Vailhé, LETTRES, vol.3, p.240

9 may 1847 Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Puisqu’elle n’ose donner un avis sur son voyage, il ne peut que répéter que, brisé physiquement et moralement, il doit rester à Nîmes. -Durant l’été, il ira faire une retraite.

Informations générales
  • V3-240
  • 0+523|DXXIII
  • Vailhé, LETTRES, vol.3, p.240
Informations détaillées
  • 1 AMITIE
    1 EGOISME
    1 FAIBLESSES
    1 RECONNAISSANCE
    1 RETRAITE DES RELIGIEUX
    1 VOYAGES
    2 CARBONNEL, MARIE-VINCENT
    2 LACORDAIRE, HENRI
    2 O'NEILL, THERESE-EMMANUEL
    3 CHALAIS
    3 VALBONNE
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le 9 mai 1847.
  • 9 may 1847
  • Nîmes,
La lettre

Je reçois votre lettre et celle de Soeur Th[érèse]-Em[manuel]. Je répondrai à celle-ci plus tard. Je veux prendre le temps de prier Dieu et obtenir de la Sainte Vierge la grâce de guérir les blessures que j’ai faites et qui ont eu, pour moi, un contre-coup plus douloureux que vous ne semblez le croire. Il me semble que cette faveur ne me sera pas refusée. J’y attache trop de prix pour ne pas l’obtenir à la longue.

Je ne sais que répondre à ce que vous me dites sur mon voyage. Puisque vous vous tenez en dehors, je vous avoue, chère enfant, que je ne sais que vous dire une chose: Je ne puis pas. Outre que la maison, en ce moment, m’enchaîne et m’écrase, je me sens dans un état de faiblesse morale qui m’ôterait toute mon action sur les jeunes gens avec qui on voudrait me mettre en rapport. J’ai besoin d’un peu de temps pour sortir de cette crise, dont je m’exagère peut-être les effets. Le fait est que je suis tout brisé. Est-ce le corps? Est-ce l’âme? Je n’en sais rien. Il est sûr que je ne suis bon à rien. Je vais comme une machine, à qui l’impulsion est donnée, mais trop détraquée pour en recevoir une nouvelle et qui, ou s’arrêtera d’elle-même, ou se brisera, si on la pousse encore. Laissez-moi le temps de me raccommoder.

Vous m’avez écrit des choses bien bonnes, dont je ne vous ai pas assez remerciée, dans une de vos précédentes lettres. Je les ai pourtant bien senties, et je voudrais que vous puissiez voir comment se trouve là-même la cause ou une des causes du mal que j’ai pu vous faire. Peut-être ai-je quelquefois un peu trop pensé à moi. En refusant ce qu’il y a de si bon dans votre amitié, je croyais ne faire à Dieu qu’un sacrifice personnel, et je ne pensais pas assez qu’il y avait souffrance aussi de votre côté et que j’avais à en tenir compte. Aussi, tout ce que l’expérience m’apprend me convainc de plus en plus que Notre-Seigneur nous a bien faits l’un pour l’autre, afin que nous nous aidions en tout ce que nous croirons être pour sa gloire en nous ou dans la sphère de notre activité. Aussi, suis-je tenté de vous conjurer de me dire: « Ne venez pas ». Laissez-moi me remettre peu à peu. Il me semble que je profiterai de ces quelques mois pour devenir meilleur et plus digne d’agir sur les hommes avec qui vous voulez me mettre en rapport. A présent, je ne sens en moi rien qui me donne quelque empire sur eux dans l’ordre de la foi.

La seule chose que je voudrais vous demander, c’est où est le P. Lacordaire. Au mois de juillet ou de septembre, je voudrais aller faire une retraite à Chalais. Si je ne le puis, j’irai tout bonnement à la Chartreuse de Valbonne.

Je crois que Mlle Carbonnel partira d’ici vendredi prochain, dans huit jours au plus tard. Vous ne vous figurez pas comme il a été difficile de trouver une occasion. Il y a huit jours que j’aurais voulu l’embarquer. Veuillez remercier Soeur Th[érèse]-Em[manuel] de ce qu’elle fait pour nous. Je n’ai pas le temps de vous écrire plus long.

Adieu, ma chère fille. Tout à vous du fond de l’âme.

Notes et post-scriptum
1. D'après une copie. Voir *Notes et Documents*, t. IV, p. 93 sq.