Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.83

15 sep 1851 Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Son contentement de la manière dont elle prend sa tentation. – Sa sévérité comme directeur, sa bonté comme ami. – A propos de ses lettres récentes. – Son amertume du refus qu’on lui a fait d’une vocation. – Il lui donne tout ce qui peut lui faire atteindre la sainteté. – Nouvelles diverses.

Informations générales
  • T1-083
  • 75
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.83
  • Orig.ms. ACR, AD 784, D'A., T.D. 21, n. 41, p. 30.
Informations détaillées
  • 1 AMITIE
    1 ANTIPATHIES
    1 BONTE
    1 CONFESSION SACRAMENTELLE
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 FRANCHISE
    1 GENEROSITE DE L'APOTRE
    1 LUTTE CONTRE LA TENTATION
    1 MAITRISE DE SOI
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 RETRAITES PASTORALES
    1 SEVERITE
    1 SOUFFRANCE SUBIE
    1 VICTOIRE SUR SOI-MEME
    2 BASTIEN, CLAUDE-HIPPOLYTE
    2 FRANCHESSIN, ERNEST DE
    2 GRIFFITH, RAYMOND
    3 NIMES
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le 15 sept[embre] 1851.
  • 15 sep 1851
  • Nîmes,
  • Evêché de Nîmes
La lettre

Ma chère enfant, Eh bien! je vous le dis du fond du coeur, je suis très content de vous et de votre lettre; car j’y distingue deux parties bien séparées: celle où vous me dites votre tentation, et celle où vous me dites que vous êtes résolue à la combattre. Qu’il y ait même un peu plus que la tentation, je n’en suis ni surpris ni peiné. Cela n’empêche pas que, ou je me trompe fort, ou vous avez remporté une immense victoire sur vous-même, et je suis sûr que Dieu en sera très glorifié.

Pour vous parler avec la même franchise, je vous dirai que, loin de me faire de la peine, la première partie de votre lettre me tranquillise, puis me fait trouver au fond de votre coeur une disposition à la perfection qui me fait un grand plaisir. Puis enfin, vous le dirai-je? Tout en voulant me réserver le droit de vous traiter sévèrement comme votre directeur, je dois reconnaître que j’ai des torts comme votre ami. Mais je veux vous expliquer comme je l’entends par un exemple. Ce sera ce qui s’est passé à l’occasion de M. de Fr[anchessin]. J’ai cru que vous vouliez être un peu seule, puis j’ai senti la blessure de votre coeur, puis j’ai été embarrassé pour savoir comment la guérir, et, au lieu de vous rien dire, j’ai préféré me taire. Voilà en quoi j’ai eu tort. Je désire que cet aveu, de ma part, et le pardon que je vous demande paternellement, et comme votre ami, vous aide, ma chère fille, à reprendre votre souplesse. Quant à la sécheresse que vous avez trouvée dans mes lettres de la chartreuse, elle était plutôt dans la forme que dans le fond. Du reste, ma chère enfant, je puis vous dire que si je vous ai dit quelque chose d’amer, il m’est absolument impossible d’en sentir le principe au fond de mon coeur.

Je me figure quelquefois que vous avez demandé à Dieu de me faire sentir les mouvements de haine ou de mépris, que vous m’avez dit avoir éprouvés quelquefois pour certaines personnes. Voilà quinze jours que je passe par la. La retraite m’a aidé à gagner quelque chose, mais encore ce matin il m’a fallu aller me confesser, avant de dire la messe. Le refus que l’on m’a fait de l’abbé Bastien, et les circonstances qui l’ont accompagné m’ont fait monter du fond du coeur tant d’indignation et de mépris que les flots s’en répandent, comme malgré moi, à chaque instant. Je vous le dis, parce que je crois cependant à la fin être un peu plus maître de moi.

Ma chère fille, je vous en conjure, malgré ces preuves que vous dites irréfragables de ma diminution d’amitié, croyez que l’imagination vous forge des fantômes, comme elle m’en a sûrement forgé dans l’affaire de l’abbé B[astien]. Que puis-je faire pour vous faire du bien? C’est devant Dieu que je vous dis ceci. Vous voulez être sainte, vous croyez avoir besoin de moi. Je ne veux pas vous donner, je vous donne tout ce qui peut servir à atteindre ce but, et croyez que c’est fait dans mon désir le plus sincère, et dans mon amitié la plus intime. Etes-vous contente? Je le demande à Notre-Seigneur.

Je n’ai point reçu de gravures ni de dessins d’église. Peut-être cela viendra-t-il plus tard. Je vous promets de faire de mon mieux avec Mgr Griffith[1]. J’ai été épouvanté par quelques mots de l’Univers sur la manière dont les Cafres ont pénétré dans la colonie.

Adieu. Laissez-moi me donner un nom, qu’il m’est impossible d’écrire sans émotion, parce que j’en sens toute la portée, celui de votre véritable ami.

E. D'ALZON
Notes et post-scriptum
1. Dans sa lettre du 12 septembre, Mère M.-Eugénie après avoir parlé du passage de Mgr Griffith en sa communauté, annonçait au P. d'Alzon qu'il se rendrait à Nîmes pour lui parler de la fondation d'un collège; elle lui transmettait aussi l'image, reçue de lui, de son église.