Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.71

26 aug 1851 Nîmes, ESGRIGNY Luglien de Jouenne

Mort récente de son beau-frère et d’un élève des plus remarquables. – Nature de sa maladie. – Il désireraient que l’ Univers parlât de sa Maison de hautes études.

Informations générales
  • T1-071
  • 65
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.71
  • Orig.ms. ACR, AO 2; D'A., T.D. 39, n. 103, pp. 200-201.
Informations détaillées
  • 1 AMITIE
    1 ELEVES
    1 MALADIES
    1 MORT
    1 SOUFFRANCE SUBIE
    1 UNIVERSITES CATHOLIQUES
    2 ALZON, MADAME HENRI D'
    2 DONEY, JEAN-MARIE
    2 DU LAC, JEAN-MELCHIOR
    2 ESGRIGNY, JEANNE D'
    2 ESGRIGNY, MADAME LUGLIEN D'
    2 ESGRIGNY, RENE D'
    2 FORNARI, RAFFAELE
    2 HEDDE, FELIX
    2 PUYSEGUR, ANATOLE DE
    2 PUYSEGUR, MADAME ANATOLE DE
    2 VEUILLOT, LOUIS
    3 ANGLETERRE
    3 BARBENTANE
    3 NIMES
    3 PARIS
  • A MONSIEUR LUGLIEN DE JOUENNE D'ESGRIGNY
  • ESGRIGNY Luglien de Jouenne
  • le 26 août 1851.
  • 26 aug 1851
  • Nîmes,
  • Maison de l'Assomption
La lettre

Merci, mon cher ami[1], de tout ce que vous voulez bien me dire pour les miens et pour moi, dans le malheur que Dieu nous envoie. On vous retrouve toujours là où il y a à partager la souffrance d’un ami, et c’est bien le caractère de la véritable affection d’aller surtout à ceux qui sont dans la tristesse. M. de Puységur est mort, comme il avait vécu; en chrétien. C’est une grande consolation en une si rude épreuve pour sa femme, qui pourtant a été trop brisée, même dans sa santé, pour venir encore auprès de ma mère. Et moi, seul à Nîmes pour l’évêché, il m’a fallu me contenter de lui écrire pour la soutenir, lorsque j’aurais tant voulu être auprès d’elle.

A côté de cette douleur, Dieu en a placé une autre pour moi, d’un autre genre, mais non moins vive sous quelques rapports. Je tenais à mon beau-frère, surtout à cause de ma soeur et de ses enfants. Je tenais, depuis six ans, du fond de l’âme, à un jeune homme plein d’avenir, qui, après avoir eu les plus beaux succès dans ses classes, se destinait à l’école Polytechnique: à dix- sept ans, il avait déjà composé un dictionnaire chinois, travaillait en ce moment à un dictionnaire arabe. Sa facilité pour la poésie n’était pas moindre, et la dernière pièce de vers que j’ai de lui parle de ceux des enfants de l’Assomption que nous avons déjà accompagnés au cimetière. Du reste, il avait comme un pressentiment de sa mort, car sur la plupart de ses livres on a trouvé écrit ces mots: Dies mei sicut umbra declinaverunt et ego sicut foenum arui[2]. Ce pauvre enfant avait écrit ses mémoires, et, chose que ses parents ont eu besoin de m’affirmer, on a trouvé de lui des impressions écrites à l’âge de quatre ans et demi. Quelques heures ont suffi pour changer une légère indisposition en une maladie mortelle. Je vous assure qu’il est affreux de voir une mère perdre le dernier de ses sept enfants.

Ces tristes préoccupations, jointes à l’appréhension causée par un autre élève, m’ont mis à bout de chemin, et j’ai dû garder le lit pendant plusieurs jours. J’en ai été quitte pour une bronchite et une cholérine des plus conditionnées.

Les détails que vous me donnez sur l’Angleterre m’intéressent au plus haut point. Je compte sur votre obligeance pour me procurer les ouvrages dont vous me parlez.

Seriez-vous assez bon pour dire à du Lac que je voudrais bien que lui ou Veuillot pussent dire quelque chose de l’essai que je fais pour une Maison de hautes études?[3] L’évêque de Montauban[4], qui m’approuve beaucoup, voudrait qu’elle ne fût pas seulement destinée aux ecclésiastiques. Je crois qu’il faudra bien finir par en venir là, si les évêques ne veulent pas fournir de sujets. Quoi qu’il en soit, je commence. J’ai écrit au card[inal] Fornari pour lui demander un professeur de droit canon, car je veux également commencer quelque chose pour la théologie.

Mille souvenirs respectueux à Mme d’Esgrigny. Si elle veut toujours un château dans le Midi, il y a une superbe affaire à traiter en ce moment, le château de Barbentane. On m’offre des renseignements. En voulez-vous? Adieu.

Je n’ai pas oublié les raisins. Quand serez-vous à Paris pour vous les faire parvenir? Et ma petite filleule donc! Je lui réserve des melons d’eau pour ses Ave, Maria[5].

E. D'ALZON
Notes et post-scriptum
1. Le comte Luglien de Jouenne d'Esgrigny avait été l'ami de coeur du jeune E. d'Alzon depuis leurs études communes à Paris.
2. Ps 101,12. - Il s'agit de Félix Hedde.
3. Le 2 septembre, d'Esgrigny assurait le P. d'Alzon qu'il avait fait sa commission à du Lac et félicitait le P. d'Alzon:<>.
De fait, du Lac, les 21 et 22 septembre, en s'appuyant sur le discours des prix du P. d'Alzon, présentera, dans l'Univers, la fondation d'un collège à Paris et d'une Maison de hautes études à Nîmes.
4. Mgr Doney (1794-1871), préconisé évêque de Montauban, le 22 janvier 1844.
5. D'Esgrigny s'était marié assez tard avec Mlle Arthémise Milleret, et habitait tantôt Paris, tantôt Le Pouliguen en Loire-Atlantique. Lorsqu'il écrivit au P. d'Alzon pour lui annoncer la naissance de son fils, le Père lui répondit, le 26 mai 1849:<>. Une fille, Jeanne, avait précédé ce garçon en 1845. Par égard pour son ami, le P. d'Alzon voulut être le parrain de Jeanne et <> de René. Gravement malade en 1856, cet enfant devait mourir en 1859.2. Ps 101,12. - Il s'agit de Félix Hedde.