Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.13

2 mar 1851 Paris, ROCHER_MADAME

Vouloir aimer Dieu et sentir qu’on ne l’aime pas assez, c’est déJà l’amour de Dieu. – Si l’on ne peut assez aimer avec son coeur, il faut emprunter l’amour de Notre-Seigneur, et c’est là le mystère de l’action du Saint-Esprit sur nos âmes. – Pour devenir parfait, il faut se porter non au plus facile, mais au plus pénible. – Il faut aimer la croix et ne pas trop la redouter, sinon elle nous entraîne par son poids.

Informations générales
  • T1-013
  • 8
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.13
  • Orig. ms. ACR, AL 170; D'A., T.D. 34, n. 3, pp. 278-279.
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA CROIX
    1 ACTION DE DIEU DANS L'AME
    1 ASCESE
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 EFFORT
    1 EXAMEN DE CONSCIENCE
    1 JESUS-CHRIST AUTEUR DE LA GRACE
    1 LACHETE
    1 MAITRISE DE SOI
    1 MORTIFICATION CORPORELLE
    1 PAIX DE L'AME
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 REPOS
    1 SAINT-ESPRIT SOURCE DE LA CHARITE
    1 SANTE
    1 TRISTESSE
    1 VIE DE PRIERE
    1 VIE SPIRITUELLE
    1 VOIE UNITIVE
    2 GIRY, MADAME LOUIS DE
    2 GIRY, MAURICE DE
    2 JEAN DE LA CROIX, SAINT
    2 NARBONNE-LARA, MADAME DE
    2 ROCHER, MADAME ADRIEN DE
  • A MADAME DE ROCHER
  • ROCHER_MADAME
  • 2 mars 1851.
  • 2 mar 1851
  • Paris,
La lettre

Ma chère fille,[1]

J’ai tardé de quelques jours à vous répondre, parce que je suis extrêmement occupé. Cependant, vous savez le plaisir que me font vos lettres et le désir que j’ai de vous faire du bien. Vous voudriez aimer Dieu et vous sentez que vous ne l’aimez pas assez. Mais cela même, ma chère fille, cela même c’est l’amour. Plus on aime et plus on sent le besoin d’aimer davantage, on sent au- dedans de soi un feu qui voudrait tout consumer, et comme la misère humaine est telle qu’avant peu elle ne trouve pas de matière à offrir à ce feu dévorant, elle se désole de n’avoir plus rien à donner. Mais un sentiment de foi doit nous relever. Si nous ne pouvons assez aimer avec notre coeur, ne le pouvons-nous pas avec celui de notre divin Maître? Pour aimer Dieu dignement, il faut lui emprunter son amour, et c’est là le mystère de l’action du Saint- Esprit sur nos âmes. Notre-Seigneur nous a promis de nous envoyer l’Esprit consolateur. De quoi nous consolera-t-il? De toutes nos tristesses. Et comme la plus grande pour une âme qui aime Dieu, c’est de ne pouvoir assez l’aimer, il nous consolera en nous donnant la puissance d’aimer davantage, en venant lui-même aimer au fond de nos coeurs. Demandez beaucoup à Notre-Seigneur la grâce de l’aimer avec son esprit et croyez que vous vous en trouverez bien.[2]

Vous devez faire, je le crois, de grands efforts pour vous maintenir dans un grand esprit de paix et de possession de vous-même. Pour cela, il faut vous exercer un peu à ce que dit saint Jean de la Croix: « Pour devenir parfait, il faut se porter sans cesse non au plus facile, mais au plus pénible ». Si, en faisant chaque matin votre examen de conscience, vous envisagez ce que vous avez à sacrifier dans l’ordre de la vie ordinaire et que vous ayez pendant quelque temps le courage d’offrir à Notre-Seigneur le plus pénible, vous verrez comment vous en serez promptement récompensée.

Je crois parfaitement comprendre votre pensée et je vous engage à vous exercer toujours, comme vous me le dites, dans le développement de l’amour de Notre-Seigneur. Seulement, je vous indique quelques moyens de l’accroître en vous. Profitez sans doute du repos qui vous est donné et dont vous avez besoin, mais souvenez-vous qu’il faut aimer la croix et que, si on se laisse aller à la trop redouter, elle nous entraîne par son poids. Je veux bien vous permettre de prier un peu plus tard et d’offrir à Dieu quelques mortifications, mais toutefois prenez garde que votre santé n’en souffre. Souvenez-vous qu’elle ne nous appartient pas.[3]

Ma santé est bonne et je vous remercie de m’en demander des nouvelles. Voyez souvent Mme de Narbonne.[4] C’est une excellente chrétienne, vous vous ferez du bien mutuellement. Je vous remercie de me parler de ma petite cousine. Je conserve pour elle un souvenir plein d’affection et je vous prie de me rappeler au sien.

Adieu, ma chère fille. Je vous laisse pour écrire quelques autres lettres. Tout à vous en Notre-Seigneur. Que devient Mme Louis?[5]

E. D'ALZON
Notes et post-scriptum
1. Mme de Rocher, cousine du P. d'Alzon, fut l'une des cinq premières soeurs du Tiers-Ordre de l'Assomption (30 avril 1849). Le P. d'Alzon lui adressera 44 lettres de direction spirituelle, de 1850 à 1863.
2. Idée chère au P. d'Alzon que nous trouvons exposée dans le Directoire, ch. 2, 10, par. 3: "L'amour qui unit Dieu le Père et Dieu le Fils est Dieu lui-même et c'est par cet amour qui est le Saint-Esprit, que je puis aimer Dieu [...] Mon coeur est un sanctuaire où Dieu a déposé son amour."
3. Mêmes idées au chapitre "de la mortification", dans la Règle de l'Assomption (1855).
4. Mme la comtesse de Narbonne-Lara, née de Caussans, s'était placée sous la direction du P. d'Alzon et lui resta toujours fidèle. Elle resta veuve de bonne heure et mettait volontiers sa propriété à la disposition du P. d'Alzon et des religieux de l'Assomption pour des cures de repos. Nous avons 13 lettres du P. d'Alzon adressées à cette personne de 1851 à 1869.
5. Mme Louis de Giry, autre cousine du P. d'Alzon, née Constance de Roussy. Son fils Maurice se mit au service de l'armée pontificale au début de 1867 et mourut le 20 sept. 1870 lors de la prise de Rome dans le dernier combat de la "Porta Pia". Nous avons 15 lettres du P. d'Alzon, dont 14 adressées à la mère et 1 à son fils, de 1851 à 1879.