sujet voici un souvenir du P. Hippolyte Saugrain que nous trouvons dans une lettre écrite de Livry, le 15 août 1893, par le P. Firmin Vanhove au P. Emmanuel Bailly: "Le P. Hippolyte m'a dit à ce propos qu'il se souvient encore d'avoir vu le P. d'Alzon, à la cathédrale de Nîmes, avec un grand Bréviaire romain à tranches rouges. Cela causa une grande émotion parmi les chanoines, ardents partisans de leur Bréviaire nîmois. Mais ils n'osèrent adresser leurs récriminations au P. d'Alzon lui-même... Les quelques membres de la Congrégation naissante prirent aussi le Bréviaire romain et le récitaient en choeur. Le P. Tissot fut chargé d'acheter les Bréviaires; il fit venir des in-12 de la librairie Périsse, de Lyon, et les fit dorer sur tranches. Le P. d'Alzon ne voulut pas de ce luxe, les fit renvoyer à Lyon et en demanda d'autres à tranches jaspées." Les lettres du P. Tissot corrigent les inexactitudes de ce souvenir. Il écrivait de Lyon, le 15 août 1846: "Je verrai de nouveau Périsse, pour qu'il complète la note que vous trouverez ci-incluse. Vous recevrez sous peu de jours le Missel et les douze Bréviaires et Diurnaux, tels que vous les désirez. J'ai fait choix du Bréviaire romain, édition Périsse 1846, comme bien préférable pour la netteté des caractères à trois éditions de Malines qui m'ont été montrées. Les quatre volumes reliés propre et tranche d'or, coûteront vingt et un francs." Le P. d'Alzon dut trouver la reliure trop luxueuse, car le P. Tissot lui écrivit encore le 21 août: "L'envoi de nos livres liturgiques sera retardé de quelques jours, parce que les Bréviaires n'étant pas reliés j'ai dit de supprimer la tranche dorée. On joindra un exemplaire du graduel, du vespéral et du paroissien romain comme spécimen."
3. Walsin-Esterhazy, de la famille du trop célèbre commandant. D'origine hongroise, cette famille était fixée à Nîmes et très liée avec les Germer-Durand.