Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.56

19 jul 1851 Nîmes, ESCURES Comtesse

Raisons de son retard à lui répondre; son attachement et son dévouement n’en sont pas moins entiers .- Effet produit sur la société nîmoise par la mort d’une dame. – Elle ne doit pas rester sur des sentiments de tristesse et de découragement. – Manière dont elle doit sérieusement occuper son temps.

Informations générales
  • T1-056
  • 50
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.56
  • Orig.ms. ACR, AN 5; D'A., T.D.38, n. 5, pp. 109-111.
Informations détaillées
  • 1 BONNES OEUVRES DES LAICS
    1 CONTRARIETES
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 EMPLOI DU TEMPS
    1 GENEROSITE DE L'APOTRE
    1 LACHETE
    1 LIVRES
    1 LUTTE CONTRE LA TENTATION
    1 MALADIES
    1 MORT
    1 PATERNITE SPIRITUELLE
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 PRUDENCE
    1 SOLITUDE
    1 TRISTESSE
    2 CHAVET, VICTOR-JOSEPH
    2 COURTOIS, MADAME RAYMOND DE
    2 MOYNIER, MADAME DE
    2 PUYSEGUR, ANATOLE DE
    2 REVOIL, HENRI-ANTOINE
    3 NIMES
  • A MADEMOISELLE AMELIE DE PELISSIER
  • ESCURES Comtesse
  • le 19 juillet 1851.
  • 19 jul 1851
  • Nîmes,
  • Maison de l'Assomption
  • Mademoiselle Mademoiselle Amélie de Pélissier 94, rue de Chaillot Paris.
La lettre

J’ai voulu attendre un moment où je puisse vous écrire un peu à l’aise, ma chère fille, et j’ai eu bien de la peine pour le trouver. La mort de Mme de Moynier, la maladie de mon beau-frère, M. de Puységur, qui peut-être est mort à l’heure qu’il est, puis les embarras d’une maison dont j’ai été si longtemps absent, tout cela m’a pris un temps infini. Voilà pour les excuses; mais je puis vous assurer que j’ai presque constamment pensé à vous et que je sens plus que jamais à quel point je suis votre père, et je ressens une véritable joie de voir qu’au moins en m’écrivant vous m’en donnez le nom. J’en ai, je vous l’assure, et tout le dévouement et toute l’affection. Aussi je comprends à merveille ce que vous me dites du pouvoir que j’ai sur vos impressions heureuses ou douloureuses. J’en userai, mon enfant, pour vous faire du bien, et, lors même que ma main pourra vous faire une blessure, vous sentirez, je l’espère, quel motif a pu me diriger dans le mal que je vous causerai.

Je vous parlais, il y a un instant, de Mme de Moynier. Sa mort a produit un effet profond sur bien des personnes. Dieu veuille que les réflexions qu’elle a fait faire soient durables, et que l’on tire les conséquences un peu chrétiennes d’un coup qui porte la perturbation dans les plaisirs d’une certaine société! Je vous en parle ainsi, parce que j’ai été profondément frappé de ce que j’ai vu et de ce que j’ai pu conclure. J’étais profondément attaché à cette pauvre femme. La voilà disparue! Qui pensera à elle? une ou deux personnes, et puis…

Vous êtes, dites-vous, triste et découragée. Croyez-moi, ne restez pas sur un pareil sentiment. Dieu veut de vous quelque chose de mieux et vous pouvez l’obtenir. Oui, sans doute, il y a eu de votre faute dans la manière dont vous avez pu laisser votre coeur se prendre, et c’est pour cela qu’il faut être forte contre vous-même, et contre certains entraînements dont il faut absolument vous défier, contre lesquels même il faut réagir. Profitez de cette profonde solitude, que vous vous êtes faite, pour arriver à quelque bon résultat sur ce point.

J’avais prié M. Ch[avet] de m’écrire; je ne vois rien venir de lui. Il paraît que M. Rev[oil] lui a écrit pour le détourner de nous venir. Il y a là-dessous quelque chose que je ne comprends pas bien, mais qui me prouve que vous devez être plus que jamais prudente et très réservée. Je vous conjure à deux genoux de ne faire aucune démarche que vous inspireraient votre coeur et vos regrets, mais dont vous vous repentiriez plus tard.

Dans les quelques mois qui s’envoleront, d’ici à mon retour à Paris, comment emploierez-vous votre temps? Outre l’anglais que vous étudiez, vous occupez-vous de quelque chose d’un peu sérieux? Faites-vous quelques bonnes oeuvres? Faites-vous quelques bonnes lectures? Devenez-vous un peu pieuse? Avez-vous un règlement de vie? Si vous en avez un, envoyez-le moi, afin que je puisse vous suivre de la pensée dans les endroits de l’Assomption ou de votre appartement que je connais.

Je crois que votre éloignement de Nîmes a produit pour le moment un très heureux [résultat] sur Mme votre soeur, celui de l’engager à vivre un peu plus retirée. Je souhaite que ces bonnes dispositions durent.

Adieu, ma chère fille. Dans huit jours, j’espère être moins dérangé. Si donc vous aviez la bonté de m’écrire, je vous répondrais plus exactement. Croyez au bien sincère attachement de votre père.

E. D'ALZON
Notes et post-scriptum