- V3-555
- 0+679|DCLXXIX
- Vailhé, LETTRES, vol.3, p.555
- 1 APOSTOLAT DE LA VERITE
1 ASSOMPTION
1 CARACTERE
1 DISTRACTION
1 ESPRIT FAUX
1 OFFICE EN CHOEUR
1 PATERNITE SPIRITUELLE
1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
1 RECONNAISSANCE
1 SANTE
1 VOIE UNITIVE
2 GABRIEL, JEAN-LOUIS
2 O'NEILL, THERESE-EMMANUEL
2 REVEILHE, MADAME
3 AVIGNON
3 PARIS - A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
- MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
- le 23 février 1850.
- 23 feb 1850
- Nîmes,
Je suis d’autant plus disposé, ma chère fille, à ne pas vous en vouloir de votre silence que, depuis trois jours, j’ai là votre lettre sur mon bureau, et je ne puis trouver une minute pour vous répondre. Les soucis que m’ont causés toutes les misères que nous avons eues ont exigé, de ma part, des soins plus particuliers à donner à certains élèves, une vigilance plus active, et tout cela a fait couler mon temps je ne sais comment. Une ou deux fois, j’aurais pu vous écrire. J’en avais le projet; mais, dans l’heure de liberté que je m’étais préparée, je ne sais quelle distraction m’a fait penser à autre chose, et puis, il n’était plus temps.
Aujourd’hui pourtant, je ne veux pas vous parler affaires, je voulais encore vous parler de vous et de moi. Je voulais vous dire qu’il me semblait que mon coeur se prend tous les jours un peu plus à Notre-Seigneur et que je voudrais bien qu’il en fût ainsi pour vous. C’est même là que je trouve tous les jours davantage l’utilité de notre union, a fin que l’un par l autre, car les deux n’en doivent faire qu’un, s’avance vers la perfection voulue de Dieu. C’est pour cela, mon enfant, que je suis heureux de penser à l’influence que je conserve sur vous; car, vous l’avouerai-je en un sens je ne la désire pas. J’aimerais bien mieux déposer le poids de la paternité et me mettre avec vous sur le pied d’une confiance, où je pourrais vous découvrir davantage ce que, à mon tour, j’ai besoin de faire partir de mon âme et de mon coeur. Il me semble qu’il serait bon d’intervertir les rôles. Mais je ne le veux pas, parce que je ne le dois pas et que si, réellement, je dois être pour quelque chose dans l’association, c’est à moi à faire les fonctions de première pierre, jusqu’à ce qu’il plaise à Dieu d’en mettre une autre.
Et, à ce sujet, permettez-moi une observation, qui peut-être n’aura jamais d’application pratique.Il serait possible qu’un jour l’office du choeur parût à quelques-uns une trop grande fatigue; je parle pour nos religieux. Je suis sûr que ce serait une très dangereuse illusion. Nous avons, je crois, un besoin absolu de l’office. Au moins jusqu’à nouvel ordre il faut le maintenir, malgré de grandes réclamations que je prévois. Les Jésuites ont bien fait de le supprimer. Je crois que nous ferons bien de le reprendre et de le conserver. Je crois savoir pourquoi je vous dis ceci(2).
Je suis très occupé, ces jours-ci, d’une vérité, que je cherche à m’inculquer et à inculquer à mes enfants, pour détruire en eux cette funeste influence des idées humaines et mondaines: c’est que, Dieu étant la vérité infinie et le bien suprême, il n’y a de vrai et de bon que les idées et les actes conformes à sa vérité et à sa nature. Cette vérité banale m’épouvante par les clartés qu’elle jette sur toute notre vie. Je vois, malheureusement, tant d’idées fausses chez nos enfants que je ne sais comment les en dépêtrer.
Mais je reviens à vous. Je remercie bien Notre-Seigneur de vous rendre un peu la santé, afin que vous puissiez être exacte aux exercices de la communauté. On a beau dire, l’exemple du supérieur produit toujours un grand effet. Je m’en aperçois ici tous les jours. Mais trouvez-moi donc quelqu’un qui puisse me venir en aide et qui non seulement fasse, ce qui ne serait pas difficile, mais soit reconnu pour faire aussi bien et mieux que moi. Tant que je n’aurai pas ce quelqu’un, je trouve bien de la difficulté à faire pousser notre petite oeuvre. Cependant, l’idée d’aller à Paris me préoccupe toujours un peu plus. Et pourtant, je ne puis pas compromettre notre maison d’ici, qui est à coup sûr un objet d’observation pour les Jésuites. Je vous dis ceci bien bas, mais la chose m’est très évidente. L’externat qu’ils viennent d’ouvrir à Avignon sera internat au premier jour, et alors peut-être la concurrence commencera-t-elle. Quoi qu’il en soit, je vois la nécessité de me tenir prêt à tout et, par conséquent, la nécessité d’avoir de bons sujets et tout ce qui s’ensuit.
Les caractères que l’on a à supporter sont parfois bien bizarres, et celui de Mme Réveilhe l’est un peu. Il lui a manqué une première éducation un peu énergique; de là viennent ses souffrances et ses difficultuosités. Sans cela, il y aurait chez cette femme de quoi soulever des montagnes. Quant à M. Gabriel, je ne puis m’empêcher de le plaindre. S’il n’était pas tellement perdu dans ses idées philosophiques, à coup sûr il pourrait nous être très utile. De grâce, que s’il s’en va, ce soit bien lui qui voudra s’en aller. Réellement, je l’aime beaucoup et je m’en veux de ne pas le lui avoir assez témoigné(3). Je ne puis rien vous dire sur Soeur Thérèse-Emmanuel, je ne crois ses états ni mauvais ni dangereux, mais je ne puis me figurer que tout soit surnaturel. Je crains toujours que l’imagination n’y soit pour beaucoup.
Je ne voulais vous parler que de moi, et puis, voilà que je me suis laissé aller à beaucoup d’autres sujets. Priez pour votre père, ma chère fille, et croyez-moi tout vôtre.
E. d’Alzon.
Je laisse ces quelques lignes blanches, afin que, si le courrier de Paris m’apporte quelque chose de vous, je puisse y répondre un mot.
E.D'ALZON2. Sans doute parce qu'il savait que certains de ses religieux s'adresseraient à elle, pour obtenir ainsi indirectement la suppression de l'office en choeur.
3. [Les lignes qui suivent jusqu'à la fin du paragraphe ne figurent pas dans l'édition du P. Vailhé. Introduites d'après T.D.20, p.142, en avril 1996].