Vailhé, LETTRES, vol.3, p.544

28 jan 1850 Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Retard des lettres. -L’ennemi des classiques païens. -A la recherche d’un professeur de mathématiques. -Conseils spirituels. -Les les classes des petites filles pauvres. -Principe du cardinal de Bonald en matière de bonnes oeuvres. -Autres nouvelles.

Informations générales
  • V3-544
  • 0+675|DCLXXV
  • Vailhé, LETTRES, vol.3, p.544
Informations détaillées
  • 1 APOSTOLAT DE LA CHARITE
    1 DEFAUTS
    1 MAITRES
    1 MATIERES SCOLAIRES
    1 PAUVRETE
    1 PERFECTION
    1 QUERELLE DES AUTEURS CLASSIQUES
    1 VIE SPIRITUELLE
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    1 VOLONTE DE DIEU
    2 BEVIER, MARIE-AUGUSTINE
    2 BONALD, LOUIS-JACQUES-MAURICE DE
    2 BOULLENGER, FILS
    2 BOULLENGER, PERE
    2 CHARLEMAGNE
    2 COURTOIS, ALBERT DE
    2 DANJOU, JEAN-LOUIS-FELIX
    2 ETIENNE, JEAN-BAPTISTE
    2 EVERLANGE, MARIE-EMMANUEL D'
    2 EVERLANGE, PIERRE-EMILE-LEON D'
    2 KAJZIEWICZ, JEROME
    2 PICARD, POLYTECHNICIEN
    2 PONCELET, JEAN-VICTOR
    3 CABRIERES
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le 28 janvier 1850.
  • 28 jan 1850
  • Nîmes,
La lettre

Ma chère fille,

Vous m’étonnez en me disant que vous ne recevez pas mes lettres; celle à laquelle vous répondez a été précédée de deux autres, auxquelles vous n’avez rien répondu. Est-ce vous (sic), dont les lettres ne sont pas parvenues ici? Ou bien y en a-t-il eu quelques-unes des miennes égarées en route? Enfin, pour cette fois, je tiens à constater que, à mon gré du moins, je ne mérite pas le titre d’oublieux.

Vous recevrez sous peu de jours la visite de M. Danjou, l’organiste qui voit tous les maux de la société dans le retour au Paganisme(2). Je soupçonne qu’il trouverait même Soeur Marie-Augustine païenne dans son enseignement. Il a d’excellentes idées, mais je crois qu’il exagère. Je l’aime beaucoup, à part son exagération. Il voudrait trouver à sa soeur une position; s’il vous en parle, je crois que ce serait une bonne chose que de lui venir en aide.

Je m’en rapporte entièrement à ce que vous déciderez pour le professeur de mathématiques. Il me semble qu’en disant au général Poncelet que je veux un homme pour un établissement religieux, il comprendra qu’il ne faut pas envoyer un homme irréligieux par principe. On pourrait encore le prier d’indiquer quelques noms. Il me semble qu’ensuite il serait facile d’avoir par d’autres quelques renseignements. Je vais pour cela écrire à un jeune homme, M. Picard, ancien élève de l’Ecole polytechnique, et le prier de se mettre un peu à votre disposition pour chercher des renseignements sur les hommes indiqués par le général Poncelet. Ce M. Picard lui-même est très bien, très religieux, et Peut-être nous viendra-t-il un jour. Il vient de subir une cruelle maladie. Je voudrais fort qu’il pût nous arriver plus tard comme religieux. Vous pourriez le sonder; peut-être le bon Dieu le trouvera-t-il mûr. Que devient le jeune homme, que nous avait amené un jour le fils de M. Boullenger? Le P. Kajziewicz m’a écrit pour me proposer un capitaine polonais. Je diffère un peu de lui écrire, jusqu’à ce que j’aie les renseignements que me procurera ma chère fille. Je vous remercie de l’accueil que vous avez fait au jeune de Courtois. C’est bien faible et bien chétif encore; peut-être cependant, après avoir jeté sa gourme, nous reviendra-t-il.

Vous voulez me demander pardon de votre petite mauvaise humeur, causée par le retard de ma lettre. Je l’accepte. Mais pourquoi, ma fille, voir chez moi autre chose que mes défauts et mes dérangements? Et puis, parce que j’ai des torts, est-ce une raison pour que vous ne deveniez pas bonne? Le bon Dieu m’a confié, depuis quelque temps, une âme dont les progrès m’épouvantent, quand je fais un retour sur moi. Pourquoi nous laisser devancer par ceux qui sont partis après nous? A l’âge que j’ai, je suis épouvanté. Je vous promets, du reste, de dire des messes pour vous, tant que vous voudrez. Ne vous découragez pas, parce que vous apercevrez quelquefois des affaiblissements à un premier don de volonté parfaite. Dieu le veut, parce que, au-dessus de votre perfection, il veut en vous un profond sentiment de votre bassesse, et ces volontés impuissantes sont très utiles pour vous aider à la comprendre.

Je trouve, comme vous, que 5,000 francs pour quatre religieuses et trois orphelines, c’est bien peu. Et pourtant, si vous faites la classe à de petites filles pauvres, il faut absolument, ce me semble, que vous la fassiez gratuitement, a fin qu’il soit bien entendu que vous la faites, parce que vous le voulez; sans quoi, vous vous exposez à sortir de l’esprit de votre Institut et à vous attirer plus tard de grands désagréments sans beaucoup de profit. Le principe du cardinal de Bonald en fait de bonnes oeuvres, c’est que, lorsqu’on a la moitié de ce qui est nécessaire pour en commencer une, le meilleur est de s’en rapporter pour le reste à la Providence. Je suis assez de cet avis et de celui, par conséquent, de M. Etienne, et je vous engage très fort d’accepter.

Le frère de Soeur Marie-Emmanuel a accepté avec plus de joie que je n’espérais le poste de Cabrières. Je pense que je passerai la journée de demain avec lui; c’est notre Saint-Charlemagne.

Adieu, ma chère fille. Il est 7 heures et j’en suis à Prime. Mille fois à vous en Notre-Seigneur.

Notes et post-scriptum
1. D'après une copie.
2. Organiste et journaliste de talent, fixé alors à Montpellier; il aurait voulu la suppression absolue de tous les classiques païens dans l'enseignement.