Vailhé, LETTRES, vol.3, p.226

9 apr 1847 Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Ses rapports avec l’abbé Goubier et avec l’abbé Henri. -A propos de postulants. -Départ des demoiselles Carbonnel. -Sur ses projets d’établissement à la campagne. -Etat de crise de la maison qui l’empêche de s’absenter longtemps. -Remerciements pour ses souhaits. -Conseils spirituels.

Informations générales
  • V3-226
  • 0+518|DXVIII
  • Vailhé, LETTRES, vol.3, p.226
Informations détaillées
  • 1 BATIMENTS DES COLLEGES
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 DEFAUTS
    1 ECONOMAT
    1 EPREUVES SPIRITUELLES
    1 MAITRES
    1 MEDECIN
    1 MOIS DE MARIE
    1 PAQUES
    1 RESSOURCES FINANCIERES
    1 SAMEDI SAINT
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    2 BLONDEAU
    2 CARBONNEL, ANTOINETTE
    2 CARBONNEL, ISAURE
    2 CARBONNEL, MARIE-VINCENT
    2 GOUBIER, VITAL-GUSTAVE
    2 HENRI, EUGENE-LOUIS
    2 MICHEL, ERNEST
    3 PARIS
    3 PARIS, SEMINAIRE SAINT-SULPICE
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le 9 avril 1847.
  • 9 apr 1847
  • Nîmes,
La lettre

J’ai tardé un jour à répondre à votre lettre du Samedi-Saint et du jour de Pâques, ma chère enfant, parce que j’ai passé une partie de la matinée d’hier avec M. Goubier, qui revint à la maison avant-hier. Comme je comprenais qu’il faisait un grand effort pour cela, je me hâtai de lui rendre sa visite, et, comme il s’était plaint que je ne lui disais rien de ce qui se passait dans la maison, je l’écrasai de détails. Nous paraissons revenir au mieux, mais je crois que l’effet produit par la froideur, qui a régné tout le Carême, sera la conviction, de sa part, qu’il faut qu’il me laisse un peu plus les coudées franches; et, au point de vue de l’ordre, je n’en suis pas fâché. Car, d’un autre côté, il est très vrai que je ne demanderais pas mieux que de laisser la responsabilité de l’oeuvre à quelque autre et de combattre en simple soldat.

Peut-être serai-je censé lui sacrifier l’abbé Henri et, d’une pierre, ferai- je deux coups. Voici comment. J’ai découvert, de la part de l’abbé Henri, des indiscrétions telles que, si elles ne sont que légèreté de sa part, elles suffisent à ce seul titre pour m’interdire de lui rien confier d’important, et j’ai acquis la certitude de ces indiscrétions par des faits que l’on m’a rapportés comme révélés par lui, à qui seul je les avais confiés. D’autre part, l’abbé Goubier ne se sent pas le courage d’avoir désormais des rapports d’argent avec lui. Je lui terai l’économat, et, par ce moyen, je contenterai M. Goubier et je me débarrasserai de ces rapports qui ne peuvent plus avoir pour moi aucun prix. Si vous connaissiez quelque jeune négociant parmi les amis de M. Blondeau, il me semble que vous pourriez lui persuader de me le donner, sans qu’il eût trop à s’effrayer de son ignorance du grec et du latin. Quant à votre petit sculpteur, examinez-le bien; j’en aurais assez envie, mais pourtant je ne voudrais pas trop avoir affaire à de mauvaises têtes. Je pense qu’il vaut mieux, en effet, attendre que j’aille à Paris. Si M. Michel pouvait me procurer un bon maître d’étude, je le payerais bien cher en ce moment et vous pourriez me l’expédier courrier par courrier.

Quant aux demoiselles Carbonnel, elles sont parties, il y a trois ou quatre jours, pour la campagne. L’aînée attend, à ce qu’il paraît, que j’aille l’y chercher. C’est ce que je ne ferai positivement pas. La cadette est toujours ici, souffrant beaucoup, mais bien plus maîtresse d’elle-même que je ne l’aurais cru; ce qui est un bon signe.

Quant à la campagne, voici ma position. Je comptais avoir 360,000 francs d’une terre de mon père. Or, on ne m’en veut donner que 300,000, au plus 325,000. Dans ce cas-là, je serais fort à court pour achever les constructions que j’avais projetés. Me voilà fort embarrassé, car si mes parents viennent à savoir que j’ai emprunté, ils ne manqueront pas de se fâcher contre mon insatiabilité. Voilà qui me contrarie un peu, mais enfin il faut aussi compter sur la Providence.

Avez-vous eu occasion de faire étudier le plan que je vous ai envoyé? Au lieu de 50 mètres, il en faut 52 au préau, pour avoir des arceaux de 4 mètres.

Je considère bien comme vous la présence de nouveaux religieux parmi nous, mais il faut qu’ils viennent. Parmi les jeunes médecins, M. Blondeau n’a-t-il aucun sujet à me donner? Il me semble que la chose est possible, et il me serait très utile d’en avoir un pour l’infirmerie. Je suis tout disposé à passer mes soirées comme M. Blondeau le désire, si je puis trouver le moyen d’y avoir de jeunes religieux. Quant au Séminaire de Saint-Sulpice, je ne sais trop que vous en dire. Je crois qu’il y a là beaucoup de bons éléments, mais il faudrait pouvoir les démêler, et ce n’est pas chose très facile. Je vous promets de n’accepter aucun mois de Marie. Du reste, je vous avoue que je n’ai pas la pensée de rester bien longtemps dans l’état de crise où se trouve la maison. Mon absence serait funeste, je crois, si elle se prolongeait. C’est pour cela que je voudrais bien que vous fussiez assez bonne pour arranger toutes choses, pour que nous puissions avoir tout d’abord quelques conférences avec l’architecte ou les architectes que vous avez déjà consultés.

Vous êtes bien bonne, chère enfant, de me parler de vos espérances pour l’oeuvre qui me semble échue en partage. Hélas! Dieu veuille que vos souhaits soient des prophéties! Il y a chez vous quelque chose de si bon qu’on se sent tout fortifié, alors même qu’on n’avait pour combattre que le courage d’un parti pris. Ne croyez pas cependant que j’en sois là. Mais brisons là-dessus. Nous en parlerons à mon arrivée à Paris. Quant à vous, ma chère enfant, je suis plein d’espérance et je suis loin de partager vos terreurs; au contraire, il me semble que toutes vos souffrances passées auront un bon résultat. Le premier, sûrement, de m’avertir du mal que je puis vous faire, même sans le vouloir. Mais encore une fois, chère enfant, je vous conjure de ne vous laisser aller qu’à un peu de confiance pour votre père, et vous verrez, j’en suis sûr, que tout se calmera. Notre-Seigneur, comme vous le dites, n’avait que ses blessures pour porter le monde, mais je crois que vous pouvez avoir, avec ses blessures, les vôtres et la force que notre divin Maître vous a communiquée.

Vous avez raison de vous plaindre que je ne suis pas toujours le même. J’espère que j’aurai acquis quelque chose à cet égard, quand nous nous reverrons. Adieu, ma chère enfant. Tout à vous et du fond du coeur.

Notes et post-scriptum
1. D'après une copie.