Vailhé, LETTRES, vol.3, p.222

30 mar 1847 Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Sa manière de prendre certaines épreuves. -Il se reproche de ne l’avoir pas assez poussée au bien. -Conseil de lire la *Vie de J.B. de la Salle*. -Premières Communions et état moral du pensionnat de Nîmes. -Il songe toujours à le transporter à la campagne. -Il voudrait que ses professeurs laïques fissent un Port-Royal catholique. Nouvelles diverses.

Informations générales
  • V3-222
  • 0+517|DXVII
  • Vailhé, LETTRES, vol.3, p.222
Informations détaillées
  • 1 ANCIENS ELEVES
    1 CHEMIN DE FER
    1 EDUCATION RELIGIEUSE
    1 EPREUVES SPIRITUELLES
    1 EXAMENS SCOLAIRES
    1 LACHETE
    1 LIVRES
    1 MAITRES
    1 OEUVRES CARITATIVES
    1 PATERNITE SPIRITUELLE
    1 PREMIERE COMMUNION
    1 TIERS-ORDRE FEMININ
    1 VOYAGES
    2 BLONDEAU
    2 CARBONNEL, MESDEMOISELLES
    2 CARDENNE, VICTOR
    2 FALCONNIER, M.-LOUIS
    2 GERMER-DURAND, EUGENE
    2 GERMER-DURAND, MADAME EUGENE
    2 JEAN-BAPTISTE DE LA SALLE, SAINT
    2 MONNIER, JULES
    3 NIMES
    3 PARIS, CHAILLOT
    3 PARIS, CHAUSSEE D'ANTIN
    3 PORT-ROYAL DES CHAMPS
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le 30 mars 1847.
  • 30 mar 1847
  • Nîmes,
La lettre

Quoique je vous aie écrit hier, ma chère enfant, je veux prendre la plume au moins aujourd’hui, pour vous dire que je me fais de très graves reproches de la faiblesse avec laquelle je prends certaines épreuves. Ne devrais-je pas être trop heureux de les recevoir de Dieu! Il me paraît que c’est bien maintenant ma résolution, et, à proprement parler, je crois que c’est là en partie le secret de la force même physique des saints. Le corps fléchit au milieu des peines morales que l’âme éprouve. Mais quand, à ce principe spirituel de défaillance, on oppose un principe supérieur d’énergie, autant celui-ci sera plus fort que le premier, autant le corps trouvera l’appui contre l’ébranlement que les ennuis de diverses espèces peuvent lui causer. Du reste, quoi qu’il en doive arriver, je me crois résolu à me donner à Dieu et à lutter contre ma lâcheté passée.

J’ai aussi des excuses à vous faire, c’est de ne vous avoir pas assez poussée au bien depuis quelque temps. Je vous assure que mes torts envers vous me deviennent bien évidents, et, quand même ce ne serait pas entièrement comme vous l’entendez, il me semble que c’est bien comme Notre-Seigneur l’entend. Il m’est très évident, lorsque je me mets à ses pieds, que je n’ai pas été tout ce que j’aurais pu être pour vous comme guide, comme père, comme appui. J’ai trop vu ce qu’il y avait de bon pour moi dans votre amitié, pas assez tout ce que j’aurais dû exiger de vous pour vous forcer à être une sainte. Je me suis arrêté peut-être à ce qui était ma joie, pas assez à ce qui était votre utilité(2). Il me semble que je le vois très clair maintenant et que je veux y porter remède. J’ai hésité à vous dire ces choses. Cependant, comme elles me viennent à mesure que je veux demander pardon à Dieu de mon passé, je ne vois pas pourquoi je ne vous ferais pas part de ma contrition et de mon ferme propos, pour ce qui vous concerne. N’est-ce pas une preuve à vous donner de la manière dont je juge cette époque, où vous avez tant souffert?

Je vous engage très fortement à faire lire au réfectoire la Vie de M. de la Salle, en deux volumes in-4°. On peut supprimer un immense discours préliminaire qui tient la moitié du premier volume. Je pense que vous aurez quelques réclamations sur le style, mais ensuite vous verrez que le sujet fera oublier certains défauts de forme et fera certainement impression sur vos Soeurs. Je souhaite qu’elle soit aussi grande pour elles qu’elle l’a été pour nous. Notez bien que je parle de l’édition in-4°.

Je prierai de tout mon coeur pour vos petites nouvelles communiantes, ainsi que pour la maîtresse qui les a plus spécialement préparées. Nous aurons, nous, une première Communion quatre semaines après, parce que nous comptons présenter au moins trente enfants. C’est énorme. Les autres années, cependant, il faudra bien en fournir à peu près le même nombre. L’état moral de la maison est assez satisfaisant. Les enfants sont assez convaincus que rien ne nous échappe et que nous avons toujours l’oeil sur eux. La classe de seconde, qui forme le corps avancé de la maison, nous désole par son absence d’esprit chrétien. M. Monnier et M. Cardenne y ont perdu leur latin. M. Durand, qui remplace M. Monnier momentanément malade, ne sait par quel bout les prendre. J’ai presque envie de me charger de leur donner l’instruction religieuse, et probablement c’est le parti que je prendrai, à moins que je n’aille en promenade avec eux, ce que je me reproche de ne pas faire assez. En revanche, M. Durand prétend avoir constaté un travail d’assimilation parmi les professeurs laïques qui le frappe tous les jours davantage. C’est qu’il faut dire qu’il y a, dans ce bon Durand, un esprit chrétien, dont l’action silencieuse mais permanente sur tout ce qui l’entoure fait plus que tout ce que je puis obtenir par mes instructions, qu’à la vérité je n’épargne pas.

Vous ai-je écrit que nous étions décidés à aller à la campagne? Par le chemin de fer, nous serons à dix minutes de Nîmes; par le grand chemin de poste, à vingt minutes en voiture, et, par un sentier de traverse, à quarante-cinq minutes. Les professeurs viendraient loger à la campagne. Il y aurait là des inconvénients, mais il y a aussi de grands avantages. Les inconvénients étaient l’ennui du voisinage des femmes des professeurs, mais nous comptons sur elles pour un Tiers-Ordre, et Mme Durand, qui fait partie de celui que j’ai essayé, sera, j’en suis sûr, la femme qu’il faudra pour servir de prieure. Les avantages sont que les professeurs seront beaucoup plus mêlée avec les élèves, ce à quoi je trouve jusqu’à présent le plus grand bien. Ensuite, ce que je vous dis, en commençant ma lettre, de la manière dont l’énergie supérieure de l’amour de Dieu détruit, dans le corps, l’influence funeste des douleurs, s’applique ici par analogie. Pour détruire l’effet dangereux de certains inconvénients, il faut emporter ces inconvénients par un principe d’action plus fort et plus puissant. Or, c’est ce que nous cherchons à obtenir, autant qu’il dépend de nous, par l’action que nous essayerons de faire exercer par les professeurs, soit dans les bonnes oeuvres, sur la Société de Saint-Vincent de Paul, soit sur les anciens élèves de la maison, soit dans l’ordre scientifique. Ne vous effrayez pas de tout ceci. Je crois qu’il faudrait une longue conversation pour bien faire comprendre ma pensée. N’entrevoyez-vous pas la possibilité de faire comme un Port Royal catholique? Ce serait le fait des professeurs laïques. Tout ceci exige pourtant de grandes réflexions.

La manière que vous avez adoptée pour les examens me paraît la meilleure. Nous la pratiquons ici. Seulement, pour ne pas les trop prolonger, nous nous sommes partagés en trois commissions; sans quoi, nous étions forcée d’y consacrer un mois par trimestre, ce qui devenait abusif. Vraiment, si l’hôtel de la rue de Chaillot vous va, je crois qu’en votre place je l’arrêterais sur- le-champ; et cependant, j’avoue que j’aimerais d’essayer la Chaussée d’Antin, si vous pouvez sur-le-champ y louer quelque chose de bien. Je ne veux point du Savoyard que vous me dépeignez; veuillez remercier M. Falconnier. Ce que vous me dites de M. Blondeau me touche beaucoup(3). Veuillez lui parler de moi. Peut-être pourrai-je lui être utile, mais qu’il me dise en quoi. Tâchez de le savoir. Si je puis lui venir en aide, je le ferai bien volontiers. Quant à mon voyage, je pense pouvoir le faire vers la fin d’avril, mais pas plus tôt, immédiatement après la première Communion de mes enfants.

Adieu, ma chère fille. Je bavarde toujours avec vous et j’oublie, en vous écrivant, bien des choses. Les demoiselles C[arbonnel] sont à la campagne. Mlle Anaïs ni moi ne savons si elles reviendront ce soir.

Notes et post-scriptum
1. D'après une copie. Voir *Notes et Documents*, t. IV, p.38 sq.1. D'après une copie. Voir *Notes et Documents*, t. IV, p.38 sq.
2. C'est le reproche contraire que lui adressait la Mère Marie-Eugénie de Jésus dans presque tous ses lettres.
3. C'était un employé de Paris, qui avec d'autres jeunes gens chantait aux offices de Notre-Dame des Victoires. Par lui, la supérieure de l'Assomption et le P. d'Alzon entrèrent en relations avec eux; presque tous manifestaient le désir d'embrasser la vie religieuse, mais aucun d'eux ne mit le projet à exécution