Vailhé, LETTRES, vol.3, p.209

24 feb 1847 Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Sa dernière lettre est parfaite. -Qu’elle persévère dans ses sentiments intérieurs actuels. -Commission pour le P. Jeandel. -On lui apporte à Paris le plan de son futur collège. -Description détaillée des diverses parties. -Projet de s’établir à la campagne de Nîmes.

Informations générales
  • V3-209
  • 0+513|DXIII
  • Vailhé, LETTRES, vol.3, p.209
Informations détaillées
  • 1 BATIMENTS DES COLLEGES
    1 BIBLIOTHEQUES SCOLAIRES
    1 CELLULE
    1 CHAPELLE
    1 CHEMIN DE FER
    1 COMMUNION FREQUENTE
    1 DISTRACTION
    1 LOCAUX SCOLAIRES
    1 SANTE
    1 VIE SPIRITUELLE
    2 BOLZE, SIMEON
    2 CATHERINE DE SIENNE, SAINTE
    2 GABRIEL, JEAN-LOUIS
    2 GOUBIER, VITAL-GUSTAVE
    2 HENRI, EUGENE-LOUIS
    2 JANDEL, VINCENT
    3 MIDI
    3 NORD
    3 PARIS
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le 24 février 1847.
  • 24 feb 1847
  • Nîmes,
La lettre

J’ai reçu hier, ma chère enfant, la lettre que vous m’avez écrite pendant votre retraite du mois; je la trouve parfaite sous le rapport des sentiments qu’elle exprime pour Notre-Seigneur et je suis très convaincu que, si vous pouvez vous maintenir dans cet ordre de rapports avec lui, vous ferez sûrement des progrès dans le bien. Continuez donc, autant qu’il dépendra de vous, à vous offrir toujours à lui de la même manière. Vous avez bien raison, je suis un peu trop distrait ici. Cependant, observez que je m’éloigne tous les jours de tout ce qui peut être pou moi une pierre d’achoppement sur ce rapport. Je suis ravi de voir que votre santé est meilleure, puisque vous pouvez être plus exacte à votre lever; pour moi, je souffre encore de mes crampes, mais il me semble que je les domine.

Puisque les lettres où vous me contez vos ennuis vous donnent une certaine ouverture de coeur et vous la rendent même complètement quelquefois, je vous fais une obligation, quand vous jugerez ce moyen utile, de ne pas vous arrêter à ce que je pourrais en ressentir; attendu que ce qui m’y fait de la peine, je crois pouvoir vous l’affirmer, est moins ce que je vois de vos souffrances que ce que j’en souffre moi-même. Ce que je trouve bien dans votre lettre, ce sont vos réflexions sur les paroles de sainte Catherine de Sienne: »Si vous êtes celle qui n’est pas, demandez-vous donc ce qui est dû au néant. » Il y a là un grand principe de paix pratique. Je vous promets très volontiers toutes les décisions précises que vous voulez que je vous donne, avec les commentaires nécessaires pour vous faire connaître les apparentes contradictions qu’elles renfermeront quelquefois. Je crois que vous ne devez plus avoir de scrupules sur votre amitié; les scrupules appellent les scrupules, et c’est à n’en pas finir. Au point où vous en êtes, le meilleur est d’aller à la bonne.

Si vous avez occasion de voir le P. Jeandel, veuillez lui demander s’il consentirait à recevoir dans une de ses maisons, et pour quelque temps, un prêtre qui voudrait faire une retraite un peu prolongée. S’il dit oui, je lui écrirai plus longuement certains détails essentiels. Je vous remercie de ce que vous avez fait pour une postulante de Saint-Thomas. J’ignore à présent si elle en profitera. M. Gabriel a parfaitement raison de vouloir vous faire communier tous les jours; je l’approuve complètement en cela. Ainsi vous n’avez rien de mieux à faire qu’à obéir.

J’arrive à vous parler d’un plan, qui est parti hier pour Paris et qui vous sera remis par un associé de M. Bolze. Ce n’est qu’une ébauche, mais les détails pour l’ordre de la maison y ont été parfaitement observés. Le plan est censé offrir la grande façade tournée au Nord, et la partie du grand collège jointe aux appartements de l’administration au Midi. L’échelle est de 2 millimètres par mètre. Rien n’est changé au plan primitif de la façade principale, sauf l’arrangement des maîtres d’agrément, dont les cellules me paraissent offrir un grand avantage. Le corridor obscur, avec des portes vitrées, permet de savoir tout ce qu’ils font et ce que font les élèves. La distribution de la lingerie se ferait plus tard, comme celle de l’infirmerie; le local n’y manquera pas. Nous avons raisonné toujours sur l’hypothèse de 200 à 300 élèves. Les dortoirs du petit et du moyen collège peuvent contenir 100 lits, à 50 par dortoir, et il y a 4 dortoirs. Le grand collège n’en a qu’un de 66 lits qu’on peut partager, si l’on veut, sans difficulté. Il y a près du petit collège un dortoir supplémentaire, si l’on veut faire une division pour les tout petits. La salle de dessin est aussi au 1er.

Au rez-de-chaussée, par où j’aurais dû commencer, se trouvent les quatre réfectoires: les deux premiers peuvent contenir 108 élèves chacun, le troisième 92. On prétend que cette division est très utile. Les cuisines sont, vous le savez, dans les caves. Outre l’escalier d’honneur pour les parents, il y en a trois dans le cloître; les deux près du réfectoire sont placés là pour la facilité des passages du dortoir à la chapelle, qui ont lieu le matin et le soir. On arrive à la chapelle par deux portes. A fin de remplir les bancs plus rapidement par en haut et par en bas, le petit collège entre par le côté du choeur, le moyen et le grand collège traversent la nef et remontent par le passage, tout près de la grande porte. L’écoulement par ce moyen se fait plus vite. Provisoirement, la salle des exercices servira de chapelle. L’on a bien mis deux entrées pour les deux cours intérieures des cuisines, mais il me semble qu’en laissant un passage derrière la chapelle, ce qui serait facile, on peut éviter ces deux portes, dont l’une (celle près de la sacristie) serait simulée et permettrait d’avoir une pièce de plus; d’autant plus que, provisoirement, cet espace pourrait fort bien être pris pour une salle d’exercices. Cette salle d’exercices est très importante. C’est là que nous réunissons les élèves, quand nous voulons leur parler; c’est là qu’ont lieu les ordres du jour. La salle définitive sera disposée de manière à servir pour la distribution des prix.

Au 1er, vous voyez une immense bibliothèque, mais on peut la partager en plusieurs pièces sans difficulté. Ce n’est qu’une indication. Au second, se trouvent les cellules des religieux, cellules un peu vastes, il est vrai, mais il faut songer qu’elles sont au second. Dans nos pays, la loggia qui occupe tout le midi est, pour les gens logés au second, une promenade pour les jours d’hiver et pour les soirs d’été; puis, on a besoin d’espace au rez-de-chaussée et l’on n’en a plus que faire au second.

La chapelle a des pans coupés que l’on peut supprimer sans difficulté. Il faudrait les supprimer aussi aux angles rentrants de l’édifice; mais ce ne serait pas là un grave inconvénient; au contraire, j’y verrais un certain avantage. Les deux galeries qui unissent le bâtiment carré à la grande façade devraient être couvertes, au rez-de-chaussée, avec une barrière de 2 mètres, soit pour masquer les saletés de la cour aux cuisines, soit pour empêcher les élèves d’y pénétrer. Mais je voudrais qu’elle ne fût pas fermée plus haut pour y faciliter la circulation de l’air. Au 1er, ce serait différent et l’on pourrait, je crois, sans peine prendre la place de plusieurs chambres de 4 mètres, en laissant un passage de 2 mètres. Voilà des explications bien décousues, mais j’ai été dérangé plusieurs fois en vous les écrivant. Il faut ajouter que les latrines des enfants seraient dans les cours. Nous avons accepté sous ce rapport le système de M. Nicolle; on pourrait en pratiquer très aisément dans les dortoirs pour la nuit. Voilà à peu près tout.

Maintenant, c’est pour moi une grande question que celle de l’emplacement. J’en ai plusieurs. Je suis assez séduit par une campagne, à vingt minutes ou une demi-heure de Nîmes, à deux ou trois minutes d’une station du chemin de fer, où je trouverais les plus beaux arbres des environs de Nîmes. La maison n’est rien par elle-même. J’aurais les plus beaux champs pour étendre mes cours, et tous les voisins se chargent des terres que je ne prendrais pas. La difficulté est pour les maîtres d’agrément. Peut-être serait-elle levée si l’on s’arrangeait avec le chemin de fer. Il est évident qu’il y a économie énorme, d’abord à bâtir, puis à vivre à la campagne.

Adieu, ma chère enfant. Priez pour moi. J’ai prié pour vous aujourd’hui, à la messe que j’ai dite entre le commencement et la fin de cette lettre. C’était votre jour (mardi). J’ai un peu de grabuge avec M. Goubier. Il est un peu fâché, mais comme il ne peut pas dire qu’il y ait de ma faute sans amener une grosse explication, je le laisse se fâcher tout à son aise avec M. Henri.

Tout vôtre en Notre-Seigneur.

Notes et post-scriptum
1. D'après une copie.