Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.102

14 oct 1851 Lavagnac, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Les cancans de M. Gabriel n’ont aucune importance. – Si elle demande les Pères pour confesseurs, que cela soit posé comme désir de la communauté. – Est-il utile d’avoir des rapports si intimes de communauté à communauté? lui ne le pense pas. – Il ne voudrait pas, non plus, trop mêler ses religieux à la direction des femmes. – A Paris, lui-même en pariera à l’archevêque. – Son accident de la veille.

Informations générales
  • T1-102
  • 93
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.102
  • Orig.ms. ACR, AD 793; D'A., T.D. 2l, n. 50, pp. 36-37.
Informations détaillées
  • 1 ACCIDENTS
    1 ASSOMPTIONNISTES
    1 CONFESSION SACRAMENTELLE
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 DROIT CANON
    1 LOI ECCLESIASTIQUE
    1 PROJETS D'UNION
    1 PRUDENCE
    1 RELATIONS DU PERE D'ALZON AVEC LES ASSOMPTIADES
    1 RELATIONS ENTRE RELIGIEUX
    1 SUPERIEURS ECCLESIASTIQUES
    2 BUQUET, LOUIS-CHARLES
    2 FORNARI, RAFFAELE
    2 GABRIEL, JEAN-LOUIS
    2 LAMARCHE, VINCENT
    2 LEQUEUX, ABBE
    2 SIBOUR, MARIE-DOMINIQUE
    2 THERESE, SAINTE
    2 TISSOT, PAUL-ELPHEGE
    3 NIMES
    3 PARIS
    3 PARIS, ARCHEVECHE
    3 PARIS, FAUBOURG-SAINT-HONORE
    3 ROME
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • 14 oct[obre] 1851.
  • 14 oct 1851
  • Lavagnac,
La lettre

Ma chère fille,

La longue lettre que vous m’écrivez au sujet des cancans de M. Gabriel ne m’a pas du tout surpris. Il fallait qu’il en fût ainsi, et vous devez vous attendre à beaucoup d’autres misères encore. Toutefois, l’abbé Gabriel n’a pas le sens commun, lorsqu’il dit que les canons s’opposent à ce que nous vous dirigions. Qui donc dirige et confesse les Cartusiennes, les Trappistines, les Soeurs de la Charité? Et lui-même, quand il était à Rome, où allait-il se confesser, sinon à Sainte-Catherine de Sienne, chez des religieuses dominicaines, au P. de Lamarche, dominicain, leur confesseur? [1] Est-ce dans le cours de droit canon de M. Lequeux qu’il a vu ces belles décisions? Vous avez parfaitement raison, c’est lui qui a tout inventé et tout mis en train[2].

Si j’ai un conseil à vous donner, supposé que vous croyiez devoir vous appuyer un peu sur nous, c’est de hâter la conclusion de cette affaire avant mon arrivée. Je vous engage à vous adresser à M. Buquet, tout commère qu’on le dit. Si vous croyez qu’il vous est bon d’avoir pour confesseurs les nôtres, que cela soit posé comme un désir de votre communauté. En poussant les affaires avant que j’arrive, j’aurai beaucoup plus beau jeu avec l’archevêque, avec qui je crois indispensable d’avoir une explication franche sur bien des questions. Si vous avez M. Buquet pour vous, bien des choses s’arrangeront entre lui et moi.

Mais, ma chère fille, réfléchissez bien devant Dieu, si réellement il vous est utile que nous ayons de si intimes rapports de communauté à communauté. Nous aurons plus tard du désagrément, croyez-le bien, à moins de nous mettre désormais sur le pied d’une très grande vérité. Ce n’est pas d’aujourd’hui que je fais ces réflexions. Elles me préoccupent beaucoup et pour les vôtres et pour les miens. Souvenez-vous de ce que vous a dit à cet égard le cardinal Fornari. Vous avez paru croire, un jour qu’en vous tenant ce langage, je voulais me faire prier; je vous assure qu’il n’en est rien[3]. C’est chez moi l’avenir des deux Congrégations qui me touche. De bons rapports d’amitié ne valent-ils pas mieux? Il est impossible que l’autorité ne se fasse pas sentir quelquefois, et alors que se passera-t-il? Vous vous retournerez vers l’évêque ou l’archevêque, et les conflits commenceront. Examinez, consultez vos Soeurs, écrivez d’avance les rapports tels que vous les comprenez, afin qu’il y ait quelque chose d’entendu, de compris. Attendez-vous que si une fois il y a de vous à nous des relations un peu autoritatives, ces relations pourront bien être autre chose que des mots. Je vous conjure de bien poser tout cela aux pieds de Notre-Seigneur. C’est quelque chose de très grave et qui engage l’avenir de votre Congrégation. D’autre part, on conçoit que, une fois un parti aussi sérieux arrêté, il y aurait imprudence à le modifier encore.

Je vous soumets ces objections et je dois ajouter que, pour ce qui me concerne, je crois utile de ne pas trop mêler nos religieux à la direction des femmes[4]. Ce sera un moyen d’éviter bien des misères avec les membres du clergé séculier, dont nous devons être les amis pour bien des motifs[5] Nous ne vous donnerons guère comme confesseurs que des gens comme M. Tissot, excepté toutefois dans les Missions et pour les visites, si nous sommes chargés de les faire, ainsi que pour les retraites.

En arrivant à Paris, j’ai le projet de demander à l’archevêque un entretien sur la position que je désire y donner à ma maison. Je désire très vivement que nous sachions bien très positivement ce que je dois lui demander pour nos relations. Vous comprenez toutefois que, si vous l’avez fait déjà demander par M. Buquet, j’aurai plus de liberté pour parler. Au reste, M. Sibour paraît peu tenir à nos relations. Il est venu à Nîmes et ne m’a pas fait demander, ni ne s’est présenté chez moi. J’étais dans mon lit et je n’ai pu aller le voir.

Adieu, ma chère fille. Je prie Notre-Seigneur de m’éclairer sur ce qui sera le plus utile pour sa gloire, car c’est là avant tout ce que nous devons demander. Mille fois tout vôtre en Notre-Seigneur.

Je n’ai pu dire la messe aujourd’hui. Hier, j’ai failli me casser le cou en tombant d’une chaise cassée. Je faisais ma méditation à genoux, la chaise rompit sous moi et ma gorge alla donner contre la main courante de l’appui de communion. J’espère que ce ne sera rien. Je vous plains de toutes vos souffrances. Dieu qui ne veut pas vous laisser un instant de repos veut vous forcer à trouver tout secours en lui. Sainte Thérèse dont je vais dire les premiéres vêpres, avait, elle aussi, bien ses fatigues et ses désolations; je lui demanderai demain pour vous son courage.

E. D'ALZON
Notes et post-scriptum
3. Cf lettre du 10 mai 1849 (VAILHE, Lettres III, p. 436)1. C'était aussi le confesseur de l'abbé d'Alzon pendant son séjour à Rome.
2. Le 9 septembre, Mère M.-Eugénie rapportait au P. d'Alzon que, selon l'abbé Gabriel, l'archevêché s'inquiétait de voir les religieux de l'Assomption confesser les Religieuses, ce qui était, disait il, contraire au droit et ce qui de fait, n'était pas vrai, à l'exception du P. Tissot. Il est évident que la fondation parisienne du P. d'Alzon et les nécessaires relations de service des débuts entre Pères et Soeurs, pouvaient faire jaser. Quoi qu'il en soit de ces cancans, cette nouvelle situation devait être clarifiée. Mère M.-Eugénie pense que le mieux serait d'avoir le P. d'Alzon comme supérieur ecclésiastique et qu'il pourrait dès lors nommer les confesseurs de son choix, parmi ses religieux. Elle demande donc au Père si une démarche dans ce sens doit être entreprise auprès de l'archevêché.
Jusqu'à ce jour, les deux Assomptions, dans une similitude de but et d'esprit, s'étaient soutenues et développées parallèlement. Le P. d'Alzon orientait des vocations vers le noviciat de Paris; Mère M.-Eugénie cherchait des professeurs pour le collège, dont certains devenaient religieux; on s'entraidait sur le plan financier; l'action du P. d'Alzon, directeur spirituel et conseiller religieux de la fondatrice lui valait en retour des lumières et des encouragements. Cependant, tous ces faits, ajoutés à la fondation du faubourg saint-Honoré et à quelques difficultés rencontrées par les Religieuses, retenaient le P. d'Alzon, devant le désir de la Mère, d'aller plus avant dans l'union des deux Assomptions. C'est ainsi qu'il écarte l'idée d'être leur supérieur ecclésiastique; mieux vaut le prendre, selon lui, dans le clergé séculier, et il propose M. Buquet, vicaire général.
4. Le Chapitre général de 1868, statuant sur l'union des familles de i'Assomption rappellera que les religieux <>.
5. Au nom de l'esprit d'unité voulu par le Christ pour son Eglise, la Règle de l'Assomption de 1855 demande de <>.