Vailhé, LETTRES, vol.3, p.140

2 oct 1846 Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Remerciements pour sa lettre. -Vision de sainte Catherine de Ricci. -Nombre et noms de ses novices. -Le plan futur de sa maison et l’architecte. -Autres nouvelles. -Encore le plan de la maison.

Informations générales
  • V3-140
  • 0+490|CDXC
  • Vailhé, LETTRES, vol.3, p.140
Informations détaillées
  • 1 AMITIE
    1 BATIMENTS DES COLLEGES
    1 NOVICES ASSOMPTIONNISTES
    1 RECONNAISSANCE
    1 VIE SPIRITUELLE
    2 AUGIER
    2 BLANCHET, ELZEAR-FERDINAND
    2 BOLZE, MARIE-GERTRUDE
    2 BOLZE, SIMEON
    2 CARDENNE, VICTOR
    2 CATHERINE DE RICCI, SAINTE
    2 CHARPENTIER
    2 CUSSE, RENE
    2 GABRIEL, JEAN-LOUIS
    2 GAIRAUD, ABBE
    2 HENRI, EUGENE-LOUIS
    2 HENRI, ISIDORE
    2 LACROIX
    2 MALSCALZONI, MADELEINE
    2 PRADEL, ABBE
    2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
    2 TISSOT, PAUL-ELPHEGE
    3 MARSEILLE
    3 MIDI
    3 NIMES
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le 2 octobre 1846.
  • 2 oct 1846
  • Nîmes,
La lettre

Je me permets par économie d’ôter l’enveloppe que M. G[abriel] a mise à sa lettre. Que vous êtes bonne, ma chère enfant de ne vous point laisser décourager par la vue de tout ce que vous découvrez en moi de nullité dans l’ordre des vertus! Je vous remercie d’avoir parlé si bien. C’est bien maintenant que je vois que vous avez repris toute la liberté de votre coeur. Je ne crois pas que, sous le poids de vos irritations passées, vous eussiez pu m’écrire quelque chose qui m’allât aussi bien. Aussi je vous promets de mettre à part cette lettre et de la relire souvent, à moins que vous ne veuillez m’en écrire souvent de la même sorte(2). Continuez à sonder ces plaies, que je sonde si peu et si mal, et aidez-moi à leur appliquer l’appareil qui les cicatrisera, même malgré moi; car, vous le savez, il y a des plaies chéries, dont à son insu on serait bien fâché de guérir.

Il me semble pourtant que je veux me débarrasser de ce qui fait obstacle pour aller à Dieu et à la possession de l’esprit de Notre-Seigneur. Montrez-le-moi souvent, jusqu’à ce que j’opère au fond de mon coeur quelque chose de semblable à ce que vit un jour une amie de sainte Catherine de Ricci, religieuse comme elle. Soeur Madeleine Malscalzoni, si je ne me trompe, doutant des extases de la sainte, pria Notre-Seigneur de lui faire connaître la vérité sur ce point. Elle alla fixer Catherine pendant une de ses extases, et quel ne fut pas son étonnement de lui voir d’autres traits et de la barbe, une figure en un mot semblable à un portrait de Notre-Seigneur. Et comme la supérieure de la communauté demandait à Catherine, revenue à elle-même, raison de ce changement: « C’est dit-elle, la réalisation de ce mot de Notre-Seigneur, qu’ils soient en moi et moi en eux. »(3) Hélas! mon enfant, quand donc, sans que nous changions de visage, forcerons-nous Notre coeur à changer?

Quoi qu’il en soit, ma chère enfant, je ne veux pas abuser du plus grand secours que Dieu m’ait, je crois, donné dans l’ordre extérieur, qui est votre amitié; et puisque vous voulez tant que je devienne un saint, je dois le vouloir au moins autant que vous, et c’est à quoi je vais m’appliquer de toutes mes forces. Je vous ai envoyé le plan de vie que je me suis tracé, pour l’année qui commence; j’espère y être invariablement fidèle, au moins autant que je le pourrai.

Je crois que vous vous êtes trompée dans le calcul de mes novices. Nous serons onze, et douze en me comptant, avec MM. Tissot, Henri, son frère Isidore, Pradel, Cusse, Augier, Blanchet, Gairaud, Saugrain et Cardenne. Probablement, nous aurons encore un certain abbé Lacroix, que je voudrais beaucoup comme préfet de discipline.

J’ai eu hier une conférence avec M. Charpentier; j’en ai été assez content. Il m’a porté un plan roman, qui m’a paru assez bien. Ce n’est pas l’ogive que j’aurais bien préférée, mais il dit que l’ogive est trop chère, si on veut quelques ornements. C’est dommage, car j’eusse bien aimé pouvoir offrir quelque chose dans le genre ogival, dans notre Midi qui a si peu l’intelligence de ces beautés. Peut-être, après tout, cela ira-t-il mieux que je ne le pense, parce que le genre roman offre, à ce qu’il prétend, des cloîtres plus profonds et qui conviennent à merveille à nos étouffantes chaleurs. Supposé que je ne fasse que prendre son plan comme simple consultation, que pensez-vous que je doive lui offrir? Du reste, il me paraît un homme intelligent, et je traiterais avec lui tout aussi bien qu’avec un autre.

Vers la fin de la semaine prochaine, vous recevrez une petite Nîmoise, que je vous ai déjà annoncée, Mlle Bolze. C’est son père qui l’amène. Il y a dans cette famille des traditions patriarcales de vertus. Je voulais vous envoyer par la même occasion la Soeur converse, dont je vous avais parlé. Je lui avais dit de venir me trouver hier; elle n’a pas paru. Je ne sais si elle pourra partir avec Mlle Bolze.

M. Gabriel est ici depuis avant-hier. Il nous fait grand plaisir pour ses bonnes conversations; il s’est un peu ouvert avec moi, mais je ne sais si je viendrai à bout de le faire parler comme je voudrais. Je ne pense pas qu’il ait à se plaindre de mes plaisanteries; je ne lui en fais aucune et je tâche de lui témoigner aussi bien que je puis, une affection que, du reste, j’éprouve bien cordialement.

Le 3 octobre.

Décidément, la converse que je vous annonçais ne pourra pas venir. J’ai vu son confesseur; il pense qu’elle ne peut quitter Nîmes que lorsqu’une de ses soeurs, qu’elle a besoin de surveiller de trop près, sera mariée. M. Charpentier est encore revenu hier. Il m’a porté le plan de notre future maison avec le devis; le tout se montera à un million au moins. Je ne suis pourtant pas très effrayé, car j’ai fait mon calcul que je ne crois pas fautif. Si, comme je le présume, dans trois ans, j’ai 300 élèves chaque année, je peux mettre de côté 80,000 et même 100,000 francs. Il faudrait déduire les intérêts, mais à mesure qu’ils iraient en diminuant, par les 40,000 ou 50,000 francs que l’on mettrait à amortir le capital, l’amortissement augmenterait d’autant, et, d’autant aussi, la dette serait plus tôt couverte.

Du reste, j’aime beaucoup M. Charpentier. La rapidité de son esprit me convient à merveille. Priez bien le bon Dieu et la Sainte Vierge, à qui je confie cette entreprise, pour que je ne fasse aucune imprudence. On commencerait par bâtir un des corps du logis, et provisoirement la chapelle serait formée par la salle de distribution des prix, où plus tard on mettrait les maîtres d’agrément. La salle des prix serait portée de l’autre côté, où serait la salle des conférences, supposé qu’on en voulût une. Mais pourquoi vous parler de tout cela? Je sais que mon activité trouve là un merveilleux aliment, auquel je dois ne pas penser ces jours-ci, où je vais prêcher la retraite à mes professeurs et surveillants. Priez beaucoup pour eux.

Je ne sais que penser de l’Italien. Il m’a demandé d’aller à Marseille chercher quelques vêtements qu’il y avait engagés; il est parti, et quoiqu’il dût être de retour depuis avant-hier, je ne l’ai pas encore revu. Adieu, ma chère enfant. Voilà M. Gabriel qui entre.

E. d’Alzon.

J’ai fait un jugement téméraire: l’Italien vient d’arriver(4). Adieu. Priez bien pour la conversion des fils et du père.

E.D'ALZON
Notes et post-scriptum
1. D'après une copie.
2. Il s'agit de la lettre de la Mère Marie-Eugénie de Jésus, datée du 2 septembre.
4. C'était Augier, arrivé depuis quelques semaines et dont il espérait faire un novice.3. *Ioan*. XIV, 20; XVII, 21.