Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.162

10 may 1852 Nîmes, COMMARQUE Marie-Thérèse ra

La vertu à pratiquer, c’est le silence de Marie en présence des mystères, dont elle fut l’instrument et le témoin. – C’est une mortification qui ne nuit pas à la santé et fait beaucoup de bien à l’âme. – La vie religieuse n’est pas l’affranchissement de la douleur, elle en est la sanctification.

Informations générales
  • T1-162
  • 145
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.162
  • Orig. ms. AC R.A.; D'A., T.D. 35, n. 7, pp. 131-132.
Informations détaillées
  • 1 BON EXEMPLE
    1 EPOUSES DU CHRIST
    1 IMITATION DE LA SAINTE VIERGE
    1 JEUNE CORPOREL
    1 LACHETE
    1 LUTTE CONTRE LE MONDE
    1 MAITRISE DE SOI
    1 MOIS DE MARIE
    1 MORTIFICATION
    1 PUNITIONS
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 REFORME DE LA VOLONTE
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 VERTUS
    1 VERTUS DE LA SAINTE VIERGE
    1 VIE DE SILENCE
    1 VIE SPIRITUELLE
    2 BOLZE, MARIE-GERTRUDE
    2 RIGOT, MADAME
  • A SOEUR MARIE-THERESE DE COMMARQUE
  • COMMARQUE Marie-Thérèse ra
  • 10 mai [ 18)52.
  • 10 may 1852
  • Nîmes,
La lettre

Ma chère fille,

Me voici au 10 mai, pensant plusieurs fois à vous et n’ayant que quelques minutes à moi. Je peux pourtant, aujourd’hui, vous dire d’abord que notre Mère vient de partir et que je n’ai pas pu lui remettre une lettre pour elle, qui a été entre mes mains cinq minutes trop tard. Peut-être arrivera-t-elle quelques heures après le jour fixé! C’est moi qui l’ai retenue, parce j’ai absolument voulu lui trouver une compagne de voyage. J’avais espéré lui donner Louise Bolze, puis ce projet ayant échoué, j’ai dû m’arrêter à Mme Rigot, une sainte veuve qui fera une retraite chez vous et puis nous reviendra.

Vous me demandez quelle vertu je voudrais vous voir pratiquer plus particulièrement pendant le mois de Marie. Il me semble que, dans votre position, je ne puis vous proposer rien de mieux que le silence de la Sainte Vierge, en présence des mystères dont elle fut et l’instrument et le témoin: Maria autem conservabat omnia verba haec conferens in corde suo[1]. Ce silence mettra un terme à ce que notre Mère peut vous reprocher sur le scandale que cause la manifestation de vos volontés propres. En vous taisant davantage, vous gardez pour vous vos volontés, et c’est déjà quelque chose; puis, vous avez par-là beaucoup plus de facilité pour avancer vers cette vie intérieure, à laquelle Dieu vous appelle si manifestement, et c’est encore pour vous un grand avantage.

Il est évident que, plus recueillie en vous-même, vous écouterez bien plus facilement les paroles de Notre-Seigneur et vous lui serez plus épouse, puisque vous serez bien plus préoccupée de lui, et vous serez bien plus édifiante aux yeux de la communauté. Je trouve, dans cette lutte plus soutenue pour vous imposer une imitation plus parfaite du silence de la Vierge Marie, une occasion de vous mortifier, qui ne peut faire aucun mal à votre santé et qui peut faire beaucoup de bien à votre âme. Voyez ce que vous voulez offrir à Notre-Seigneur. Il me semble que vous avez tout un travail intérieur à accomplir en vous, et que, pour remonter à Dieu, comme vous me dites en sentir le besoin, vous devez avant tout chercher à vous rendre maîtresse de vous-même et éviter de vous répandre dans l’amusement, comme vous l’avez peut-être fait jusques à aujourd’hui.

J’entre dans toutes les souffrances de coeur dont vous me parlez. Je comprends toutes ces tristesses. Mais qu’en conclure? C’est que, pour tendre à la perfection, il faut souffrir; que la vie religieuse n’est pas l’affranchissement de la douleur, mais qu’elle en est la sanctification. De grâce, devenez une vraie religieuse par le recueillement. Offrez à Notre-Seigneur votre volonté et ne la reprenez plus. Le premier vendredi, après avoir reçu cette lettre, vous voudrez bien vous priver de dessert à l’un de vos repas, comme punition des lâchetés que vous accusez.

Adieu, ma chère fille. Mille souvenirs affectueux à vos Soeurs, et à vous un entier dévouement en Notre-Seigneur.

E D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Lc 2,19.