Vailhé, LETTRES, vol.3, p.394

12 dec 1848 Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Il importe d’obtenir le plein exercice avant l’arrivée au pouvoir de Louis-Napoléon, contre qui la maison de l’Assomption a voté. -Le journal *La liberté pour tous* se meurt. -Embarras pécuniaires. -Ses ennuis ne doivent pas empêcher la supérieure de lui conter les siens.

Informations générales
  • V3-394
  • 0+597|DXCVII
  • Vailhé, LETTRES, vol.3, p.394
Informations détaillées
  • 1 COLLEGE DE NIMES
    1 ELECTION
    1 FONCTIONNAIRES
    1 HUMILITE
    1 PLEIN EXERCICE
    1 PRESSE CATHOLIQUE
    1 SOUCIS D'ARGENT
    1 VOLONTE DE DIEU
    2 ALZON, MADAME HENRI D'
    2 BECHARD, FERDINAND
    2 BEILING, MARIE-LOUISE
    2 BUCHEZ, PHILIPPE
    2 CARBONNEL, MESDEMOISELLES
    2 CAVAIGNAC, LOUIS-EUGENE
    2 CHANAL, FRANCOIS
    2 FRESLON, ALEXANDRE-PIERRE
    2 HENRI, EUGENE-LOUIS
    2 LEDRU-ROLLIN, ALEXANDRE-AUGUSTE
    2 NAPOLEON III
    2 PIE IX
    2 TISSOT, PAUL-ELPHEGE
    3 FRANCE
    3 MONTPELLIER
    3 NIMES
    3 PARIS
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le 12 décembre 1848.
  • 12 dec 1848
  • Nîmes,
La lettre

Ma chère fille,

Aujourd’hui même, doit partir pour Paris la réponse du préfet à la demande de renseignements faite par le ministère. Ainsi il n’y a plus à attendre que l’arrivée à Paris de M. Freslon, lequel est parfaitement disposé. Seulement, pour plus de sûreté, il faut faire observer que la maison est sous le nom de M. Tissot. Du reste, comme je suis bachelier, cela ne peut faire aucune difficulté. Il y aurait seulement quelque chicane à redouter dans les bureaux qui naturellement doivent être peuplés d’universitaires. Si vous pouvez, faites observer à M. Buchez que nous refuser le plein exercice dans ce moment serait une chose fâcheuse à beaucoup d’égards, surtout après la scission que nous avons opérée entre les catholiques, qui, presque tous, à Nîmes, viennent de porter Napoléon, sur une lettre de Béchard(2). A peine avons-nous pu en retenir un bien petit nombre en faveur de Cavaignac(3). Or, notre position devient fort désagréable aux yeux de tous ces gens-là, si Napoléon passe, et que ceux qui l’ont combattu se trouvent exposés à la malveillance des vainqueurs. M. Freslon viendra probablement bientôt, car il est bien douteux que le Pape vienne en France. Quoi qu’en disent certains journaux, la conduite du général Cav[aignac]. n’a été guère franche dans cette affaire, et j’avoue que, si j’avais su ce que les faits me découvrent chaque jour, peut-être eussé-je été moins empressé à lui donner ma voix.

Notre pauvre Liberté pour tous s’en va tous les jours. Si les ouvriers imprimeurs ne s’étaient pas mis en grève, peut-être l’enterrerions-nous aujourd’hui. Du reste, depuis que je ne lui donne plus un sou, elle se meurt merveilleusement.

Nos affaires sont dans un état déplorable et d’autant plus triste que je découvre, à côté d’embarras réels, le parti pris de M. Henri de me déconsidérer et de ruiner mon crédit pour se rendre un peu plus nécessaire. Il faut supporter cette épreuve avec le plus de patience possible, surtout lorsque je pense qu’il cherche à y entraîner ma mère. Demain, j’irai à Montpellier(4) et j’espère arranger certaines difficultés. Il n’en est pas moins dur de se voir traiter ainsi par des gens à qui l’on a fait tant de bien.

Pour vous, ma fille, vous avez aussi vos chagrins matériels. Vous ne m’en parlez plus. Je crains que les détails que je vous donne sur mon compte n’arrêtent ce que, de vôtre côté, vous eussiez à me dire. J’en serais fâché, parce que; si j’éprouve tant de soulagement à vous confier mes ennuis, il me semble que vous en auriez aussi à me dire les vôtres. Oh! si nous avions une foi assez grande pour voir Dieu au-dessus de tout! Si, convaincus qu’il est aimable par-dessus toutes choses, nous lui donnions notre vie, telle qu’il veut nous la faire! C’est bien là, après tout, où je trouve le repos. Il n’est que là. Dire avec humilité à Dieu qu’on veut tout ce qu’il veut, et comme il le veut, et avec le degré de volonté qu’il le veut, que peut-on ajouter de plus?

Adieu, ma fille. Je priais ce matin avec toute la ferveur dont je suis capable, pour votre sanctification. Il me semble qu’elle viendra. Quand donc, vous et moi, serons-nous remplis de l’esprit de Notre-Seigneur? Veuillez remercier Soeur Marie-Louise de son bon souvenir. Je n’ai plus rien su des dames Carb[onnel].

Notes et post-scriptum
1. D'après une copie. Voir *Notes et Documents*, t. IV, p. 328 sq., 395.1. D'après une copie. Voir *Notes et Documents*, t. IV, p. 328 sq., 395.
2. Député catholique et légitimiste.
3. Le vote, qui eut lieu le 10 décembre, à Nîmes, donna 7,510 voix au prince Napoléon, 2, 554 à Cavaignac, 1 987 à Ledru-Rollin, socialiste, et un petit nombre de voix à d'autres candidats. Dans le département du Gard, le prince Napoléon recueillit en tout 39,390 voix contre 43,308 voix données à ses divers concurrents. Ce fut un des rares départements qui le mit en minorité. Les protestants, dans l'ensemble, votèrent pour leur coreligionnaire Cavaignac, avec le petit groupe de catholiques républicains ralliés au P. d'Alzon et à son journal.
4. La famille du P. d'Alzon passait alors l'hiver dans cette ville.