Vailhé, LETTRES, vol.3, p.113

19 aug 1846 Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Elle doit avoir la disposition habituelle d’aller se reposer de toutes ses fatigues dans la contemplation des mystères de Jésus-Christ. -Accident survenu à un élève. -Il enverra bientôt le plan de la future construction. -Nombreux élèves inscrits. -Il partira le 22 au soir pour Lavagnac. -Nouvelles diverses.

Informations générales
  • V3-113
  • 0+480|CDLXXX
  • Vailhé, LETTRES, vol.3, p.113
Informations détaillées
  • 1 ACCIDENTS
    1 BATIMENTS DES COLLEGES
    1 DEVOTION A LA SAINTE VIERGE
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 ETUDE DES PERFECTIONS DE JESUS-CHRIST
    1 FETE DE L'ASSOMPTION
    1 JEUX
    1 MATINES
    1 MORT
    1 PENSIONNAIRES
    1 REPOS
    1 SYMPTOMES
    1 TRISTESSE
    2 BOYER, MADAME EDOUARD
    2 CART, JEAN-FRANCOIS
    2 HENRI, EUGENE-LOUIS
    3 HERAULT, DEPARTEMENT
    3 LAVAGNAC
    3 MONTAGNAC
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le 19 août 1846.
  • 19 aug 1846
  • Nîmes,
La lettre

Je vais commencer, chère enfant, par vous remercier de votre excellente lettre du jour de l’Assomption. Quel que soit l’état intérieur de souffrance qu’elle me révèle encore, je ne puis m’empêcher de constater un heureux changement; c’est la disposition, que je veux vous rendre habituelle, à aller vous reposer, dans la contemplation des mystères, de toutes vos fatigues. Allez demander à Notre-Seigneur de vous faire trouver, dans la méditation des vérités qu’il vous révèle, la connaissance de ce qui vous donnera la paix; dans la vue de ses perfections, le désir de diminuer vos misères; et, dans les trésors d’amour qui sont cachés dans son coeur, de quoi apaiser tous les instincts trop rebelles de votre nature sauvage. Je tiens très fortement à ce que vous entriez dans cette voie. A proprement parler, je crois que c’est surtout la vôtre, et, puisque c’est le jour de l’Assomption que vous y revenez, je ne puis douter que ce ne soit pour vous une très grande grâce, qui vous aura été obtenue par la Sainte Vierge et par la pauvre enfant, auprès de la dépouille de qui vous étiez allée prier. Pour moi, je suis très résolu à vous maintenir autant qu’il dépendra de moi dans cette disposition, et je veux diriger de ce côté toute l’action de mon autorité, convaincu que je suis que je n’ai pas de meilleur moyen de vous la rendre tolérable, dans l’état où vous êtes, et même un jour aimable.

Vous avez bien raison de dire qu’il faut prémunir les enfants contre le soleil. Mais contre quoi ne faut-il-pas les prémunir? Je viens d’être interrompu par la chute d’un enfant, qui, se balançant sur une escarpolette et y riant de toutes ses forces, a perdu l’équilibre et a été lancé à une distance énorme. Faut-il empêcher les enfants de se balancer? Quel jeu un peu actif qui n’ait pas d’ inconvénient? L’hiver dernier, dans une promenade au pas, l’un de mes morveux s’est cassé un bras. Ces petits êtres tombent comme des mouches, et, avec tout cela, ils sont toujours aussi imprudents, et c’est toujours à recommencer avec eux. Mais ne semble-t-il pas que ce soit votre faute, si je suis tout bouleversé par l’accident qui vient d’arriver? Pardon, ma fille, de ma boutade contre mes morveux.

Pour m’apaiser, laissez-moi vous dire que j’ai pris du papier plus léger pour vous écrire. Je cachetterai ma lettre avec de la colle à bouche et vous voudrez bien me dire si, avec cette précaution, notre correspondance vous coûtera aussi cher. Je fais dresser le plan par terre de l’établissement, tel que je le veux un jour. Je vous l’enverrai, non pour faire les modifications aux grandes distributions, puisque je crois être parvenu à ce qu’il y a de plus commode, mais afin que vous veuillez me trouver quelqu’un qui arrange le plan d’après un style un peu élégant.

Le 23.

Je n’ai pas eu un moment depuis trois jours, ma chère enfant. Il est vrai qu’étant bien fatigué je me suis levé un peu plus tard; et puis, je me décide à aller prendre quelques jours de repos, car il ne faut pas que je songe à les trouver ici, où je suis surchargé. Voilà que j’en suis au cinquante-cinquième nouvel élève, inscrit parmi les pensionnaires. On me parle encore d’un grand nombre de parents qui veulent me donner leurs enfants. Tout cela exige de grandes préoccupations. Vous en serez bientôt là.

Je vais m’occuper de vos deux protégés, mais je vous avoue que je crains de ne pas être heureux dans mes perquisitions. Je pars demain soir pour la campagne(2). Vous voudrez bien m’y adresser vos lettres, par Montagnac, Hérault, comme vous savez; j’y serai jusqu’au 14. Je vous enverrai un plan qu’un architecte m’a fabriqué tant bien que mal, mais je vous enverrai mes idées. Je pense beaucoup à vous, tous ces jours-ci. Pour moi, je ne suis pas très bon. L’excès de la fatigue ne me vaut rien; le repos me fera du bien sous tous les rapports. Je ne trouve en moi qu’un immense sentiment de ma misère. Quant à vous, vous me donnez toujours une indicible tristesse de ne pouvoir relever cette tige courbée, car je sais bien qu’elle n’est pas encore bien redressée. Pauvre enfant, que ne ferais-je pourtant pas! Vous auriez été contente des angoisses de Mme Boyer, si vous l’aviez vue après la prétendue nouvelle de votre mort. mais vous ne voulez pas croire à l’affection que l’on a pour vous.

Laissez-moi m’arrêter. L’envie de continuer ne me manque pas, mais je n’ai pas encore dit Matines; il est 10 heures du matin. Adieu, ma chère enfant. Plus que jamais tout vôtre.

P.S. – Monseigneur m’a écrit une lettre de désolation sur mon projet; il est profondément affligé de mes dispositions(3). Une personne très grave, à qui il a montré ma lettre, est de son avis. Je ne sais que répondre à de pareils arguments, car il n’y en a pas d’autres. Adieu, bien chère fille. Malgré que vous en ayez je sens bien que je suis tout vôtre et pour vous, autant que Notre-Seigneur puisse le désirer.

Notes et post-scriptum
1. D'après une copie. Voir *Notes et Documents*, t. III, p. 480.1. D'après une copie. Voir *Notes et Documents*, t. III, p. 480.
2. En réalité, il quitta Nîmes le 24 août, comme nous l'apprend une lettre de l'abbé Henri, du 25 août
3. Voir à l'Appendice cette lettre datée du 16 août et qui répond à celle du P. d'Alzon, du 12 juillet.