Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.22

1851 CART Mgr
Informations générales
  • T1-022
  • 16
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.22
  • Minute ms. ACR, AN 205-206; D'A., T.D. 39, n. 2,3, pp. 139-143. Le titre est prêté et regroupe deux notes manuscrits distinctes.
Informations détaillées
  • 1 AUTORITE DE L'EGLISE
    1 CHEFS D'ETABLISSEMENT
    1 CONSEIL SUPERIEUR DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
    1 ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE
    1 ENSEIGNEMENT SECONDAIRE
    1 ETAT
    1 EVEQUE
    1 GOUVERNEMENT
    1 HYGIENE SCOLAIRE
    1 INSPECTION SCOLAIRE
    1 MATIERES DE L'ENSEIGNEMENT ECCLESIASTIQUE
    1 MATIERES SCOLAIRES
    1 MORALITE
    1 PETITS SEMINAIRES
    1 PUNITIONS
    1 SALUBRITE
    2 BEUGNOT, AUGUSTE-ARTHUR
    2 CHATROUSSE, PIERRE
    2 DARCIMOLES, PIERRE-M.
    2 LE MEE, JACQUES
    3 AIX
    3 ARLES
    3 GUINGAMP
    3 MONTELIMAR
    3 SAINT-BRIEUC
    3 VALENCE
  • CART Mgr
  • 1851
La lettre

16. – [NOTE SUR LE DROIT D’INSPECTION DES ETABLISSEMENTS LIBRES].

[ 1°] Sur l’interprétation de l’article 70 de la loi du 15 mars 1850

Les évêques qui font partie du Conseil supérieur paraissent avoir accepté que les petits séminaires, en France, seraient soumis à la même surveillance de l’Etat que les autres établissements secondaires libres. Du moins, on ne leur a pas entendu dire un mot, dans la discussion qui a eu lieu au sein du Conseil sur l’inspection des écoles libres, qui laissât croire qu’ils prétendaient établir la moindre différence entre ces deux sortes d’institutions. Cependant il me semble que, sans parler de leurs droits, le texte seul de la loi les autorisait à réclamer une distinction formelle. Citons d’abord.

Article 21. L’inspection … des écoles libres porte sur la moralité, l’hygiène et la salubrité.

L’article 22 fixe les peines qu’encourt le chef d’institution, qui refuse de se soumettre à la surveillance de l’Etat, telle qu’elle est prescrite par l’article 21.

Passons à l’article 70. Les écoles secondaires ecclésiastiques actuellement existantes sont maintenues, sous la seule condition de rester soumises à la surveillance de l’Etat. Observons, avant d’aller plus loin, que lorsqu’il s’agit des écoles libres, la loi se sert du mot inspection; que lorsqu’il est, au contraire, question des petits séminaires, nous ne voyons que le mot général de surveillance. Et il ne faut pas dire que surveillance et inspection sont identiques. L’Etat n’a-t-il pas l’obligation de surveiller tous les citoyens? Peut-on dire qu’il les inspecte tous? Donc inspecter et surveiller sont deux faits bien distincts. Donc, et les écoles libres doivent être inspectées et les petites séminaires seulement surveillés, l’inspection doit s’exercer d’une manière et la surveillance d’une autre manière.

Et, en effet, qui est le véritable chef d’un petit séminaire? Le rapporteur de la Commission (M. Beugnot) le dit formellement: L’évêque est et restera toujours le véritable chef de son petit séminaire. En inspectant les petits séminaires, c’est donc l’évêque lui-même que l’on inspecte. Mais dans ce cas, pourquoi tant de réclamations sont-elles parties d’un certain côté,quand on a soumis à l’examen du Conseil supérieur les traités par lesquels les villes d’Arles, de Montélimar et de Guingamp voulaient céder leurs collèges à Nosseigneurs d’Aix, de Valence et de Saint-Brieuc?[1] Que disait-on, que des évêques ne pouvaient accepter des traités, par lesquels étant censés chefs de ces collèges ils seraient, par conséquent, sous le poids de l’inspection; ce qui, disait-on, rendrait l’inspection impossible à cause de celui qu’elle atteindrait, supposé que l’on eût à sévir contre certains abus qu’il n’était pas défendu de prévoir. Quoi! L’on refuse, à cause de leur dignité, à trois évêques le droit de direction morale sur trois établissements, et voilà qu’on déclare d’un seul coup tous les évêques de la France passibles de l’inspection dans les cent vingt petits séminaires, dont ils sont les véritables chefs.!

Autre difficulté. Je suppose qu’un petit séminaire, soumis à l’inspection, soit déclaré dans un tel état de démoralisation qu’il y eût lieu d’exercer les rigueurs de la loi, sur qui ces rigueurs s’exercent-elles? Sera-ce sur l’évêque? Sera-ce sur le supérieur? Défendra-t-on à l’évêque d’avoir un petit séminaire? Lui enlèvera-t-on le droit[2] d’avoir une école diocésaine? Sera-ce le supérieur? Mais en vertu de quel article de la loi? J’ai bien vu, pour les écoles libres, une sanction à l’article 21, dans l’article 22, mais à l’article 70, je ne vois rien de semblable. Assimilerez-vous les supérieurs des petits séminaires aux chefs d’établissements libres? Faut-il qu’ils soient bacheliers, qu’ils aient cinq ans de stage? La loi implique formellement le contraire (article 70). Et puis, encore une fois, sont-ils sujets à révocation? Est-ce le ministre de l’Instruction publique qui les approuve? N’est-ce pas le ministre des Cultes? Ne ressortissent-ils pas, des lors, à une autre juridiction que le Conseil académique? [Encore] une fois, croyez-vous qu’on puisse les citer devant le Conseil académique, les suspendre, les renvoyer? Et si vous ne le pouvez pas, que signifie votre inspection sans pénalité disciplinaire?

Mais, dira-t-on, en allant jusqu’à ce point, il serait établi que les petits séminaires pourraient devenir des foyers d’immoralité, sans que l’Etat eût rien à y voir. Nullement. Si par impossible, de graves désordres se commettaient dans un petit séminaire, ce serait l’affaire du procureur général ou du procureur de la République, à qui la surveillance reste confiée, comme par le passé, en vertu de l’article 70; car si la surveillance, selon cet article, reste la même qu’autrefois, je ne sache pas qu’elle puisse être autre que celle des magistrats, puisque jusqu’à présent les petits séminaires n’ont eu à subir aucune autre espèce de surveillance ou d’inspection.

Je me permets de conclure que, malgré le silence de Nosseigneurs les évêques du Conseil supérieur, l’épiscopat français doit défendre avec la plus grande vigueur ses droits sur les petits séminaires, et, au nom même de la loi, en refuser l’entrée aux inspecteurs.

[2° ] Sur un projet de règlement pour l’inspection des établissements libres d’instruction secondaire.

Qu’une répugnance très vive ait été manifestée par les catholiques contre l’ancienne inspection exercée par l’université, rien de plus légitime, à cause d’une foule de vexations dont elle a été trop souvent accompagnée, et aussi à cause de la nature même de cette inspection, dont les conséquences étaient des entraves apportées soit à l’enseignement même, soit au nombre des élèves dans les écoles ecclésiastiques, [à cause] des questions trop inquisitoriales sur les méthodes d’enseignement, [de] certaines prohibitions arbitraires, enfin et surtout des questions sur les matières religieuses.

Sous le régime de la nouvelle loi, l’inspection des établissements libres n’est plus la même qu’autrefois; mais il semble nécessaire de le faire bien comprendre. Pour cela il semble nécessaire:

1° De rester avec scrupule dans les limites de la loi;

2° D’établir un règlement voté par le Conseil supérieur et qui, entrant le plus possible dans les attributions des inspecteurs, ôtera tout prétexte aux vexations que l’on semble redouter, et calmera par cela même les préjugés légitimes que l’on peut avoir contre l’inspection;

3° De déclarer qu’on laissera aux ministres des différentes cultes le droit de surveillance pour la partie religieuse de l’enseignement, en ce sens toutefois que, pour les catholiques, cette surveillance appartiendra à l’évêque ou au prêtre désigné par lui pour faire partie du Conseil académique.

4° Peut-être faudrait-il laisser un recours contre les vexations possibles et donner aux chefs d’institutions le droit de se plaindre, s’il y avait lieu, soit au Conseil académique, soit au Conseil supérieur. Voici pourquoi: c’est que ces deux Conseils présentent quelque chose de plus permanent que le recteur ou que le ministre, et offrent sous ce rapport plus de garantie pour l’esprit qui doit diriger les inspections.

5° Enfin, comme la loi dispense les établissements libres de l’inspection littéraire, il serait utile d’établir, par un article du règlement, que les chefs d’établissements libres auront le droit de demander que leurs élèves soient interrogés pour les lettres ou les sciences. Je suis convaincu que les chefs d’établissements où les études sont fortes demanderont l’inspection; les autres seront jugés par leur refus ou leur abstention,

Or, plus je réfléchis, plus il me paraît qu’en attribuant l’inspection à l’Etat, et non à l’Université proprement dite, en écartant de l’inspection laïque les questions religieuses, en spécifiant par un règlement les attributions des inspecteurs, en établissant le Conseil supérieur comme vengeur des droits qui seraient blessés dans l’inspection, l’inspection ne peut qu’être acceptée par tous avec un très grand avantage.

Notes et post-scriptum
1. Mgr Darcimoles (1802-1857), préconisé évêque du Puy le 13 juillet 1840 et au siège d'Aix le 12 avril 1847; Mgr Chatrousse (1795-1857), préconisé évêque de Valence le 13 juillet 1840; Mgr Le Mée (1794-1858), préconisé évêque de Saint-Brieuc le 14 juillet 1841.
2 Les ms porte. Lui révoquera-t-on son droit?