Vailhé, LETTRES, vol.3, p.229

16 apr 1847 Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

La maladie l’a empêché d’écrire. -Nouvelles diverses. -L’oeuvre qu’ils dirigent demande qu’ils ne s’occupent pas de leurs blessures, mais aillent toujours de l’avant. -Raisons qui retarderont sans doute son voyage.

Informations générales
  • V3-229
  • 0+519|DXIX
  • Vailhé, LETTRES, vol.3, p.229
Informations détaillées
  • 1 COUVENT
    1 EPREUVES SPIRITUELLES
    1 EXAMENS SCOLAIRES
    1 FONDATION D'UN INSTITUT RELIGIEUX
    1 MALADIES
    1 MORT
    1 UNION DES COEURS
    2 BLONDEAU
    2 CARBONNEL, MARIE-VINCENT
    2 CARBONNEL, MESDEMOISELLES
    2 LARCY, MADAME ROGER DE
    2 LARCY, ROGER DE
    3 ALES
    3 GARONS
    3 LARGUIER
    3 NIMES
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le 16 avril 1847.
  • 16 apr 1847
  • Nîmes,
La lettre

Je veux absolument vous écrire aujourd’hui, ma chère enfant, car enfin il faut au moins que vous sachiez pourquoi je me suis tu depuis quelques jours. Je suis pris d’un énorme rhume, qui m’a empêché de dire la messe depuis cinq ou six jours et me force à garder la chambre. C’est tout au plus si, hier et aujourd’hui, je suis descendu deux heures pour présider les examens trimestriels, mais je me trouvais trop fatigué pour y concourir autrement que par ma présence. Je ne vous donne ces détails que parce que je tiens à vous prouver que je ne suis pas coupable envers vous. J’ai augmenté mon rhume en allant dimanche soir à Alais(2). M. de Larcy m’appelait auprès de sa femme malade, que vous avez vue à Nîmes une fois, si je ne me trompe. Je passais à Alais le lundi jusqu’à 4 heures, croyant Mme de Larcy hors de danger. Le lendemain matin, à 8 heures, elle était morte; elle avait à peu près trente-quatre ans.

Le jeune artiste dont vous me parlez n’a pas encore paru. Qu’il arrive donc vite, s’il tient tant à être ici avant mon départ! Les demoiselles Carb[onnel] sont toujours à la campagne(3). Je tiens à ne pas les aller chercher. Hier, elles ont fait dire à leur soeur qu’elles la laissent libre d’aller en quelque couvent que ce soit, excepté l’Assomption, mais que si elle va chez vous, elles (l’aînée du moins) feront du scandale. Mlle Anaïs est très résolue à ne pas reculer. Seulement, elle ne voudrait pas partir pour Paris en même temps que moi; sans quoi, elle y serait déjà. Je suis très content du calme et de la paix avec laquelle elle domine ces dernières épreuves.

Que vous dirai-je de vous à présent, ma chère enfant, sinon que je vous plains de souffrir autant de votre pauvre coeur, et qu’il faut vous relever toujours par la forte pensée de l’oeuvre à laquelle Dieu vous appelle? Nous devons être, dans le travail qui nous est imposé, comme ces capitaines, qui, blessés dans le combat, se font panser à la hâte pour ne s’occuper que de la victoire à remporter. Ceux qu’un boulet ou un coup de sabre prive d’une jambe ou d’un bras peuvent, par la force de leur volonté, suspendre un moment l’effet de la douleur. Je suis très convaincu que nous, au contraire, nous pouvons même guérir nos blessures par la force de notre attention, et c’est sous ce rapport que je voudrais savoir si vous ne pensez pas que le diable vous a fait perdre quelquefois du temps à vous replier un peu trop sur vous- même. La perfection du dévouement, telle que notre oeuvre la demande, n’exige-t-elle, pas que nous ne perdions pas nos forces à nous soigner en plaçant et déplaçant sans cesse les bandages posés sur d’anciennes blessures?

Je regrette de n’avoir pas assez de temps pour vous développer cette idée, qui me frappe depuis quelque temps. Il me semble que nous n’absorbons pas assez notre vie, ce que Dieu attend de nous pour l’oeuvre qu’il semble nous confier, et que ce serait là pourtant à quoi, par-dessus tout, nous devrions nous appliquer et où nos deux vies devraient en quelque sorte se fondre en une. Peut-être ai-je sur ce point plus de reproches à m’adresser que vous, et peut-être alors ai-je tort de vous juger ainsi d’après moi. Je sais que sur cet article j’aurais, pour ce qui me concerne, quelques torts à accuser.

Je ne puis vous fixer d’une manière précise le moment de mon arrivée. La nécessité de remplacer les demoiselles Carbonnel, d’empêcher certains empiétements d’autorité, me force à bien des démarches. D’autre part, je tiens beaucoup à voir les jeunes gens dont vous parle M. Blondeau. Comme je vous le disais dans ma dernière lettre, j’espère que nous serons contents l’un de l’autre, pourvu que nous puissions nous retrouver un peu à l’aise, et je compte bien que cela sera, si Dieu le permet. Il me semble qu’il faut trop que cela soit ainsi, pour que cela ne soit pas.

J’attendais une lettre de vous, ce matin, mais le courrier n’arrive pas, et je ne veux pas manquer l’heure du courrier. Adieu, ma chère fille. Prions bien l’un pour l’autre, afin que le Saint-Esprit nous donne unitatem spiritus in vinculo pacis(4).

Notes et post-scriptum
1. D'après une copie. Voir *Notes et Documents*, t. IV, p. 78.
2. C'est-à-dire le 11 avril.
3. Dans leur propriété de Largnier, près de Garons, sur la route de Nîmes à Arles.
4. *Eph.*, IV, 3.