Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.167

25 may 1852 Nîmes, GERMER_DURAND_EUGENE

A l’Assomption, on pense bien aux absents, mais on n’a guère le temps de le leur dire. – Portrait de Roux-Lavergne, nouveau professeur – Description de l’appartement qu’il occupa jadis à Rome chez les Minimes. – Promenades du matin pour les élèves. – Respects au cardinal Fornari. – Roux-Lavergne sera tonsuré.

Informations générales
  • T1-167
  • 150
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.167
  • Orig.ms. ACR, AL 116; D'A., T.D. 34, n. 82, pp. 236-238.
Informations détaillées
  • 1 COLLEGE DE NIMES
    1 LOISIRS DES ELEVES
    1 MAITRES
    1 QUERELLE DES AUTEURS CLASSIQUES
    1 TONSURE
    1 TRAVAUX SCOLAIRES
    2 BOUIX, MARIE-DOMINIQUE
    2 BROSSAIS-SAINT-MARC, GODEFROID
    2 BRUTUS
    2 CARDENNE, VICTOR
    2 CINCINNATUS
    2 DOYEN-CAYOL, ALEXANDRE
    2 DUPANLOUP, FELIX
    2 FILIPPO, FRA
    2 FORNARI, RAFFAELE
    2 HENRI, EUGENE-LOUIS
    2 MILLERET, MARIE-EUGENIE
    2 ROUX-LAVERGNE, PIERRE-CELESTIN
    2 STIERNON, DANIEL
    2 YZALGUIER, M.-DOMINIQUE-EUGENE D'
    3 LAVAGNAC
    3 ROME
    3 ROME, COLLEGE ROMAIN
    3 ROME, EGLISE DU GESU
  • A MONSIEUR GERMER-DURAND
  • GERMER_DURAND_EUGENE
  • le 25 mai 1852.
  • 25 may 1852
  • Nîmes,
  • Maison de l'Assomption
La lettre

Mon cher ami,

A peine votre lettre me fut-elle remise, il y a quinze jours, je mis la main à la plume pour vous remercier de votre bon souvenir. Je l’attendais avec impatience; mais voilà que je vous fais bien plus attendre ma réponse. C’est que vous connaissez la vie à l’Assomption. On a bien le temps d’y penser aux absents qu’on aime, mais on n’a pas le temps de le leur dire.

Vous savez que nous possédons Roux-Lavergne[1]. Il met le feu aux intelligences les plus flasques, il remue, il agite, il vexe, et, pour peu que cela dure, il faudra bien qu’il y ait quelque explosion. Il entre si franchement dans toutes nos idées, il le dit si franchement à droite et à gauche, il frappe si bien d’estoc et de taille que les opposants ont peu à faire, parce qu’il se place sur le terrain des idées et que, de là, il vous les culbute avec une vigueur qui leur donne à peine le temps de s’apercevoir qu’ils sont en pleine déroute. Cardenne vous a-t-il jamais chanté la chanson qu’il fit sur mon compte à Lavagnac? [[Au galop! au galop! au galop!]] C’est Roux-Lavergne enfourchant la bête philosophique, historique, religieuse ou politique. Anathème à ceux qui ne font que trotter! Reste à savoir si ceux qui ne font que galoper ne s’essoufflent pas vite. Mon Dieu! les hirondelles volent bien du matin au soir.

Il faut que vous me rendiez un service. Dans le couvent de Sant’Andrea delle Fratte, par l’escalier qui est en face de la porte d’entrée, à côté de la porte de la sacristie, vous monterez au second; avant d’enfiler le long et obscur corridor qui se présentera à vous, vous verrez la première porte à main gauche, placée perpendiculairement au-dessus de la chambre qu’occupe, au premier, le Padre correttore.. En faisant ouvrir cette porte, vous verrez trois cellules: la première me servit d’antichambre, la seconde de cabinet d’études, la troisième de chambre à coucher. Demandez au sacristain, Fra Filippo, un grand boîteux, — supposé qu’il y soit toujours — s’il se souvient de moi et [ce] que sont devenus les religieux qui y étaient de mon temps. Ce sont des souvenirs que je serais heureux de renouveler, et je vous serais bien reconnaissant de m’en fournir l’occasion[2].

Pour atténuer l’influence de Cayol et de l’abbé Henri qui est déplorable, nous avons établi des promenades du matin très louées du Père Bis et de Roux-Lavergne[3]. Ce dernier y assiste avec bonheur. Les élèves y trouvent un élan prodigieux. On y traite de tout avec des travaux écrits, et je vous assure que les esprits se mûrissent à cette gymnastique volontaire. Mais je ne vous parle que de nous et je serais bien tenté de vous gronder de vos tristesses. Je m’en alarmerais, si je ne savais ce qu’est le mal du pays pour quelqu’un qui ne l’a pas quitté et qui se trouve seul.

Adieu, bien cher ami. Soyez assez bon, si vous voyez le cardinal Fornari, pour lui offrir tous mes hommages[4]. Ajoutez que Roux-Lavergne se fait tonsurer ici, à l’ordination de la Trinité. C’est un excellent poisson, qui s’enfonce chaque jour dans notre nasse. Adieu.

E. D'ALZON.
Notes et post-scriptum
2. En utilisant les renseignements mêmes du P. d'Alzon, le P. Daniel STIERNON a pu de nouveau identifier les lieux en 1954 (cf. Pages d'Archives, 3e série, n. 8, déc. 1967, 573-577).1. Né à Figeac en 1802, docteur ès lettres, député de Bretagne en 1848, rédacteur a l'Univers,veuf et père d'un garçon, Roux-Lavergne, mis en relation avec le P. d'Alzon, deviendra prêtre à l'Assomption. Le 29 mai, Mgr Brossais Saint-Marc, évêque de Rennes, écrira au P. d'Alzon, à l'occasion de la tonsure de Roux-Lavergne: <>.. De fait, Roux-Lavergne n'entrera pas dans la Congrégation et quittera le collège de l'Assomption, après avoir assuré le professorat de philosophie pendant deux exercices scolaires. Ses articles, dans la Revue de l'enseignement chrétien, effrayaient quelque peu Mère M.-Eugénie.
3. Cayol, professeur d'histoire; Henri, professeur de troisième; le P. Bis, surnom d'Yzalguier.
4. Avant même de recevoir cette lettre, Germer-Durand, de Rome, le 22 mai, écrivait au P. d'Alzon, après la double intervention de Mgr Dupanloup dans la querelle des classiques: <>.