Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.31

30 apr 1851 Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Joie qui lui procure sa lettre, – Retraite à Valbonne avec quelques enfants. – Les dames fondatrices chez les Carmélites. – Manière de porter la vie active en la faisant partager par Notre-seigneur. – On est ici-bas pour porter sa croix, non pour jouir. – C’est là tout le secret de la perfection. – Nouvelles diverses. – Professions dans le Tiers-Ordre féminin à Nîmes.

Informations générales
  • T1-031
  • 25
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.31
  • Orig. ms. ACR, AD 756; D'A., T.D. 21, n. 13, pp. 13-14.
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA CROIX
    1 ACTION DE DIEU
    1 BON PASTEUR
    1 JOIE SPIRITUELLE
    1 PENSIONS
    1 PROFESSION PERPETUELLE
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 RETRAITE SPIRITUELLE
    1 UNION DES COEURS
    1 VIE ACTIVE
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    1 VOEUX DU TIERS-ORDRE
    2 BASTIEN, CLAUDE-HIPPOLYTE
    2 BLANC, PIERRE-SIMON
    2 BOYER, EDOUARD
    2 BOYER, MADAME EDOUARD
    2 DEPLACE, CHARLES
    2 EUGENE DE MAZENOD, SAINT
    2 GABRIELLE RA
    2 O'NEILL, MARIANNE
    2 O'NEILL, THERESE-EMMANUEL
    2 PIERRE, SAINT
    2 REVEILHE, DOCTEUR
    2 REVEILHE, MADAME
    2 SIBOUR, LEON-FRANCOIS
    2 SIBOUR, MARIE-DOMINIQUE
    3 MARSEILLE
    3 TURIN
    3 VALBONNE
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le 30 avril 1851.
  • 30 apr 1851
  • Nîmes,
  • Evêché de Nîmes
La lettre

Vos occupations, ma chère fille, me servent d’excuses auprès de vous. Voilà que je suis réellement en retard d’une manière horrible. J’ai un moment, j’en profite. Laissez-moi vous dire d’abord la joie que m’a causée votre bonne lettre du jour de Pâques; vous y êtes si joyeuse qu’il m’est impossible de ne pas partager la jubilation de votre coeur. Que Dieu vous maintienne dans cette allégresse, tant qu’il sera nécessaire à votre âme! Mais, vous le savez, sur le Thabor, à peine saint Pierre eût-il dit: Bonum est nos hic esse,[1] que la vision disparut. Il ne doit jamais nous être bon d’être trop longtemps heureux sur cette terre. Quoi qu’il en soit, profitez de ce que Notre-Seigneur vous a mis dans l’âme et donnez-vous à lui tous les jours un peu plus.

Je viens de passer la semaine à Valbonne, où m’ont accompagné onze des mes enfants; ils m’ont édifié, et j’espère que, de tout ce que Dieu a dit à leurs coeurs, il sortira quelques belles vocations religieuses. Je vais écrire à Marseille pour ce que vous me demandez au sujet des Oblats de Marie. Seulement je ne sais si ces Oblats doivent être ceux de Marseille ou ceux de Turin; ce sont deux Congrégations différentes.[2]

Si j’ai un conseil à vous donner, c’est de ne jamais accepter comme religieuse la soeur[3] de Soeur Th[érèse] — Em[manuel]. Aux Carmélites pour être fondatrice, il faut donner 20.000 francs. J’ai fixé pour Nîmes le chiffre de 40.000 francs. Les fondatrices ne suivent de la règle que ce qu’elles peuvent, c’est-à-dire que ce qu’elles veulent. Ce sont des dames pensionnaires un peu plus sévèrement tenues. Je crois qu’il faudrait que Mlle Marianne fît au plus des voeux annuels et prévoir toutes les éventualités du remboursement de sa dot. Avec cela, on pourrait lui donner l’habit de professe; mais, de grâce, pas de voeux perpétuels!

La vie active à laquelle vous êtes condamnée, est très pénible, en effet. Je commence à la porter plus difficilement qu’autrefois, mais il y a, même dans les difficultés qu’elle présente, un moyen de se tourner davantage vers Notre-Seigneur. Plus on se sent faible, plus on a besoin de s’appuyer sur sa main divine et de lui faire porter l’ennui et la fatigue d’occupations désséchantes. Je prierai de bien bon coeur pour que Notre-Seigneur vous porte, quand vous n’en pouvez plus. Ce sentiment de faiblesse et d’épuisement, que j’éprouve comme vous, me laisse une sorte de tristesse affectueuse pour notre bon Maître, qui me semble lui dire: « Ne pourriez-vous pas m’aider?’ M. Bastien est tout à nous; il ne faut plus attendre que le moment de la Providence.

Je réponds à votre lettre du 27. Vous êtes encore fatiguée du travail et puis raide. Souvent, je suis comme vous; mais il me semble (et je me trompe peut- être) que je me surmonte mieux. Mon remède a été de me rappeler que nous sommes ici pour porter notre croix et non pour jouir. Il y a dans la croix acceptée avec amour un remède à toutes les amertumes. Je prie Notre-Seigneur de vous faire bien comprendre cette vérité, mais je ne réponds pas à ce qui vous est personnel.

Dans vingt jours au plus tard, je serai à Paris. La conversation de M. Sibour ne me surprend pas, mais je vous avoue que je ne serai pas fâché d’être chargé de la visite, pendant le mois que je vais passer à Paris. Je me rappelle parfaitement Soeur Gabrielle, dont vous m’avez parlé.[4] Tout ce que vous m’apprenez n’a rien d’étonnant; il faut le porter comme Dieu nous l’envoie. Les Carmélites font des jeux devant les évêques, et ce sont les plus saintes Mères de l’ordre qui y poussent. Les Visitandines jouent de petites pièces. Tout ceci est une affaire de simplicité et pas autre chose.

La chartreuse m’a fait un grand bien. Ces enfants étaient trop bons pour ne pas mettre le coeur à l’aise.

Adieu, ma chère fille. A revoir bientôt. Je demande à Notre-Seigneur de me donner la moitié de vos peines. Je vous assure que déjà elles sont bien nôtres.

Tout vôtre en son saint amour.

Le Tiers-Ordre des femmes a renouvelé sa profession, ce matin; de plus, trois nouvelles ont fait leur profession à la chapelle de l’Assomption; parmi elles Mesdames Boyer et Réveilhe.[5]

E. D'ALZON
Notes et post-scriptum
2. Les Oblats de Marie-Immaculée, fondés à Marseille, en 1816, par Mgr de Mazenod, et les Oblats de la Vierge Marie, fondés à Carignano, près de Turin, par deux prêtres, en 1814, 3. Marianne O'NeiLL, dont il est si souvent question dans les Origines de l'Assomption. 4. Mère M. Eugénie relatait dans la lettre du 27 avril les faits suivants: "M. L'abbé Sibour m'est arrivé avant-hier tout préoccupé, me demandant si jamais nos Soeurs avaient joué des espèces de comédies et s'étaient costumées. Monseigneur venait de lui dire que des plaintes lui avaient été faites de la maison, qu'il s'y passait toutes sortes de choses très peu convenables, que nos Soeurs s'y étaient fait des moustaches [...]. J'attribue tous ces racontages à une postulante sortie de la maison, une Soeur Gabrlelle, dont peut-être vous vous souvenez [...]. J'ai proposé à M. Sibour de faire faire la visite régulière et comme il n'avait pas le temps, de choisir quelqu'un envers qui la communauté sente de la confiance et de l'ouverture, vous d'abord, ou M. Deplace, ou M. Blanc." 5. Parlant de ces deux personnes, à propos de la fondation du Refuge à Nîmes, le P. d'Alzon écrit: "Le bon Père s'adjoignit alors deux dames dont il connaissait et excitait la charité: Mme Boyer dont le mari pharmacien, fournit longtemps à la maison les remèdes gratuitement, et Mme Réveilhe, femme du docteur qui se fit, dès lors, l'ami et le bienfaiteur du Refuge jusqu'à sa mort." - De Mme Boyer nous avons une relation écrite sur l'apostolat du P. d'Alzon à Nîmes (ACR, DO 102).1. Mt. 17,4